Un annu dopu cù

Nadine Nivaggioni

Elle est probablement avec Jean Biancucci parmi les élus les plus expérimentés des deux groupes nationalistes réunis, et même peut-être de l’Assemblée de Corse, tant elle connaît bien « la maison ». Le regard de Nadine Nivaggioni sur la première année des nationalistes aux responsabilités est donc indispensable. Son action témoigne du dynamisme du groupe Femu a Corsica, tant à la présidence de la commission du Développement économique, l’une des trois commissions organiques qui instruisent les travaux de l’assemblée, qu’à la présidence de la SEM Corse Bois Énergie, outil majeur pour la filière du bois et de la forêt corses. Militante fondatrice du PNC et donc de Femu a Corsica, elle saisit bien aussi le besoin du passage à une nouvelle étape pour le nationalisme corse et plaide pour la structuration de Femu a Corsica en véritable « parti de gouvernement ». Interview.

 

Après des années de militantisme dans les luttes et à siéger dans l’opposition, un an après, êtes-vous satisfaite de votre premier bilan aux responsabilités ?

Le travail réalisé pour mettre sur les bons rails l’action de notre Collectivité, ainsi que celle de ses agences et offices est tel, qu’au terme d’une année aux responsabilités, le premier bilan nationaliste me semble prometteur ; c’est ainsi que les Corses nous le manifestent.

Nombreux sont ceux, nationalistes ou pas, qui nous disent ressentir beaucoup de travail et d’implication.

Deux actions ont particulièrement conforté la confiance que la majorité des Corses nous a accordée. C’est d’abord les nouveaux modes de fonctionnement et de bonne gestion, fondés sur la transparence et sur des économies budgétaires substantielles portés par le Président de l’Exécutif. Les Corses triment pour essayer de s’en sortir et ils n’acceptent plus l’opacité, le gaspillage ou le favoritisme. Ils veulent voir des élus qui travaillent beaucoup pour que leur sort s’améliore et qui ne soient, ni au-dessus des lois, ni déconnectés de leurs conditions de vie difficile.

Le nouveau modèle de desserte maritime posé par le Président de l’Office des Transports a également marqué cette première année. Là où nos prédécesseurs se sont enlisés, l’Exécutif est en passe de finaliser son projet de Compagnies maritimes corses.

Dans ces deux cas, mais aussi pour tous les chantiers qui ont été entamés par les sept autres conseillers exécutifs, et ils sont nombreux et déterminants, nous serons satisfaits lorsque ces décisions politiques de tous ordres impacteront favorablement le quotidien des Corses.

 

Quels en sont les points forts selon vous ?…. et les points plus fragiles ?

Les points forts : La création de la  Collectivité Unique est pour nous, et  avant tout pour la Corse, une avancée  considérable qui va faciliter la cohérence  des politiques publiques et favoriser  la rationalisation des fonds. Nous  devrions gagner en efficacité dans la  réalisation des projets. Avec la disparition  des Conseils Départementaux, ce  sont aussi des méthodes clientélistes  d’un autre âge qui vont s’éteindre.

Notre point faible : Les conséquences  de l’accélération des prises de responsabilités ; les scrutins nous sont favorables les uns après les autres et tant  mieux. Néanmoins, les cadres politiques  qui dans l’opposition partageaient leur  engagement entre le terrain et leur  mandat, sont presque tous en responsabilité  aujourd’hui et manquent de  temps pour assurer le lien avec le terrain.

La structuration de Femu a Corsica  tarde à s’organiser réellement et le  risque de déception nous guette si nous  n’y remédions pas rapidement.

Nous devons nous atteler à établir  autour de cette énorme machine que  sera la Collectivité Unique, des liens  structurels avec les territoires, avec les  femmes et les hommes qui les constituent  et avec le gouvernement de la  Corse. La réussite de notre construction  politique passera inévitablement par là.

 

Vous avez pris la présidence de la  commission du Développement  économique. Quelles ont été vos  initiatives pour en améliorer les travaux  ou pour vous emparer des débats ?

C’est une expérience extrêmement enrichissante.

J’ai pris le parti de dynamiser  ses missions, en allant au-delà de la  simple étude des rapports à l’ordre du  jour de l’Assemblée comme ça se faisait jusque-là. Nous travaillons de manière  collaborative, à l’approfondissement de  certaines thématiques telles que la filière  « Forêts et Bois de Corse », et « Les Eaux  Minérales Naturelles de Corse», en auditionnant  des acteurs majeurs. Ces travaux  permettent de soumettre à  l’Exécutif des propositions et des recommandations.

L’implication de tous, nous donne une  vision plus étendue des sujets, dépassant  les clivages politiques et visant uniquement  l’intérêt d’un secteur et de ses  acteurs.

Par cette méthode, nous avons pu travailler  également avec le Conseil  Économique Social et Culturel. Ce qui  participe aussi du changement.

 

Parmi les priorités de la mandature, la relance de la filière Bois. Vous avez pris  la présidence de la SEM Corse Bois  Énergie. Quel est son rôle dans cette  filière ? Quel a été le vôtre dans sa  relance ?

Depuis mon élection à la Présidence de  la SEM Corse Bois Énergie, je travaille au  quotidien à donner une nouvelle impulsion  à cet équipement vétuste qui arrivait  en fin de vie, qui rencontrait des  difficultés financières et qui manquait  de perspectives de développement  réalistes.

Mon investissement se focalise depuis  bientôt un an sur le redressement de  cet outil. Avec le directeur, nous nous  sommes penchés sur la gestion des ressources  humaines, la recherche de soutien  bancaire – et je remercie la Caisse  d’épargne qui nous a apporté sa  confiance –, la consultation des entreprises  pour le renouvellement complet  de la chaufferie, des sous-stations et  dans quelques jours du réseau de chaleur,  la mise en place d’une tarification  pour l’achat de bois.

Tous les postes de dépenses ont été  réduits, nous avons mis un point d’honneur  à payer les dettes et, pour la première  fois depuis plusieurs années, nous  devrions arriver à l’équilibre. Le compte  rendu officiel des Commissaires aux  comptes sera l’occasion d’une présentation  devant l’Assemblée.

J’ai pris la décision de faire entrer au  capital  l’Entreprise Ferrandi et aujourd’hui,  après de nombreuses démarches   administratives, c’est chose faite.

Désormais avec Cofely et l’entreprise  Ferrandi nous allons pouvoir étudier la  faisabilité d’une unité de granulation sur  le site d’Aghjone. Malgré des mois d’un  intense travail, nous ne sommes qu’au  début de notre projet.

 

Quelles  sont les  perspectives  aujourd’hui  pour notre  forêt ?

La SEM est un  acteur central  dans la chaîne  d’exploitation  de la forêt.

Les importations  massives  ne permettent  plus  aux forestiers d’écouler le bois d’œuvre  extrait des coupes des forêts territoriales,  communales et privées.

Le bois énergie représente pour les trois  derniers forestiers, une activité non  négligeable.

La filière est moribonde. Les coupes ne  se vendent plus. La filière connaît un  point de rupture avec l’absence de  séchoir sur l’île. Une certification du bois  qui tarde à arriver et par-dessus tout,  une interprofession en phase de réorganisation.

L’Exécutif a pris la bonne mesure de la  situation et s’attelle à la relance de la  filière au travers d’actions coordonnées  entre l’Odarc, l’Adec, l’AUE dans le cadre  de la PPE, et la direction «Dynamique  des territoires ».

Des appels à projets pouvant financer  des équipements structurants ont été  lancés, la certification du bois est  attendue dans les prochains mois,  d’autres possibilités d’exploitation de la  forêt ont été mises en place avec l’ONF,  le CRPF a trouvé un écho au sein de  l’Exécutif, et la volonté forte de l’Exécutif  à mener une politique exemplaire en  matière de rénovation et de construction  bois sur ses propres biens immobiliers sont autant de décisions qui  convergent vers la mise en marche de  cette filière et le développement de l’intérieur de l’île.

 

Vous êtes aussi, surtout, l’une des élus  du groupe Femu a Corsica les plus  expérimentés (et l’on pourrait dire la  même chose au niveau de Pè a Corsica),  tant au niveau du militantisme que de  l’expérience de l’élue. Comment ça  fonctionne au sein du groupe ?

Les élus sont tous très impliqués, complémentaires  et dans un très bon état  d’esprit. Les nouveaux ont vite pris leurs  marques. Nos relations avec le groupe  Corsica Libera sont excellentes. Des  réunions de la majorité en présence des  Présidents de l’Assemblée et de  l’Exécutif, nous donnent l’occasion  d’échanger sur les sujets d’actualité, sur  les rapports à l’ordre du jour et d’analyser  les situations politiques. Tout ceci  est extrêmement formateur.

 

Après les annonces récurrentes de  « fusion » ou même « d’organisation » plus  poussée… l’avenir de Femu a Corsica  n’est toujours pas lisible pour l’électeur  lambda… comment faire pour que cela  se concrétise ?

Notre priorité aujourd’hui, c’est de créer  Femu a Corsica en grand parti de gouvernement.

La fusion des trois entités  doit se faire rapidement. Nous avons  déjà du retard. Les militants, et plus largement  toute l’audience, ont hâte de  voir éclore ce grand parti ; ils aspirent à  participer à cette belle construction porteuse  de paix et d’espoir.

La relation permanente avec le terrain,  l’articulation avec le gouvernement et  l’Assemblée délibérante mais également  nos rapports souvent tendus avec  l’État et notre représentation future à  l’Europe justifient ce besoin urgent de  structuration.

 

Que faire face au chaud-froid soufflé par  l’État au niveau institutionnel, entre des  avancées positives (arrêté Miot, statut  d’île-montagne, débat sur la fiscalité) et  des refus, voire des dénis par ailleurs  (langue, peuple, compétences  nouvelles…) ?

Il faut continuer à progresser pour parvenir  à se faire entendre de Paris ou  Bruxelles. Et donc franchir une étape  nouvelle. De 2010 à 2015, le groupe  Femu a Corsica a servi de caisse de  résonance; la coalition électorale a très  bien fonctionné en mars et nous a  conduit à la victoire en décembre.  Désormais, pour gagner politiquement,  l’outil doit évoluer en parti structuré et  constituer le berceau du renouvellement  des élus et des cadres.

Des enjeux majeurs se présentent à  nous : réussir le passage à la Collectivité  Unique, la faire fonctionner, élargir son  champ de compétences pour arriver à  un statut d’autonomie et offrir aux  Corses la possibilité de mieux vivre sur  leur terre.

 

Vos objectifs pour 2017 ?

Mes objectifs opérationnels pour 2017  seront l’achèvement des travaux de  renouvellement de la chaufferie et du  réseau de chaleur de Corti, ma participation  active aux premiers frémissements  de la filière bois, l’animation de la  commission sur des sujets essentiels,  mon investissement dans l’exercice de  la majorité et mon implication forte dans  la construction rapide de Femu a Corsica  au service de notre gouvernement.