Allocution d’Emmanuel Macron du 13 avril 2020

Femu a Corsica en appelle à la mobilisation de tous les acteurs

«L’allocution du président de la République, Emmanuel Macron, devait apporter des réponses claires sur le plan sanitaire et économique à un moment charnière de l’évolution de l’épidémie du Covid19.

Or, au-delà de l’aveu concernant les « ratés » dans la forme, et de la reconnaissance normale et légitime des personnels soignants et tous ceux qui sont en première ligne, cette allocution entraîne plus de questions encore que la veille. Elle laisse aussi un goût très amer quant à la doctrine choisie prioritairement sur le plan sanitaire par le Président.
Il apparaît clairement que le choix sur ce plan consiste à accompagner le fait que la population soit progressivement touchée en grande majorité par le virus pour l’immuniser, en lissant les « coûts » humains sur une durée acceptable pour les services du système hospitalier et médical.
Si ne pas saturer le système de santé est un objectif évident, d’autres voies sont évidemment possibles pour garantir celui-ci. Et d’un point de vue pratique, et d’un point de vue éthique.
En développant un retour progressif à la vie sociale dès le 11 mai, en commençant par les écoles, crèches, collèges et lycées alors que les universités restent fermées jusqu’en septembre, le président de la République fait le choix d’une remise au travail des familles et d’une diffusion du virus. Chacun sait que les gestes barrières seront très difficiles, voire impossibles à mettre en oeuvre dans les écoles. Chacun sait que les enfants, mis pour le coup « en première ligne » en temps de guerre ce qui pose un sérieux problème moral, seront vecteurs exponentiels de propagation du Covid19 vis-à-vis des enseignants et familles.
Également, l’aveu du président de la république sur la manière d’appliquer le dépistage, uniquement sur les personnes déjà atteintes des symptômes, confirme la doctrine choisie, qui s’accompagne d’un choix de gouvernance bien centraliste et jacobine de la lutte contre le virus. Ainsi, en choisissant par le « haut » les classes d’âges, mais aussi les secteurs économiques et donc les employés, qui pourront être progressivement déconfinés de celles et ceux qui ne le seront pas, est un choix à l’inverse de celui proposé par les scientifiques et l’Académie nationale de médecine qui déterminent une approche pragmatique adaptée par territoire.

En effet, seul le « tester » massivement pour mieux « séparer » (confinement individuel pour les cas positifs, et confinement zoné et collectif pour les autres) et « traiter » (question du traitement à base de chloroquine) est à même de permettre une lutte territorialisée efficace et anticipée contre le virus avec le moins de pertes humaines possibles. Tels que prônés par William Dab, ancien directeur général de la santé, un « commandement » resserré, et une « réactivité » accrue ne peut se mettre en oeuvre de manière pertinente qu’à l’échelle territoriale et en maillant tant les forces sanitaires, publiques que privées.
Cette stratégie de combat repose sur la massification des tests sérologiques d’abord, un confinement basé sur une réquisition d’infrastructures publiques ou hôtelières, et ensuite une logique de traitement telle que réclamée par la quasi-totalite des élus et du corps médical insulaire.

Le chemin pris par le Président de la République est dangereux et ne permet pas, si on le suivait, de garantir la protection optimale des populations en anticipant enfin sur la suite des événements.
Il y a une sérieuse contradiction à considérer qu’il faut « changer » à commencer par « soi-même » et ne pas appliquer tout de suite les préceptes du changement, notamment et surtout après le fait que l’État ait totalement manqué de moyens et d’anticipation face à la naissance de cette crise. Or, sur le plan de la gestion de crise sanitaire, il n’y a pas de changement de méthode. Juste un discours sur la forme plus empathique mais qui détourne une nouvelle fois la responsabilité de l’échec éventuel de la lutte sur les citoyens, coupables de ne s’être pas bien confinés au 11 mai si la période de confinement individuel devait être reconduite.
À cela s’ajoute le flou artistique sur la garantie effective des moyens en masques au 11 mai et l’introduction surréaliste du débat sur la traçabilité liée à l’application Stop Covid, totalement inacceptable à ce stade d’incertitudes.

Sur le plan économique, bien que des mouvements de lignes s’opèrent en termes de soutien aux entreprises, notamment la perspective de l’exonération de charges pour les entreprises touristiques ou l’augmentation du fonds social et des entreprises éligibles, les perspectives et mesures ne paraissent pas à la hauteur de la catastrophe annoncée, avec une précarisation galopante en sortie. L’hyper spécialisation actuelle de la Corse à l’activité touristique et le ruissellement de l’ensemble des secteurs qui en découle crée un choc immédiat plus profond qu’ailleurs d’autant plus que les perspectives annoncées par l’allocution du président démontre qu’il y aura une saison blanche. Or les répercussions seront très importantes.
Il convient non seulement que nous puissions fédérer très rapidement l’ensemble des forces politiques et économiques de l’île, dans le droit fil de la gestion de crise pilotée par le Président du conseil exécutif de Corse, pour non seulement définir et obtenir les moyens essentiels auprès du Gouvernement, à l’amortissement du choc terrible qui s’annonce, mais aussi concevoir un nouveau modèle de développement et un plan de relance à la hauteur sur les 3 à 5 ans à venir. Chaque semaine qui passe se sont des centaines d’entreprises, petites ou grandes, qui risquent le dépôt de bilan par manque de moyens adaptés à la spécificité de notre pays, avec le corollaire en termes de pertes d’emplois.
Tant du point de vue sanitaire que sur le volet économique et social nous appelons à la mobilisation.
Nous appelons le Conseil Exécutif de Corse à créer les conditions de la fédération des acteurs pour d’une part, permettre une gestion de crise sanitaire adaptée à notre territoire, et la définition de moyens d’accompagnement de la crise économique et sociale à la hauteur de la situation historique qui s’annonce. »

Femu a Corsica, le 14.04.2020