Catalogne

Quatre ans après le référendum sur l’autodétermination

Le 1er octobre 2017, le gouvernement régional de Catalogne, présidé par Carles Puigdemont, organise un référendum d’autodétermination, malgré l’interdiction de la justice espagnole. Le « Oui » l’emporte alors avec 90,18% des voix et 43% de participation malgré les violences policières perturbant le déroulé du vote. Celui-ci est dénoncé par les autorités espagnoles tandis que plus de 700 000 personnes manifestent à Barcelone contre les violences policières quelques jours après. Le 27 octobre, le parlement catalan proclame unilatéralement l’indépendance après un vote de 70 députés sur 135 une semaine après la demande de destitution de l’exécutif catalan et de convocation des élections par Mariano Rajoy. La Catalogne est alors mise sous tutelle et Carles Puigdemont est destitué. Plus de quatre ans après la tenue du référendum, le statut de la Catalogne continue à diviser l’Espagne.

 

 

Trois jours de manifestations pour les quatre ans du référendum. En octobre dernier, à l’occasion de l’anniversaire du référendum d’autodétermination de la Catalogne, les partis indépendantistes ont montré leur union lors de trois jours de manifestation à Barcelone devant l’école Ramon Llull, là où la police espagnole avait violemment réprimé le peuple catalan. Malgré la situation sanitaire, des foules de manifestants ont défilé après l’appel des indépendantistes sous les bannières « Pas un pas en arrière, indépendance ». Le président Pere Aragonès a alors affirmé lors d’un discours prononcé depuis le palais de la Generalitat que « le 1er octobre représente un point d’inflexion dans l’histoire de la Catalogne et la réaffirmation du peuple catalan dans sa souveraineté et la défense de la démocratie. C’est un point de non-retour ». L’objectif est maintenant de négocier avec Madrid pour l’organisation d’un référendum accordé et l’amnistie des 3300 personnes poursuivies par la justice espagnole, comme Carles Puigdemont et Clara Ponsati, et ce malgré un désaccord formel de Pedro Sanchez, le président du gouvernement espagnol.

 

Certains sujets comme les politiques linguistiques cristallisent les tensions en Catalogne. Le 17 décembre dernier, le Tribunal Supérieur de justice de Catalogne (TSJC) a décidé d’une obligation de 25 % de l’enseignement scolaire en Castillan. L’origine de cette décision remonte à une plainte de parents d’élèves d’une école catalane de la commune de Canet de Mar, dans la province de Barcelone et révolte les indépendantistes catalans. Alors qu’en Espagne, le bilinguisme est autorisé au sein des communautés autonomes, il pose encore quelques difficultés dans certaines régions comme la Catalogne.

Cette décision a fait l’objet de d’une grande manifestation le lendemain près de l’Arc de Triomph réunissant quelques milliers de personnes. Som Escola, associant née dans le but de coordonner le soutien à une école catalane, souhaite que la priorité soit donnée à la langue catalane au sein des établissements. L’intégralité de l’enseignement en Catalan est revendiquée par les manifestants qui redoutent une perte de transmission alors que la langue castillane est préférée dans les médias comme la télévision ou encore les plateformes de streaming. La manifestation était soutenue par l’Assemblée nationale catalane et la Coordination des Associations pour le Langue Catalane (CAL), le Conseil d’Éducation de la Generalitat ou encore les représentants de l’Asamblea por una Escuela Bilingue. La médiatisation de l’affaire aurait alors entraîné une multiplication des plaintes de parents souhaitant qu’un minimum d’heure de classe soit donné en Espagnol. Cette récente affaire pose alors la question de ce qu’il subsiste du mouvement populaire de 2017 qui amenait à la tenue d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne.

 

Les indépendantistes renforcent leur majorité aux élections régionales de février 2021. Alors que Pedro Sanchez était parvenu à faire destituer le dernier président de la Generalitat Quim Torra (centre droite indépendantiste), la population catalane avait élu un gouvernement indépendantiste, cette fois de centre gauche, mené par Pere Aragones, ancien bras droit d’Oriol Junqueras. Celui-ci s’est engagé à poursuivre la lutte pour l’indépendance de la Catalogne en appelant Madrid à organiser un référendum sur l’indépendance après le scrutin régional de février dernier à l’issue duquel les indépendantistes avaient obtenu la majorité des voix. Les négociations entre Madrid et les catalans ont alors permis des avancées comme la libération et la grâce des prisonniers politiques catalans en juin 2021 même si les condamnés sont toujours reconnus coupables. Le prochain moment décisif pour les catalans se tiendra surement en 2023 lors des élections législatives espagnoles alors que l’ascension de Vox et le retour de la droite pourraient voir la situation des catalans se dégrader et le dialogue commencé avec Sanchez se rompre. En effet, les prédécesseurs de Sanchez comme Mariano Rajoy ont toujours refusé d’entendre les aspirations catalanes.

Une récente affaire pourrait également accroître les tensions entre indépendantistes catalans et l’Espagne. Les services de renseignements espagnols ont été accusés le 11 janvier dernier par un ancien haut gradé du centre de renseignement espagnol d’être impliqué dans les attentats de Barcelone et Cambrills en 2017. Le but aurait été de déstabiliser la Catalogne avant son référendum sur l’indépendance. Face à ces déclarations, les députés européens catalans ont mené une série d’actions pour en informer les institutions européennes en envoyant une question urgente à la Commission européenne. Le gouvernement espagnol continue de refuser d’enquêter sur les liens présumés entre les services de renseignement et les attentats terroristes de 2017 à Barcelone et Cambrils. •

Pauline Boutet-Santelli.