Le dialogue vrai

« Il n’existe pas de solution clefs en main de nature à garantir le dénouement immédiat d’un problème complexe, conflictuel, qui plonge ses racines dans l’histoire et au surplus véhicule des enjeux dépassant largement le cadre des seules relations entre la Corse et l’État » expliquait Edmond Simeoni dans le magazine Confluences Méditerranée en janvier 2011. Il répondait à une interview dans le contexte du processus de Matignon mené par Lionel Jospin.

Edmond prônait les vertus du « dialogue vrai », mais la décennie qui s’est déroulée depuis cette interview malheureusement nous démontre que ses bases ne sont toujours pas réellement jetées.

Et pourtant, c’est la seule voie possible. Puissions-nous être habités par la foi inébranlable qui a guidé tout au long de sa vie le père du nationalisme contemporain.

 

«Notre conception du peuple corse repose sur le volontarisme et le droit du sol, et non sur le droit du sang.

C’est une dimension essentielle, qui reflète à la fois une volonté de prendre en compte l’histoire (la Corse est et demeurera terre de brassage et d’accueil) et le choix déterminé d’enraciner notre revendication dans le progressisme et l’ouverture, en rejetant totalement toute conception fermée ou sectaire de l’identité. Il reste que la notion de « Peuple corse » a une forte valeur symbolique pour les deux parties : la France parce qu’historiquement le peuple, la nation et l’État sont indissociablement liés, et de façon quasi-mystique, les nationalistes corses parce que leur action se situe dans le fil historique, millénaire, de la lutte de ce petit peuple pour son droit à l’existence et à la dignité. Il faut, pour résoudre le problème, le dédramatiser et être pragmatique : l’avenir de l’île pas plus que celui de la France n’est suspendu à cette reconnaissance ou à son refus. Par contre, les deux partenaires sont concernés par la définition et l’application d’une politique qui instaure la paix et reconnaisse l’identité spécifique de l’île. Le processus de Matignon y prépare et c’est l’essentiel. Très rapidement, quand les résultats bénéfiques de la nouvelle politique seront avérés, quand l’État aura approfondi son processus de décentralisation en métropole, les deux partenaires seront rassurés quant au respect des engagements réciproques. Le problème pourrait être alors posé à nouveau, en abordant aussi des dimensions plus techniques, permettant de combiner citoyenneté régionale et citoyenneté française, mais également européenne.

(…) Certains érigent l’égalité – abstraite – et l’unité – formelle – en dogmes intangibles. Ils défendent pourtant une citadelle vide : l’égalité n’est pas l’uniformité, et l’unité de la République est à géométrie variable. La citoyenneté française voisine déjà avec une citoyenneté néo-calédonienne. Le premier statut d’Autonomie interne de la Polynésie remonte à 1984 ; les spécificités juridiques applicables en Alsace sont héritées d’un passé bien plus lointain encore. Le futur statut de la Corse prévoit que la Collectivité territoriale de Corse se voie conférer un pouvoir d’adaptation, exercé sous le contrôle du Parlement national. Au terme d’une phase d’expérimentation, mise à profit pour faire l’apprentissage de ces nouvelles compétences et enraciner définitivement la paix civile, il est prévu que ce pouvoir d’adaptation soit définitivement conféré à la Collectivité de Corse. Je ne vois là rien que de très banal au regard de ce qui est déjà, et depuis fort longtemps, le droit commun de la plupart des régions d’Europe. C’est en fait le pari de l’intelligence, de l’espoir et de la responsabilité. Je suis persuadé qu’il sera gagné. »