Expansion des zones commerciales

Venez débattre mardi 19 novembre à Bastia

La Corse a connu une expansion urbanistique avec l’industrialisation du tourisme, la désertification du monde rural, la concentration de la population vers les deux grands pôles urbains d’Aiacciu et Bastia. Intéressées par ce gisement commercial, les grandes enseignes se sont alors progressivement installées dans l’île, là où il y avait du foncier disponible, en périphérie des villes. Le côté pratique pour le consommateur (choix diversifiés, coûts moindres, facilité de stationnement, animations attractives) a fait le reste.

L’histoire de la grande distribution dans le monde part plutôt d’un bon sentiment. Harmoniser les prix, diversifier l’offre de produits, rendre service au consommateur, les premières démarches naissent sous forme coopérative au XVIIIe siècle. Mais les travers du capitalisme prennent vite le dessus ; avec l’ère industrielle, les usines fournissent les marchandises que l’on stocke pour les distribuer dans des grandes surfaces qui se multiplient avec toujours plus de succursales et centrales d’achat… La concurrence entre grandes enseignes fait rage, portées à attirer et fidéliser massivement les consommateurs, s’étendre, construire de vastes zones commerciales. En France, l’explosion de ces zones « à l’américaine » se fait au début des années 70. Inexorablement, le petit commerce périclite; dans le rural d’abord, les populations préférant s’installer en ville pour bénéficier de tous ces avantages. Dans les centres-ville ensuite, malgré la tentative de certaines enseignes de fixer le consommateur au travers d’unités plus petites et autres supérettes. Rien à faire, l’extension toujours plus impressionnante de ces grandes zones commerciales (à l’image en Corse de l’Atrium à Aiacciu) a « déplacé » la ville vers la périphérie.

 

Résultat, selon les spécialistes du commerce spécialisé (Fédération Procos), le taux moyen de la vacance de logements en centre-ville en France progresse à vive allure : 7,2% en 2012, 9,5% en 2015, 11,9% en 2018. Seulement un tiers des villes françaises accusent une vacance inférieure à 10% en centre-ville aujourd’hui, contre 50% en 2015. Même chose concernant les activités commerciales : 13% de vacance dans les villes moyennes les plus fragiles, avec plus de 15% dans un tiers d’entre elles et même 20% pour 14% d’entre elles.

Pendant ce temps, la superficie des zones commerciales en périphérie augmente de 3 à 4% tous les ans, quatre fois plus que la consommation qui plafonne à 1% compte tenu du contexte économique, mais aussi de la concurrence du commerce sur internet. Bref, il ne reste que des miettes pour les petits commerces de centre-ville qui en sont réduits à aller eux aussi, pour les survivants, s’approvisionner dans les grandes surfaces ! 85% des extensions ou créations commerciales se font en périphérie, parfois sur des milliers d’hectares, avec une communication aguichante où l’on vante l’implantation d’enseignes en même temps que des loisirs et des espaces verts, le tout dans une conception moderne et dite (sic) écologique !

Tout ceci en contradiction avec les politiques d’aménagement du territoire, comme le Padduc en Corse, ou les plans «Action Coeur de ville » comme à Bastia et Aiacciu.

 

La réponse ? Une volonté politique ferme d’inverser la tendance. La Corse a sa base de travail à travers son Plan d’aménagement et de développement durable.

Nos villes doivent élaborer des Plans locaux d’urbanisme et les faire respecter.

Elles peuvent s’inspirer d’exemples comme Strasbourg qui concentre son activité commerciale au coeur de l’agglomération et freine l’installation de centres commerciaux en périphérie. Une des clés de la revitalisation des coeurs de ville réside dans la mobilité, avec des plateformes multimodales de transports en périphérie, pour y arrêter les voitures et développer la mobilité douce.

Piétonisation, vélos, transports en commun, transforment littéralement les cités et réinstallent les commerces que se réapproprient les consommateurs.

 

Voilà le nouveau challenge pour opérer la transformation de nos villes, les rendre plus attractives et plus agréables à vivre!

 

En marge du débat, une exposition se tiendra du 19 au 23 novembre, également au Musée de Bastia, au palais des Gouverneurs (Citadelle place du Donjon), avec des oeuvres de Philippe Pierangeli (photographe), Maria Elena Fantoni (artiste italienne), Pierre-Louis Centonze (Cartographe), Marc Antoine Campana (Urbaniste maquettiste). Ils confrontent ainsi leur approche du développement des zones commerciales périphériques. L’entrée est libre et gratuite.

Affaccàtevi.

Fabiana Giovannini

 

ARRITTI et la Fondation Maurits Coppieters* s’emparent de cette question et proposent une table-ronde ce mardi 19 novembre (au musée de Bastia) sur les « Zones commerciales, regards-croisés sur des ‘Non-Lieux ». Animé par Antonia Luciani, secrétaire général du Centre Coppieters, il accueille trois intervenants : Pierre Savelli, maire de Bastia, Franck Gintrant, conseiller auprès des collectivités, auteur de l’ouvrage « Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes », et Lorena Lacalle, ancienne ministre de la Culture en région d’Araba au Pays Basque sud, présidente de l’Alliance Libre Européenne*.

* Le Centre Maurits Coppieters est la Fondation de l’ALE, parti politique européen, baptisé du nom d’un ancien député européen flamand lequel porta les valeurs d’humanisme, de justice sociale et de défense des langues et cultures des régions à forte identité en Europe.