Incendies de Capu d’Annu

Ce que cette catastrophe dit de la Corse

2000 hectares détruits les tout premiers jours de janvier, par un incendie qui a dévasté sur son passage des maisons de village, des sites boisés remarquables, des Znieff de haute importance écologique et les exploitations d’éleveurs et d’agriculteurs aujourd’hui ruinés, et meurtris par la perte de leurs troupeaux qui ont péri dans les flammes.  Chjatra di Verde, Cervioni, Sant Andrìa di u Cutone ont vécu l’enfer du feu en plein hiver, et les terrains calcinés qui s’étendent à perte de vue vont désormais hanter leur quotidien.

 

Qu’est-ce que cette catastrophe dit de la situation de la Corse en ce début 2018 ?

Tout d’abord que nous sommes entrés dans une nouvelle ère du dérèglement climatique qui rend notre monde rural plus vulnérable que jamais.

Ces incendies disent en effet d’abord la violence de la sécheresse qui a frappé le couvert végétal insulaire au printemps, puis durant l’été et jusqu’à la fin de l’automne.

En début d’hiver, les ruisseaux ont pu retrouver un peu d’eau, mais la végétation asséchée sur pied, parsemée d’arbres roussis par le soleil, n’a pas encore retrouvé un état hydrique normal.

Cette végétation desséchée a fourni, même en plein hiver, un combustible totalement vulnérable au feu.

Cette catastrophe dit aussi que les « tempêtes tropicales » qui remontent du Gulf Stream nous frappent désormais directement.

Carmen, puis Eleanor en une semaine à peine, en plein mois de janvier : ces vents violents ont attisé l’incendie et cloué les moyens aériens au sol. Nous n’avons pas de réponse adaptée à ce type de situation alors qu’elle est potentiellement de plus en plus fréquente.

La Corse doit donc réfléchir aux conséquences du réchauffement climatique, et imaginer une prévention efficace pour que la conjonction entre sécheresse, vent violent et terrains hautement combustibles ne puisse mettre à nouveau en danger les vies humaines et pénétrer dans les villages.

 

Car l’autre chose que cette catastrophe dit de la situation de la Corse, c’est le constat de son intérieur désertifié, de son agriculture fragilisée qui n’occupe pas suffisamment l’espace agricole pour le garantir contre l’envahissement de la forêt et du maquis. Terrains abandonnés, pare feux naturels inexistants, fin des jardins ceinturant les villages, gros maquis envahissant des parcelles autrefois cultivées, dont les flammes immenses finissent par sauter les routes et propager l’incendie au coeur des zones habitées : voilà la situation à laquelle il nous faut faire face. La revitalisation de l’intérieur et la prévention des ravages des incendies sont étroitement liées.

 

La dernière chose que cette catastrophe a montré, c’est la vitalité des élans de solidarité qui continuent de faire la force du peuple corse. Tout d’abord, rendons hommage aux centaines de pompiers qui ont combattu jusqu’à l’épuisement et à qui l’on doit d’avoir évité l’irréparable, la perte des vies humaines. Leur épuisement perceptible dans leurs regards en disait long sur les risques pris, loin des Canadairs impuissants. Et leur engagement a sans doute contribué à inspirer la formidable chaîne de solidarité qui s’est aussitôt mise en mouvement dans toute la Corse. Des dons innombrables, des convois d’agriculteurs, d’artisans, de paisani rassemblant matériels, engins de chantier et moyens de transport pour venir reconstruire les bergeries détruites, les enclos ravagés et remettre sur pied ceux que la catastrophe a une nouvelle fois atteint, après la terrible sécheresse de 2017. Combien sont-ils qui ne baisseront pas les bras grâce au réconfort de cet élan de solidarité ? Et qui reprendront leur oeuvre productive pour que le monde rural ne soit pas encore davantage abandonné au maquis et aux catastrophes à venir.

De cette mobilisation de masse du peuple corse, il y a tant à espérer !

 

François Alfonsi.