Evenimentu à tempu religiosu, stòricu è culturale

San Ghjiseppu accoglie a Madonna fiumarola del Carmine !

A Madonna fiumarola del Carmine, sous l’oeil bienveillant de San Ghjisè. Départ de la procession.

La Saint Joseph, ce 19 mars, Saint patron de la ville de Bastia, aura eu une résonance particulière cette année avec la venue de Rome, de la Madonna Fiumarola del Carmine. Échanges religieux et culturels entre la Corse et Rome, et pourquoi pas… échanges économiques demain ? En tous les cas, l’occasion de découvrir tout un pan de notre Histoire et de vivre un moment de communion populaire.

 

C’est une histoire méconnue de la plupart des Corses. Parmi les liens qui ont uni la Corse et Rome, il y a celle de la Guardia Corsa Papale.

Méconnue et pourtant très riche. La Corse et la papauté ont des liens étroits depuis plus de 1200 ans. En 755 après Jésus Christ, Pépin le Bref permettait au pape Etienne II de jouir de la Corse.

Charlemagne fera plus en faisant don de l’île au pape Adrien 1er 19 ans plus tard. Dès lors, les liens ne se défaire jamais. Et si la Corse a eu une histoire très tourmentée, d’assauts militaires réguliers et d’occupations, souvent Rome vola à son secours. Les Corses sont nombreux à fuir les invasions barbaresques et c’est auprès du pape encore qu’ils se réfugient. Nombre d’entre eux sont employés au Vatican à toutes sortes de tâche et notamment à la garde de l’enceinte du

San Grisigono, ghjesgia naziunale di i Corsi in Roma.

Vatican, au mur de Leone IV. Plus tard, au Moyen- Age, militaires, commerçants, hommes d’église ou étudiants, ils peuplent tout un quartier du port, au point que, en 1445, la paroisse de San Grisigono leur est dédiée et devient église nationale pour les Corses émigrés à Rome.

Connus pour leur bravoure et leur fidélité, en 1468, une cavalerie lourde est constituée, payée par le Vatican. Elle ne cessera de se développer formant plusieurs compagnies au cours des siècles jusqu’à atteindre le nombre de 12.000 hommes au service du pape en 1503 sous le pape Jules II. Une flotte de 13 galères est également constituée pour affronter les Turcs. En 1528, 600 Corses jusqu’ici serviteurs du Roi de France, se mettent au service du pape Clément VII. Parmi eux, Sampiero Corso.

Et lorsque la papauté encore prend part à la bataille de Lepante en 1571 contre l’invasion turque, des Corses font partie de l’aventure…

 

I Sullati corsi di a Cunfraternità del Carmine

La constitution d’une Garde Corse au service direct du pape est donc difficilement chiffrable dans le temps.

Probablement plus officiellement au XVe siècle, ce qui est sûr c’est qu’elle connut plusieurs papes. « Il semble que cette Garde Corse ne soit pas une création mais une réorganisation d’unités déjà existantes » nous explique Iviu Pasquali qui a créé le Cullettivu Guardia Corsa Papale « dans le but de réhabiliter la mémoire de ces gardes corses du Pape sacrifiés sur l’autel des velléités géopolitiques de Louis XIV, au XVII e siècle » (lire ici).

«À travers l’histoire de ces courageux soldats corses chargés de maintenir l’ordre dans Rome et d’assurer la sécurité du Pape, c’est une partie de l’histoire de notre île que nous cherchons à mettre en lumière. Taraudés par les barbaresques, harcelés par les maures, les Corses eurent tôt fait de recevoir un accueil hospitalier de la part des romains et des papes, au coeur même de la chrétienté »

explique encore Yves Pasquali, «Ces hommes sont chargés de la garde en dehors des Palais Apostoliques et d’autres lieux de Rome. Elle dispose de droits de police, car elle combat les malfaiteurs, assure la sécurité des routes, escorte les courriers, et assure des cordons sanitaires lors des grandes épidémies de pestes ». Elle traite aussi les émeutes populaires, participe à toutes les cérémonies publiques, processions, réceptions d’ambassadeurs, visites de monarques, et exécutions capitales…

«Au travers de ce segment d’histoire, par la réhabilitation de ces Gardes corses, par le renouement de liens avec le Vatican, Rome, le quartier du Trastevere, c’est tout un pan de notre passé qu’il faut apprendre à redécouvrir. C’est le pari que nous effectuons avec cette association «Guardia corsa papale », c’est le but que nous nous fixons, sans dogmatisme, sans ambition démente car il ne s’agit en aucun cas de chercher à remplacer la garde suisse, sans parti pris ou obédience politique ou syndicale et avec beaucoup d’humilité mais avec une volonté forte et inaliénable de rendre au peuple ce qui lui appartient en termes de patrimoine, d’histoire et de culture ».

 

A Madonna fiumarola del Carmine

En 1505, les marins corses du quartier de Trastevere à Rome découvrent une Madonna à l’embouchure du fleuve du même nom et l’installent dans l’église Sant’Agata, attenante à l’église des Corses de San Grisigono. En 1543, les soldats corses du pape décident de créer une archiconfrérie, la Confraternità del Carmine, et prennent la Madonna de Noantri, également appelée Madonna Fiumarola du fait de sa découverte au bord du fleuve, comme Sainte patronne.

Tous les ans au mois de juillet à Rome, les paroisses de San Grisogono et de Sant Agata organisent une procession dans Rome où participent de nombreux Corses ou descendants corses et des centaines de personnes tout le long des berges du Tibre où la Madonna est transportée. Paghjelle, messa in corsu, bandere more accompagnent ce moment corse au coeur de la capitale italienne ! Cela a donné lieu à toutes sortes d’échanges qui se renforcent chaque jour davantage. Les deux confréries de Sant Joseph et de la Madonna fiumarola del Carmine ont jumelé en 2015 et l’an dernier une centaine de confrères se sont rendus à Rome pour participer à la procession de la Madonna sur le Tibre.

Cette année, autorisation exceptionnelle à la clé compte tenu de sa grande valeur patrimoniale, a Madonna fiumarola est donc sortie de Rome pour la première fois de son histoire, pour rendre visite à la Corse, accompagnée d’une vingtaine de confrères del Carmine. Saluant au passage a Madunuccia in Aiacciu le 18 mars, Pedicroce in Castagniccia, elle a donc fait l’honneur de sa présence pour la San Ghjisè in Bastia, durant près de 5 heures de procession à travers la ville, faisant halte devant différentes paroisses, St Charles, St Jean Baptiste, Notre-Dame de Lourdes dont l’église fête son centenaire cette année, San Roccu, la Conception, accompagnés par des centaines de fidèles durant 4 kilomètres.

Un moment de grande ferveur, mais aussi de partage culturel et de découverte historique. Et c’est certainement la première fois que l’on a pu voir Marie et Joseph réunis, à fà colla è falla nant’à a piazza San Niculà !

Pour Yves Pasquali et les membres du Cullettivu qui organise un déplacement à Rome en juillet prochain, c’est l’espoir aussi, demain, d’élargir encore ces échanges avec Rome au niveau économique. C’est déjà le cas au niveau sportif avec un jumelage entre l’AS Casinca et l’AS Trastevere.

«C’est à travers toutes ces nombreuses démarches que nous reconstruisons un pont et des liens naturels avec la Ville Eternelle et tout ce qui nous lie à elle » témoigne encore Iviu Pasquali.

Notre Histoire nous enseigne bien des chemins. Bravo à u Cullettivu di a Guardia Corsa Papale, à l’église de Corse et à tous les confrères de l’île pour avoir réussi ce moment particulier qui a touché de nombreux Corses.

 

Fabiana Giovannini.