Catalogne

Faire échec au néo-franquisme de Madrid

L’incroyable désinvolture avec laquelle neuf ministres catalans qui se sont rendus à la convocation des juges ont été embastillés par les autorités madrilènes sans avoir commis d’autre délit que l’application des engagements qu’ils avaient pris devant leurs électeurs a choqué tous les démocrates d’Europe. Comment continuer à parler de démocratie en Espagne ?

 

L’Espagne a allumé tous les signaux d’alerte en matière d’atteinte à la démocratie. Des policiers matraquant des électeurs de tous âges devant des urnes, puis la destitution brutale et autoritaire d’un gouvernement légitimement élu, avaient déjà ému les démocraties européennes. Mais que l’on en arrive à incarcérer des opposants qui n’ont jamais dévié des principes de l’action démocratique et pacifique est l’image la plus évidente de la dérive néo-franquiste qui est en cours sous le gouvernement de Mariano Rajoy.

La justice belge a donné le premier coup d’arrêt à Madrid en décidant de laisser en liberté Carles Puigdemont et les quatre ministres qui l’accompagnent, que le gouvernement espagnol, via un mandat d’arrêt européen, voulait voir revenir en Espagne sous bonne escorte pour les embastiller à leur tour. Si Carles Puigdemont reste en liberté à Bruxelles, comment expliquer qu’Oriol Junqueras, Raul Romeva et leurs amis restent en prison à Madrid? En attendant ils y sont depuis une semaine, et les deux présidents des associations Omnium et ANC, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, y sont depuis plus de vingt jours.

 

Dans le contexte de la campagne électorale qui a été lancée pour renouveler la Generalitat de Catalogne, le 21 décembre prochain, ces arrestations sont révélatrices de « l’esprit démocratique » de Madrid qui jette en prison ceux dont elle craint qu’ils ne gagnent les élections.

Comment qualifier autrement que de dictature de telles attitudes ? Et Mariano Rajoy force encore un peu plus le trait en claironnant que, même si les nationalistes catalans gagnent les élections, il maintiendrait « l’état d’urgence » permis par l’article 155 de la constitution espagnole.

Et qu’il en ferait à nouveau usage pour destituer ceux que le peuple catalan aurait jugé bon d’élire contre son avis.

A l’évidence, les gesticulations répressives de Mariano Rajoy et de sa clique ont d’ores et déjà dépassé les bornes et les premières voix s’élèvent qui mettent en cause le bien-fondé du soutien européen à Madrid jusque-là affiché par l’Union Européenne et ses Etats membres. Y compris en France, où José Bové, Gérard Onesta et Ségolène Royal font enfin entendre un autre son de cloche.

 

Plus important encore pour les Catalans est la position de nombreux responsables belges, les flamands de NVA bien sûr qui sont la principale composante du gouvernement et qui ont déclaré leur soutien, mais aussi le leader socialiste Elio di Rupo ou le parti Vert flamand. Dans le contexte du « séjour » de Carles Puigdemont et de ses amis à Bruxelles, où ils ont été accueillis dans les locaux de l’Alliance Libre Européenne, ce soutien est bien sûr très précieux. Il garantit que la justice belge aura tout loisir de juger de leur situation face au mandat d’arrêt européen qui a été lancé contre eux par l’Espagne, loin des pressions des autres gouvernements totalement impliqués auprès de Madrid, notamment la France.

C’est dans ce contexte que Carles Puigdemont s’est rendu auprès du juge belge en charge de donner suite au mandat d’arrêt européen lancé par l’Espagne, et qu’il a été laissé en liberté le soir même, avec la garantie que tous ses recours seront examinés. Ce qui lui donne toute latitude pour lancer et mener la campagne des nationalistes en vue de l’élection du 21 décembre. Cette élection, il faudra la gagner ! Les sondages indiquaient avant que tous ces évènements ne se précipitent une situation stable de l’électorat depuis 2015: 48 % votant pour des partis favorables à l’indépendance, 32 % pour des partis espagnolistes et 20 % (principalement Podemos) pour des partis favorables au referendum d’autodétermination mais ne s’étant pas prononcé explicitement en faveur de l’indépendance.

 

Les indépendantistes catalans peuvent faire confiance à Mariano Rajoy et au néo-franquistes madrilènes : leurs agissements anti-démocratiques vont aller crescendo, et ils finiront par faire basculer bien des catalans encore hésitants d’ici le soir du 21 décembre.

En faisant échec au néo-franquisme, les Catalans auront alors rendu un fier service à la démocratie européenne ! Visca Catalunya !

 

François Alfonsi.