Livre sur la mémoire de Letia

L’œuvre collective que chaque village peut souhaiter

Pour trouver cet ouvrage, c’est un peu un jeu de piste : publicité via Facebook, qui vous oriente vers un dépositaire dans un quartier excentré de la ville à Aiacciu, et vous pouvez alors acheter l’ouvrage. Puis, en le lisant, vous vous prenez à rêver : et si chaque village pouvait disposer d’un travail aussi complet pour raconter son histoire de façon vivante et documentée ?

 

Les Archives de la Corse détiennent des trésors insoupçonnés. Encore faut-il les chercher, les trouver, les lire et les interpréter, puis en retirer les multiples pépites qui, assemblées les unes aux autres, permettront de reconstituer les temps anciens de chaque village.

Un vieux cadastre où les indications de lieu sont préservées de l’oubli, un acte notarié qui donne des indications précieuses sur les parentés, les surnoms, les métiers et tout ce qui faisait la vie du village, les états dressés par les services fiscaux qui précisent les activités économiques des habitants de l’époque, et aussi leurs surnoms indispensables pour surmonter l’obstacle des homonymies, les recensements de population, dont certains remontent à l’époque génoise, les registres des actes de naissance et de décès, etc. : les sources sont innombrables et les auteurs de cet ouvrage, aidés par des historiens, ont réalisé une œuvre considérable pour rassembler la part létiaise de cette mémoire éparpillée. Un vrai travail de Bénédictins !

Ce travail, l’Associu Letia-Catena, animée par Patrick Cerutti, Christian Tolla, Martin Arrighi, Jean Mathieu Mercuri et Jean Claude Stefanini, l’a mené et elle le présente dans un livre qui pourrait servir de référence à tous ceux qui voudraient à leur tour offrir à leur village un tel document de référence, expression d’une mémoire collective où les récits sont consolidés par leur confrontation aux documents issus de toutes ces archives.

 

L’Histoire de Letia, et, à travers cette communauté villageoise, l’Histoire de la Corse, sont ainsi restituées de façon concrète et incarnée, aussi bien durant l’époque génoise que lors des années de l’indépendance corse, puis les premiers pas de l’administration française, et, tout au long du XIXe siècle, son renforcement continu.

Dans ce village qui avait mobilisé une « compagnie Arrighi » de quarante volontaires pour combattre à Ponte Novu aux côtés de Pasquale Paoli, la population s’est vue imposer l’hébergement et le couvert pour des militaires français ou des régiments corses ralliés à la France durant cinq ans. Cela afin de dissuader tout esprit de révolte.

Puis la construction de plusieurs destins dans les colonies, favorisés par le déclin économique, est détaillée, tandis que les activités oubliées ressurgissent à travers des ruines dont on sait désormais, grâce à cet ouvrage, le rôle essentiel qu’elles ont joué : « usine » pour la fabrication d’ébauchons de pipes, moulins, four ayant servi à la fabrication de tuiles, etc.

 

Ce livre est passionnant à plus d’un titre.

La somme de travail est immense, et présentée avec goût et rigueur par les auteurs de ce travail collectif. Par leurs métiers, instituteurs, menuisiers et cordonniers, médecins, etc., par leur rôle politique, principali et podestats sous Gênes puis maires depuis le XIXe siècle, par leur origine, quand ils sont issus de l’immigration italienne par exemple, chaque famille létiaise peut lire le destin de ses ancêtres et comprendre ainsi les raisons profondes de son propre attachement à son village.

Même si vous n’êtes pas de Letia, on ne peut que conseiller la lecture de ce beau livre que vous pourrez vous procurer en entrant en contact avec l’Associu Letia-Catena, chez Patrick Cerutti, 20160 Letia. •

François Alfonsi.