Déchets

Le dos au mur

L’enchainement de plusieurs événements récents montre que le dossier des déchets entre dans une phase cruciale. Mais la coupable défaillance, des années durant, des intercommunalités et du Syvadec à propos du tri sélectif, et notamment dans le domaine du traitement des déchets organiques, a créé une situation intenable pour ceux qui devront décider de la suite des opérations pour l’élimination des déchets non valorisés par le tri. Chacun est désormais le dos au mur.

 

Le dossier «déchets» a resurgi lors de la session des 21 et 22 décembre 2020 par l’inscription d’un débat sur le Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets, dont l’adoption est prévue pour toutes les régions dans le cadre de la loi NOTRe de décembre 2015. Puis le retrait de ce rapport après une vive polémique sur le maintien d’une option d’incinération dans ses propositions en a repoussé la tenue. Mais ce débat sera obligatoire, et il ne peut tarder davantage vu les réalités concrètes et l’impasse dans laquelle se trouve la Corse.

En ce début janvier 2021, la diffusion de ce «pavé» de 900 pages fait le constat de 150.000 tonnes de déchets à enfouir annuellement pour une capacité d’enfouissement réduite à 100.000 tonnes théoriques (40.000 tonnes à Prunelli et 60.000 tonnes à Vighjaneddu) des Installations capables de les accueillir.

En 2020, 20.000 tonnes issues des collectes de fin 2019 et non enfouies du fait du blocage du site de Vighjaneddu, ont été incinérées à Nice et Fos sur mer, profitant d’une fenêtre ouverte par la crise économique pour les accueillir moyennant de lourdes dépenses supplémentaires. Pour «passer» 2020, une nouvelle fois, Vighjaneddu a été sollicité pour recevoir un surplus, tandis que la crise Covid a sans doute diminué sensiblement les quantités à enfouir. Mais l’exploitation de Vighjaneddu arrive à son terme (en théorie au 31 décembre 2020), et celle de Prunelli se profile à l’horizon (décembre 2024).

Aussi le rapport considère comme d’ores et déjà avalisé «Vighjaneddu 2», dont l’ouverture pourrait intervenir avant fin 2021 pour 58.000 tonnes annuelles, se substituant ainsi au site Vighjaneddu 1 géré par le Syvadec, au grand dam des populations du Valincu qui estimaient avoir largement contribué sur leur territoire à fournir un exutoire aux déchets non triés de la Corse entière. Le rapport entérine ce nouvel investissement, réalisé cette fois par un entrepreneur privé qui entend tirer profit de l’autorisation qu’il a obtenue de la Préfecture.

En ce début janvier, le projet d’un nouveau site pour une «Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux», ou encore son acronyme ISDND qui remplace CET (Centre d’Enfouissement Technique) dans les rapports, a été présenté par l’Office de l’Environnement de la Corse et le Syvadec à la Communauté de Communes Pasquale Paoli pour une implantation sur la commune de Moltifau, sur le site d’une carrière abandonnée.

La réunion a été houleuse et l’opposition des élus, comme celle des riverains, a été frontale. L’étude réalisée à la demande de l’Office de l’Environnement a été présentée, mais elle n’a pu convaincre les opposants qui craignent de recevoir demain sur leur territoire toutes les poubelles de la Corse, comme ont à le subir aujourd’hui les habitants du Valincu ou ceux du Fium’Orbu.

Dans les starting-blocks aussi le projet de Ghjuncaghju, dans un méandre du Tavignanu, qui révulse les populations mais qui n’a pas été rejeté pour l’heure, une décision de la Cour Administrative d’Appel de Marseille ayant invalidé la décision négative initiale du Préfet de Haute-Corse.

Un constat s’impose: si la Corse ne manque pas de projets pour des ISDND (Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux), elle n’a pas réussi à développer les centres pour composter les fractions organiques des OM. Ni à Aiacciu, ni à Bastia, ni ailleurs, seulement à Corti, et dans le Valincu où la collecte des biodéchets est pourtant toujours absente. De là à penser que la mauvaise volonté est là, côté Communautés de Communes et côté Syvadec… •

François Alfonsi.