Custituzione

La Corse à part dans la Constitution

Ce 18 septembre à Bastia, Core in Fronte organisait un débat sur la place de la Corse dans la Constitution, en présence de Wanda Mastor, professeur des Universités, agrégée en droit public et spécialiste en droit constitutionnel, qui avait fourni un rapport à l’Assemblée de Corse à la demande du Président du Conseil Exécutif, en 2018, envisageant les différentes pistes pour inscrire la Corse dans la Constitution. Elle présentait vendredi ce travail devant un très nombreux public, de toutes tendances politiques, nationalistes et non nationalistes.

 

Ni article 72 (droit commun des Collectivités territoriales de métropole), ni article 73 ou 74 (reconnaissance des territoires ultramarins), Core in Fronte prône l’obtention d’un titre à part au sein de la Constitution. « La Corse ne peut pas être comparée à d’autres. Elle a besoin de spécificités. C’est ce qu’a la Nouvelle Calédonie. On demande quelque chose d’équivalent pour que l’on puisse avoir à terme une autonomie, et plus tard un référendum d’autodétermination » explique Paul Félix Benedetti, leader de Core in Fronte.

Revendiquant sa liberté de parole et affirmant sa passion pour la Corse, Wanda Mastor a dressé à sa suite un état des lieux de la situation institutionnelle de la Corse, une collectivité territoriale insulaire hélas non reconnue véritablement comme telle. « La France est un état unitaire, c’est le plus unitaire pratiquement dans le monde pour une démocratie, ce qui signifie qu’aucun de ses territoires n’a le pouvoir de décider seul. On va vous expliquer que ce que je vous dis est exagéré, qu’en réalité les collectivités territoriales ont un pouvoir normatif – c’est-à-dire le pouvoir de créer du droit. Or c’est complètement faux. En tous les cas ma position de juriste c’est qu’il n’y a pas de pouvoir normatif s’il n’est pas autonome. » Le décor est planté. Et de citer des exemples qui obligent à passer par l’administration centrale pour agir. « Dans la France républicaine de 2020 aucune collectivité territoriale, même l’Ile-de-France, n’a vraiment un pouvoir politique, parce qu’avoir un pouvoir politique c’est d’abord un pouvoir juridique » affirme encore Wanda Mastor qui s’en désole en vantant le principe de subsidiarité : « pourquoi faire les choses à Paris quand on peut le faire au plus près du territoire ? » Devant cependant le mécontentement des régions, le gouvernement a proposé « le droit à la différenciation », qui permet aux collectivités « d’adapter le droit national aux contraintes du territoire ». Un principe qui existe déjà pour l’Outremer, nous dit Wanda Mastor, et qui sera donc généralisé à l’ensemble des régions mais dont les contours restent encore imprécis à ce jour. La spécificité corse n’est pas reconnue, dans son caractère insulaire, comme dans sa dimension politique. Contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe. Et de citer les communautés autonomes d’Espagne, du Portugal, le Groenland, les îles Ferroé, etc. qui bénéficient d’un statut d’autonomie. Et même en France avec la Kanaky dont le statut d’autonomie aboutira sur un référendum d’autodétermination. « La République française est ultrajacobine, elle l’est dans sa chair. C’est ce qui est dur pour nous. L’obstacle n’est pas juridique, il est culturel » explique encore Wanda Mastor qui prône la possibilité pour la Corse d’être reconnue comme à part dans la Constitution, lui permettant d’obtenir une véritable autonomie.

« L’autodétermination ne peut pas être au cœur d’un programme politique, car c’est une technique de vote, ça veut dire on va aller aux urnes pour permettre de choisir soit l’autonomie, soit l’indépendance, donc ça n’est pas un programme. On ne peut pas fuir le débat de fond sur pourquoi on va aller aux urnes » reproche gentiment Wanda Mastor à ceux qui ne disent pas clairement leur choix. « Je préfère l’expression être maître de son destin. » Elle cherche à se faufiler dans les mailles du filet constitutionnel appelant les nationalistes ainsi à rechercher des notions qui fédèrent, et prône pour le terme d’« autochtone ». Elle alerte aussi, « il faut faire attention à ne pas exclure les Corses de la diaspora, veiller à ne pas privilégier le critère de la résidence et s’inspirer du modèle calédonien à propos des intérêts moraux. »

Bref, du pragmatisme, car peu ou pas de solution idéale pour la Corse dans le cadre constitutionnel existant. Il faut y arracher notre place.