Louis Pozzo di Borgo

« Le gouvernement doit doter la Corse d’une autonomie de plein droit et de plein exercice »

Le groupe Femu a Corsica participe activement à l’analyse de la crise économique et l’élaboration des mesures qu’il faudra prendre. Louis Pozzo di Borgo au sein des Commissions mixtes Finances et Développement économique, participent aux travaux. Comme élu de terrain à la mairie de Furiani, il est aussi aux premières loges dans la mise en oeuvre des dispositifs de lutte. Interview.

 

Adjoint au maire de Furiani, conseiller territorial, impliqué au sein des différentes commissions, pompier, vous avez toutes les « casquettes » pour vivre la crise au coeur des problématiques qui se posent à la Corse. Votre ressenti?

Nous vivons une crise sans précédent jamais connue dans l’histoire moderne et ce tant au niveau mondial qu’insulaire.

Au plus fort de cette période chaotique, chacun a pu mesurer l’impérieuse nécessité d’avoir un modèle de société basé sur l’entraide, le lien social et la solidarité.

Si la crise sanitaire semble derrière nous, le plus dure reste à venir avec une crise économique et sociale qui mettra à mal toutes nos certitudes. Pour sortir par le haut des mois qui arrivent nous devrons nous réinventer et nous engager vers un modèle de développement plus harmonieux et respectueux de nos spécificités. Ces dernières doivent être perçues comme des avantages et non des inconvénients.

 

Au sein du groupe Femu a Corsica, vous vous impliquez notamment sur les difficultés économiques. Quelles sont les initiatives du groupe sur ces questions?

La difficulté de cette crise est qu’elle évolue très vite et que l’incertitude en est le maître mot. Nous avons identifié trois phases économiques sur lesquelles nous travaillons : la reprise, la relance et le changement de modèle de développement. Afin de proposer les meilleurs scenarii pour chacune de ces phases nous avons lancé une longue et riche série de concertations des acteurs économiques et sociaux de notre ile. Nous restituerons très prochainement les synthèses de ces auditions et les solutions envisageables.

 

Quelle contribution apportez-vous ?

J’essaye d’apporter une vision économique factuelle qui permet de faire la jonction entre la vision du groupe Femu et celle des acteurs de terrain. La vision et la perception politique de la chose économique se heurtent souvent aux principes de réalité et c’est là que chacun doit apporter son expérience. Le contexte économique insulaire, exacerbé par la crise du Covid19 nous impose d’avoir des propositions réalistes et applicables sur le court et le moyen termes. Viendra ensuite le temps du changement.

 

La commune de Furiani est une commune importante du Grand Bastia. Quels sont les enjeux auxquels vous répondez ?

Furiani est une commune qui a connu un développement extrêmement rapide ces 20 dernières années, aujourd’hui nous devons faire face à un défi crucial, créer du lien social. La commune a une typologie d’habitats axée sur le pavillonnaire et donc sur l’étalement urbain. Nous devons aujourd’hui penser de nouveaux quartiers plus denses qui ne viennent pas chambouler les habitudes et la qualité de vie de l’existant.

Nous avons, lors de la première mandature, sacralisé tout notre littoral et c’est un signe très fort qui a été envoyé. Nous avons aussi étoffé l’offre sur le logement Social qui devient indispensable pour nos administrés. Reste maintenant à créer et faire vivre notre coeur de ville.

En termes d’enjeux pour le grand Bastia, Furiani est la jonction entre deux intercommunalités qui sont appelées à n’en former qu’une à moyen terme.

 

La crise est aussi sociale et le sera de plus en plus, comment accompagnez-vous vos administrés ?

Malheureusement, nos moyens d’action sont limités car depuis de nombreuses années les gouvernements successifs ont déconstruit le tissu municipal. Aujourd’hui les élus municipaux sont en première ligne mais souvent sans possibilité d’agir. En effet, les compétences réglementaires sont assurées par les intercommunalités. Pour autant, nous essayons d’avoir des actions de proximité en nous positionnant comme des facilitateurs dans les démarches de nos administrés. Enfin, nous nous efforçons de développer le tissu associatif social car c’est par l’entraide et la solidarité que nous sortirons de cette crise.

 

« La situation d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui » avez-vous dit agacé devant l’Assemblée de Corse aux élus de l’opposition, que voulez-vous dire ?

Le message sera simple, les sensibilités politiques des uns et des autres sont l’expression démocratique indispensable au bon fonctionnement de l’assemblée de Corse. En revanche, les postures politiciennes nuisent à la gestion de la crise et ne sont pas au niveau des enjeux. Enfin, cette crise ne doit ni servir de marche pieds vers la prochaine territoriale ni d’alibi pour se livrer à des attaques de plus en plus violentes à l’encontre du Président de l’Exécutif.

 

La Corse est face à une situation inédite.

Politiquement, est-elle armée pour agir ?

Comment analysez-vous les rapports avec Paris?

Aucune région n’est aujourd’hui armée pour faire face à une telle crise ni politiquement ni économiquement. La difficulté pour la Corse réside dans le fait que ses spécificités ne sont pas prises en compte par le gouvernement.

Cela pose des problèmes en temps normal et plus encore aujourd’hui. Le bon côté des choses est que la collectivité unique est opérationnelle car si nous étions encore dans un schéma à trois collectivités…

Enfin, les relations avec Paris sont malheureusement linéaires, le fait démocratique n’est pas respecté et il est difficile de voir une évolution favorable à court terme tant nous sommes dans un dialogue de sourds.

Afin de respecter les spécificités du territoire mais aussi et surtout la volonté d’une majorité de Corses, le gouvernement doit faire évoluer sa position pour enfin doter la Corse d’une autonomie de plein droit et de plein exercice.

Il est indispensable que cette demande portée depuis de nombreuses années aboutisse pour permettre à la Collectivité de Corse de mener plus facilement ses politiques tant en matière de social que d’urbanisme où de développement économique par exemple.

La crise que nous venons de traverser est la preuve qu’une gestion centralisée et Parisienne ne peut être efficace dans des régions à fortes spécificités.