Véronique Arrighi

« La lutte contre la précarité est une priorité de notre majorité »

Véronique Arrighi est une élue discrète et cependant active. Outre les missions classiques de nos élus, en représentation de  l’Assemblée de Corse lors de diverses manifestations, siégeant dans les commissions organiques ou les agences et offices  pour le travail « parlementaire » à mener, elle est aussi impliquée sur le terrain en tant que responsable du Secteur de l’Aide  Ménagère à Domicile. Elle oeuvre avec le groupe Femu a Corsica pour atténuer les effets néfastes de la crise.

Impliquée dans le domaine du social de par  votre métier, comment avez-vous vécu ces  derniers mois ?

L’annonce du confinement a été un choc  brutal pour toute la population de par les  déclarations contradictoires de l’Etat sur l’évolution  du virus. L’écoute, la bienveillance et  l’application des gestes barrières auprès des  personnes les plus fragiles fut ma première  préoccupation. De nombreuses actions de  solidarité se sont organisées dans tous les  territoires. Au-delà des initiatives des communes  et des associations solidaires déjà  existantes, des réseaux d’entraide se sont  créés naturellement.

J’ai pu constater que le secteur de SAAD  (service d’aide et accompagnement à domicile)  et les SPASAD (servie polyvalents d’aide  et de soins à domicile) mais aussi les familles  d’accueil ont été les oubliés des annonces  du gouvernement, malgré les efforts entrepris  par le travail du Président de l’Exécutif, de  la Conseillère Exécutive en charge du social  et de ses services. Les associations d’aides à  domicile ont été contraintes de prioriser et de  réduire les interventions par manque d’effectif.

Les familles d’accueil se sont retrouvées  démunis face à une surcharge de travail. Ce  secteur a dû gérer la peur et le désarroi de  leurs bénéficiaires. Elles sont les premiers  maillons de la chaîne du maintien à domicilie  de nos aînés et j’estime qu’une réelle prise en  compte de leur statut et une revalorisation  salariale s’impose plus que jamais.

 

Quelles ont été les actions menées par la  Cullettività di Corsica durant cette crise ?

La Cullettività di Corsica de par sa démarche  exemplaire s’est engagée pleinement dans  le combat contre le Covid-19, et bien souvent,  au-delà de ses compétences, à l’instar  des distributions de matériel de protection à  destination des secteurs sanitaires et médicosociaux,  aux communes et EPCI. Equipements  qui, je le rappelle, faisaient cruellement défaut  dans l’île.

Par ailleurs, la CdC a assuré la continuité de  service en matière de social et de handicap,  et notamment le paiement intégral et sansretard des prestations (APA, PCH, RSA). Une  cellule de crise mobilisant tous les acteurs  sociaux se réunissait chaque semaine afin  d’apporter des réponses aux difficultés rencontrées  sur le terrain et renforcer le suivi  des personnes vulnérables.

Un certain nombre de procédures d’urgence  et de dispositifs ont été mis en place tel que  le dispositif «Aiutu in Casa », la distribution de  tablettes en faveur des EHPAD, la convention  passée avec Emmaüs Connect et SFR  («Connexion d’Urgence»), le soutien en faveur  du secteur associatif, ou encore la mise en  place du portail numérique Covid-19.corsica.

Parallèlement, l’OPH de Corse proposait  également le report partiel ou total des  loyers et charges pour les locataires subissant  des pertes de revenus liées à cette crise.

 

La crainte d’une grave crise sociale est forte ?

Malheureusement, nous sommes conscients  que la précarité s’amplifiera dans les semaines  et mois à venir mais nous en faisons, au sein  de la majorité territoriale, l’une de nos priorités.

C’est dans ce cadre qu’une modification  du règlement des aides et des actions  sociales et médico-sociales liée à la crise  sera examinée lors de la session des 30 juin  et 1er juillet. Elle se traduira concrètement  par un régime dérogatoire exceptionnel et  temporaire pour les mesures suivantes : une  aide financière en matière alimentaire et  hygiène auprès des personnes isolées, une  prise en charge des frais de cantine au 3ème  trimestre de l’année scolaire ainsi que la  modification du règlement à destination des  bénéficiaires du RSA.

 

Vous êtes également intéressée par la  question agricole, comment le secteur déjà en  souffrance va-t-il pouvoir affronter cette crise ?

Il est évident que la crise économique a aussi  touché le secteur agricole et que l’avenir va  nous conduire à une mutation conséquente  des organisations, tant locales qu’européennes,  notamment à travers l’élaboration  de la nouvelle Politique Agricole Commune.

La Corse est en mesure de répondre en  grande partie aux besoins de sa population  mais, pour cela, il est tout d’abord nécessaire  d’avoir une réflexion profonde à cet  égard. Tous les acteurs se doivent d’agir en  synergie totale et durable, notamment la CdC,  l’Odarc, les Chambres d’Agriculture. La valorisation  des productions locales, des circuits  courts et de l’économie circulaire sont nécessaires  pour tendre vers une autonomie alimentaire,  respectueuse de l’environnement,  qui serait bénéfique à la fois économiquement  et socialement pour les habitants.

Malgré des coûts de production élevés, l’ensemble  des acteurs institutionnels et producteurs  doit avoir une réflexion sur la  restructuration des filières, appuyées sur des  diagnostics territoriaux, et rendre cette production  accessible à tous. S’appuyant sur  l’histoire de nos spécificités, évaluant correctement  et mettant à profit les ressources  naturelles dont la Corse dispose, des choix et  des priorités devront être établis, de façon à  créer une activité économique et sociale  durable qui sera à forte valeur ajoutée et de  surcroît, créatrice d’emplois.

 

Vous êtes de ceux et celles qui pensent qu’il  faut revoir notre modèle agricole…

Pendant le confinement l’Odarc a fait preuve  d’initiatives salutaires en rachetant des  matières premières aux agriculteurs en difficulté  pour ensuite les revendre sous forme  d’actions sociales ou en les distribuant aux  associations. Cette action devrait nous  conduire vers une réflexion de restructuration  pour un modèle innovant de commercialisation  en partenariat avec les professions  agricoles.

Par ailleurs, nous avons pu constater ces derniers  mois que la sensibilisation au développement  des circuits courts est un moyen  efficace pour répondre aux enjeux économiques  liés à la disparition des commerces  de proximité, mais également de rendre plus  tangibles les liens entre producteurs et  consommateurs. Cette approche que nous  devons poursuivre apporte transparence,  confiance et encourage à la consommation  locale.