Prisonniers politiques corses

Patriotti répond aux questions d’Arritti

Pourquoi ce déplacement à Bruxelles ?

Collectif Patriotti : Nous avons rencontré, avec l’aide de Francois Alfonsi et Fabienne Giovannini, la députée Diana Riba, députée d’ERC, épouse de Raul Romeva prisonnier politique catalan, Tatyana Zdanoka, Tonì Comin, eurodéputé catalan qui a obtenu tout récemment son accréditation avec Carles Puigdemond et le Basque Pernando Barrena. L’objectif était, dans l’attente d’une véritable solution politique, qui in fine devra entrainer la fin de la répression et de toutes les pressions pernicieuses, d’exposer les entorses que la France fait à ses propres lois pour durcir sa politique répressive à notre encontre.

Quelles sont ces entorses ?

Nous avons évoqué en premier lieu les cas de Alain Ferrandi et Pierre Alessandri en détention hors de Corse depuis 21 ans et conditionnables depuis 3 ans. Avec Yvan Colonna, leur cas relève d’une inadmissible vengeance d’État.

Nous sommes revenus sur l’infâme FIJAIT rétroactif, que nous subissons avec les anciens prisonniers basques, ainsi que Le FNAEG et le FINIADA. Nous avons insisté sur le caractère aléatoire de son application chez nous, qui le rend d’autant plus illégal.

Nous avons exposé la problématique des amendes exorbitantes, demandées aux anciens prisonniers, qui hypothèquent voire empêchent leur réinsertion et toute transmission de patrimoine.

Qu’est-ce que le FINIADA et le FNAEG?

Le FINIADA est le fichier d’interdiction de détention d’armes, y compris de chasse. Ce qui a pour conséquence l’interdiction du permis de chasse pour des gens qui ont purgé leurs condamnations et qui n’ont plus rien à voir avec la Justice.

Le FNAEG est le fichier des empreintes ADN.

L’État constitue depuis une dizaine d’années un fichier de l’ensemble du peuple corse, plus particulièrement des nationalistes, en toute illégalité, puisque la loi en France donne le droit de prendre son ADN à quelqu’un si l’on a des indices graves et concordants à son encontre. Or, l’État met nos militants en garde à vue, parfois sans aucune raison juste pour leur prendre leur ADN. Lorsque c’est refusé par les militants, on leur impose des procédures judiciaires. Et lorsque ces militants gagnent devant le tribunal puisqu’ils ne sont pas tenus de donner leur ADN, les policiers volent à leur insu l’ADN malgré ces décisions de justice qui leur sont contraires !

Et le FIJAIT ?

Le FIJAIT est un fichier mis en place suite aux attentats du Bataclan et de Charly Hebdo. Sur le coup de l’émotion suscitée au sein du peuple français, des lois extrêmement liberticides ont été votées par rapport à la menace terroriste. Le FIJAIT permet de continuer le contrôle judiciaire d’un ancien détenu, même s’il a purgé sa peine. Il oblige les gens après leur libération de continuer à pointer tous les deux mois dans les commissariats et de signaler tous déplacements hors du territoire français. C’est extrêmement contraignant et extrêmement insultant parce qu’on applique à des prisonniers politiques corses des contraintes imposées aux terroristes islamistes. De plus, c’est une loi rétroactive sur 10 ans.

Comment ça ?

C’est-à-dire que tous les condamnés 10 ans avant l’adoption de la loi pouvaient être potentiellement inscrits dans ce fichier. Et ce qui est encore plus aberrant et grave, c’est que cela n’est pas appliqué de manière systématique.

Des militants passent au travers sans qu’on sache pourquoi. Il y a un arbitraire total et aucune règle ne semble prévaloir.

Certains militants ont donc décidé de ne pas se soumettre à ces injonctions.

Que se passe-t-il dans ce cas ?

On leur impose des procédures judiciaires, des condamnations d’amendes, et lorsque les militants poursuivent jusqu’à la Cassation, de nouvelles procédures sont intentées par l’État français. Or en matière judiciaire, l’usage veut que l’on attende la fin d’une première procédure pour en intenter une autre sur les mêmes motifs. Ça n’est pas le cas pour ces militants. Pour Félix Benedetti par exemple, on en est à la septième procédure et à la troisième condamnation dans quelques jours, avec chaque fois des condamnations plus importantes qui pour l’heure sont des amendes mais qui pourront finir par des peines d’emprisonnement.

Nous avons saisi la Cour européenne des droits de l’homme, pour le FIJAIT, la durée abusive de certaines procédures et sur le vide juridique pour les assignations à résidence hors de Corse qui ont été imposées à de nombreux patriotes.

Vous dénoncez aussi la problématique des amendes exorbitantes…

Lorsque l’on a des condamnations au pénal, s’en suivent des condamnations au civil, pour la destruction de bâtiments. Ces condamnations s’élèvent jusqu’à 700.000, 800.000 euros ! Ce qui amène à des saisies sur les comptes. Il n’y a aucune prise en charge collective de ce problème, les anciens prisonniers politiques, en plus de leur incarcération, des années de prison et de ce que cela a pu coûter à leur famille, sont donc condamnés à la précarité. La plupart sont insolvables. Certains essaient d’entrer dans des voies de règlement, on a l’exemple de cet ancien prisonnier politique qui a négocié un étalement de sa dette sur 1500 ans! Un autre, malgré un accord d’étalement qui avait été pris, a subi une saisie de tous ses comptes, y compris le compte épargne pour ses enfants. On a eu le cas aussi d’un agriculteur qui a eu une saisie sur son compte l’empêchant de développer son exploitation. C’est dire si l’on souhaite maintenir les militants dans une situation qui empêchent toute réinsertion dans la société pour le restant de leur vie avec des problèmes humains très importants, de même que des difficultés pour toute transmission de patrimoine.

C’est-à-dire ?

Comment ces personnes peuvent-elles hériter de leurs parents, la maison de village ou leur terre dans de telles conditions ? La terre c’est quelque chose qu’on se transmet de père en fils. Comment cette génération militante vat- elle faire pour éviter que ces biens de famille leur échappent ? Comment la transmettre à leurs enfants ? Cela pose un grave problème humain, parce que nous n’accepterons pas que l’État français vienne saisir nos maisons dans nos villages. Et que les enfants d’anciens prisonniers politiques ne puissent pas hériter de ce qui leur revient.

Qu’attendez-vous de cette réunion de Bruxelles ?

Il nous faut amplifier notre campagne pour révéler les injustices faites au Peuple Corse et plus généralement contre la restriction des libertés individuelles et collectives. Des heures sombres s’annoncent si nous ne sommes pas aidés face à tous ces problèmes. Cette réunion, comme celle qui nous a permis d’être reçus au niveau du Parlement français, par le groupe dans lequel siègent les députés corses, nous permet d’internationaliser la question face à un gouvernement totalement fermé à toute avancée, et totalement hermétique à la nouvelle situation politique. Il y a en Corse une majorité absolue nationaliste, ce qui n’était jamais arrivé à l’Assemblée de Corse, avec trois députés sur quatre qui sont nationalistes, avec les idées nationales corses extrêmement partagées par l’ensemble du peuple corse, avec le FLNC qui a déposé les armes depuis 5 ans ! Nous sommes dans une situation d’apaisement où tous les voyants seraient au vert pour avancer vers une sortie de crise, et l’État français continue de nier l’ensemble de nos revendications. La seule réponse c’est une multiplication des procédures à l’encontre de nos militants qui témoigne d’une volonté très forte de continuer la répression. Il était donc très important pour nous de partager avec les députés européens ces problèmes pour donner plus d’échos encore à nos revendications.

Nous allons prendre d’autres initiatives ensemble dans les prochaines semaines.