Padduc

Aggravation du contentieux avec l’État

Arritti titrait «Padduc attention danger ! » le 2 mai dernier, rendant compte de la session du 25 avril à l’Assemblée de Corse et des crispations avec l’État concernant la bonne application du Padduc. Le Président du Conseil Exécutif Gilles Simeoni alertait en effet les élus sur l’audience de la Cour d’Appel de Marseille le 29 avril qui a mis en délibéré sa décision suite à une demande inquiétante du Commissaire au gouvernement de remise en cause des dispositions réglementaires des espaces stratégiques agricoles. Depuis, l’État à travers les prises de position de la préfète de région, aggrave le contentieux.

Explications.

«De nombreux permis continuent d’être délivrés sur des terres normalement inconstructibles.

Cette tendance risque de s’accroître si la Cour administrative de Marseille annule, à la fin du mois, la partie réglementaire du Padduc relative aux ESA. Face à cette situation, le Conseil Exécutif de Corse va proposer au vote de l’Assemblée de Corse le renforcement du dispositif de protection des ESA, le temps que la nouvelle cartographie et, si nécessaire, les nouvelles dispositions réglementaires, soient adoptées » twittait le Président du Conseil Exécutif, le 3 mai dernier.

Depuis, l’Exécutif a mis sur pied un nouveau rapport qui doit être présenté à l’Assemblée de Corse. Il consiste à accélérer la procédure d’élaboration de la nouvelle cartographie des Espaces Stratégiques Agricoles suite à son annulation pour vice de forme, d’une part.

D’autre part, à proposer à l’État un protocole permettant de sécuriser ces espaces dans l’attente de cette cartographie.

Ainsi, l’État et la Collectivité de Corse veilleraient ensemble à préserver ces espaces par l’examen concerté de toute demande de construction sur des parcelles identifiées comme ESA dans le Padduc. Et, le cas échéant, ils pourraient saisir le Tribunal administratif.

« Il y a eu de nombreux permis de construire délivrés sur des terrains qui sont des ESA au sens du Padduc» déplore Gilles Simeoni. «D’où la double protestation d’U Levante qui estime, d’une part, qu’il faut adopter la cartographie beaucoup plus vite et, d’autre part, que la Collectivité devrait systématiquement attaquer les permis situés sur des terrains ayant les caractéristiques d’ESA».

Plusieurs centaines d’hectares d’ESA ont été rendus constructibles depuis l’adoption du Padduc et U Levante a identifié 132.641 m2 d’ESA menacés par des projets immobiliers actuellement déposés auprès de la DREAL*, service de l’État qui délivre les autorisations d’urbanisme.

Ce nouveau rapport de l’Exécutif est donc indispensable pour combler le vide juridique dans l’attente de l’adoption de la nouvelle cartographie. D’autant plus si le Tribunal administratif venait à supprimer les critères d’identification des ESA. Il n’y aurait alors plus de garde-fous.

 

La Préfète de Région a brutalement réagi à cette proposition de l’Exécutif dans un courrier en date du 14 mai : « Je vous informe qu’il ne m’est pas possible de signer un tel document. En effet, en vertu de l’article 72 de la Constitution, c’est le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, qui est en charge du contrôle administratif et du respect des lois. »

La préfète s’était pourtant engagée dans un courrier en juillet 2018 à faire des recours chaque fois que des permis seraient déposés sur des terrains en ESA.

« Elle ne l’a pas fait systématiquement, déplore encore Gilles Simeoni, dans le protocole, je préconise qu’une fois tous les quinze jours nous nous mettions autour de la table pour examiner la liste des demandes de permis déposées sur des terrains qui étaient anciennement des ESA. Et à partir de là, on décide de ce que l’on fait ».

Comment interpréter donc l’attitude de l’État ? Et comment se convaincre de sa volonté de réellement protéger ces espaces ? Rappelons en effet les propos que la préfète a tenu devant les maires pour remettre en cause le Padduc. Qui plus est lors d’une réunion à laquelle, bien qu’il était question de sujets relevant de la compétence de la Collectivité de Corse, l’Exécutif n’était pas convié !

«Au nom de la Collectivité de Corse, je m’engage dans le protocole à déférer le permis si l’État ne le fait pas. Il ne s’agit pas de partager l’exercice du contrôle de légalité mais de donner une garantie supplémentaire, puisque l’État, contrairement à la Collectivité, a accès à l’ensemble des permis », explique encore Gilles Simeoni.

Une proposition de partenariat tout ce qu’il y a de plus logique et nécessaire dans le contexte. Gilles Simeoni a annoncé qu’il repréciserait les choses à l’État, mais il ne cache pas un certain agacement : « si je me heurte à un nouveau refus, je prendrais acte qu’il y a une volonté politique de ne pas partager l’information et de ne pas vouloir réfléchir ensemble à la façon d’être le plus efficace…

La préfète exercera ou pas son contrôle de légalité, nous, nous ferons des recours. Et nous aurons mis à découvert ce que sont les véritables intentions de l’État ».

Les rapports entre la Collectivité de Corse et l’État se tendent de plus en plus.

*Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement.

Arritti.

U Levante se réjouit

U Levante, très vigilante sur ces questions de préservation des terres agricoles, se réjouit de la position de l’Exécutif et rappelle tout le sérieux scientifique qui a prévalu à l’établissement et à la définition de ces ESA. L’association rappelle aussi l’engagement de la préfète en juillet dernier sur le maintien de la nonconstructibilité des espaces durant la période de modification.

« À l’automne 2018, précise encore U Levante, l’Agence de l’urbanisme a demandé aux maires de renseigner les permis de construire et d’aménager ceux déjà délivrés ainsi que les constructions déjà réalisées en cliquant directement sur les parcelles d’une web appli qui leur a été adressée. Si toutes les communes ont répondu (?) et si elles ont fourni une réponse exhaustive (?), la superposition de ces données avec la carte des ESA permettrait de connaître toutes les surfaces d’ESA artificialisées ».

U Levante rappelle aussi l’existence de base de données au niveau national des PC instruits et propose d’acter la demande en juillet 2018 du Conseil Économique Social Culturel et Environnemental « que les zones artificialisées feront l’objet d’un inventaire pour être identifiées… (et) faire l’objet de compensation pour la sécuriser » la cartographie.

Le Comité de suivi enfin prévu par l’Exécutif doit avoir accès à tous les PC et pas seulement à ceux des personnes morales, et il ne doit pas être « uniquement composé des responsables qui n’ont pas préservé les ESA depuis plus de trois ans » !

La Commission territoriale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CTPENAF) composée des Préfets et du Président de l’Exécutif ou leurs représentants, mais aussi de représentants du monde agricole, des maires et des associations serait mieux indiquée pour assurer ce suivi selon U Levante.

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