Femu Quì S.A. et le fonds d’amorçage Alzà

« Le début d’une longue histoire »

Femu Quì est une entreprise fondée en 1992 dont la charte fondatrice (www.femuqui.com/etica) définit comme une « Société Épargne Emploi ». Elle lève des capitaux, notamment en mobilisant de l’épargne, et elle intervient de manière minoritaire, au capital d’entreprises corses en création, développement, ou transmission. L’objectif est de partager les risques avec les entrepreneurs et de contribuer à renforcer la structure financière de leur entreprise en vue d’accompagner le projet qu’elle porte. Le fonds Alzà a été présenté le 30 septembre 2021, après avoir réalisé son premier investissement au début du même mois.
Ghjuvan’Carlu Simeoni, directeur général de Femu Quì Ventures, société de gestion de portefeuille et filiale de Femu Quì S.A, nous parle du lancement du fonds d’amorçage Alzà.

 

 

Qu’est-ce que le fonds Alzà ?

C’est un fonds dédié aux entreprises du champ technologique et de l’innovation, qui vient adresser des besoins de financement à un stade très précoce, stade au cours duquel il est généralement difficile de mobiliser du capital. Le fonds dispose d’un site dédié : alza.femuqui.com. L’objectif est de mettre le pied à l’étrier à une quinzaine d’équipes de femmes et d’hommes qui créent des startups à partir de la Corse.

 

Qu’est-ce qu’une phase d’amorçage exactement ?

Quand l’équipe sait où elle veut aller, mais qu’il lui reste des dépenses de développement, voire de recherche sur son produit, et qu’elle s’apprête à tester son marché ou vient de commencer à le faire. Dit autrement, quand incertitudes et besoins de capital restent élevés et critiques. Les cibles du fonds d’amorçage Alzà sont de jeunes entreprises technologiques ou innovantes, ayant leur base et une partie significative de leurs moyens en Corse.

 

Quels sont les critères d’éligibilité ?

Un projet de produit ou de service à caractère innovant (idéalement reconnu comme tel par un tiers, comme Bpifrance par exemple), l’âge et la taille de l’entreprise (jeune et petite), le siège et l’activité de l’entreprise localisés de manière prépondérante en Corse.

 

Est-ce que vous avez déjà trouvé des entrepreneurs qui répondraient aux critères ?

Lors de la présentation publique d’Alzà le 30 septembre, à l’hôtel E Caselle à Venacu, nous avons présenté le premier investissement du fonds. Il s’agit de l’entreprise Agrid. Depuis, nous avons reçu près de vingt sollicitations que nous sommes en train d’examiner. Nous espérons réaliser entre trois et cinq nouveaux investissements d’ici fin 2021. Le rythme d’investissement se poursuivra en 2022 et en 2023.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur Agrid ?

Il s’agit d’une entreprise fondée par un ajaccien de 30 ans, Jean-Pierre Voropaieff, qui s’est associé avec un camarade d’école d’ingénieur, Jean-Bernard Eytard. Ensemble, ils ont conçu un logiciel capable de s’interfacer en 15 minutes avec un hôtel et de prendre le contrôle de ses systèmes thermiques (chauffages, climatisations, chauffe-eaux…) afin d’en optimiser automatiquement le fonctionnement, à confort constant pour les utilisateurs. Agrid est donc une solution logicielle énergétique à destination des hôteliers aujourd’hui, et de tout exploitant de bâtiment tertiaire demain. Agrid s’attaque au problème climatique par le biais des bâtiments, en faisant économiser jusqu’à 25 % de l’énergie des systèmes qu’elle pilote. Le travail de développement réalisé par les deux fondateurs, que nous avons suivis pendant plus d’un an avant la concrétisation de l’investissement en fin d’été dernier, permet d’envisager un déploiement à grande échelle, et donc potentiellement un effet systémique sur la consommation d’énergie. C’est aussi la raison pour laquelle Jean-Pierre a tenu à enraciner l’entreprise en Corse. Au-delà du choix affectif, la Corse constitue pour Agrid un espace de démonstration d’une grande pertinence, étant donné que la Corse est une « île énergétique » (faiblement interconnectée avec les réseaux électriques continentaux). Dès qu’un nombre suffisant d’hôtels y sera équipé, Agrid aura un impact sensible sur le système électrique insulaire et donc sur la consommation de ressources primaires.

 

Quel a été le processus de lancement de ce fonds ?

Le fonds procède par session d’investissement. Le 30 septembre, nous avons annoncé la tenue d’une session avant la fin de l’année 2021, au cours de laquelle nous espérons réaliser entre trois et cinq nouveaux investissements. Nous tablons sur au moins deux sessions par an ensuite. Le métier exige de la sélectivité. Femu Quì Ventures a un devoir fiduciaire envers ses apporteurs de capitaux. Si le fonds d’amorçage Alzà est né pour prendre des risques, il est né aussi pour potentialiser les équipes qui présentent les meilleures aptitudes de réussite. La création d’entreprise requiert un engagement total de la part des entrepreneurs. La création de startup exige, par nature, une très bonne capacité de réalisation. Notre équipe, chez Femu Quì Ventures, est extrêmement attentive à ces facteurs fondamentaux.

 

Par qui ce fonds a été financé ?

C’est un fonds qui est voulu par la Collectivité de Corse, et doté par elle. Celle-ci a lancé via l’Adec un appel d’offres fin 2017. L’appel d’offres comprenait plusieurs lots ayant vocation à sélectionner des opérateurs pour gérer divers « outils financiers ». Le fonds d’amorçage était l’un de ces « outils ». En tant que société de gestion de portefeuille agréée pour la gestion de fonds d’investissement de cette nature, Femu Quì Ventures avait la capacité d’y répondre. De surcroît, cela s’inscrivait en cohérence avec un axe stratégique important dessiné par le Conseil d’administration de Femu Quì S.A. ces dernières années, celui d’être capable d’offrir un environnement favorisant la création de startups à partir de la Corse, en travaillant au développement combiné du savoir-faire technique et du capital à long terme. Ce sont deux ingrédients essentiels à l’émergence de générations d’entrepreneurs.

 

Quel a été le rôle du Feder ?

Dans le cadre de la programmation 2014-2020, la Collectivité de Corse s’est vue doter de diverses enveloppes Feder, comprenant notamment une sous enveloppe ciblée sur « l’ingénierie financière ». Alzà représente, en volume, un petit morceau de cette « ingénierie financière », (2,6 millions d’euros soit les deux tiers du fonds Alzà qui totalise 4 millions). C’est un pas en avant concret. De nombreuses régions en Europe ont commencé il y a une dizaine d’années. Chez Femu Quì, nous sommes déterminés à rattraper ce retard et à faire d’Alzà le début d’une longue histoire du financement des entrepreneurs de l’innovation en Corse. Femu Quì impulse, avec cette perspective, une dynamique dont la portée se mesurera dans le temps. Nous nous inscrivons dans les pas des fondateurs d’il y a 30 ans. •

Recueillis par Pauline Boutet-Santelli.