Retour sur le rapport «Vince contr’à u Covid-19 »

La Collectivité de Corse sur le front

Le 24 avril dernier, après six semaines de confinement et de paralysie de la vie économique, l’Assemblée de Corse a adopté le rapport « Vince contr’à u Covid-19 » présenté par le président du Conseil Exécutif Gilles Simeoni.

C’est par la force de son engagement quotidien auprès des Corses que la Collectivité de Corse a pris sa place dans le dispositif de lutte contre la pandémie du coronavirus et ses conséquences sanitaires, sociales et économiques.

Six semaines d’un engagement total, auprès de tous, malades, publics fragiles, soignants, acteurs économiques, commerces ou exploitants agricoles. La Collectivité fait face à toutes les urgences. Et c’est bien grâce à cet engagement de l’ensemble de la majorité, et particulièrement de l’Exécutif de Corse, mais aussi de nombre d’acteurs de terrain, que la Corse a résisté face à la première « vague » de l’épidémie, sans que soient menacés les fondements de son système de santé pourtant réputé fragile.

 

Sur le front sanitaire. Dès février, pressentant que « la crise du coronavirus allait avoir des conséquences majeures », le Conseil Exécutif de Corse a mobilisé ses 4.500 agents pour que l’institution soit présente aux côtés de tous les Corses touchés par l’épidémie.

Le 3 mars, les hôpitaux insulaires ont enregistré leurs premiers décès, le 11 mars, l’OMS déclarait la situation de pandémie mondiale, et, au moment du déclenchement du confinement en France, le 17 mars, le « plan de continuité de l’activité » de la CdC a été opérationnel : protection sanitaire des personnels, sécurité des lieux publics dépendant de la CdC, continuité du service public et des missions essentielles telles que l’entretien des infrastructures, l’action sociale, les paiements aux tiers, la prise en charge des situations d’urgence, la continuité de l’exercice des missions exercées dans l’intérêt des publics les plus fragiles, etc.

L’aspect sanitaire a été la première priorité, pour suppléer et faire pression sur un État qui détient les leviers des décisions.

Principal front celui des traitements proposés, par une mobilisation avec l’ensemble du corps médical insulaire, pressant l’État de faire en sorte que la Corse soit territoire d’expérimentation du traitement par hydrochloroquine selon les préconisations de l’Institut Hospitalier Universitaire du Dr Raoult à Marseille. L’Etat est resté sourd aux sollicitations venues de toute la France pour la généralisation de ce traitement, mais la Corse sera quand même territoire d’expérimentation dans le cadre des campagnes d’évaluation menée par le Ministère de la Santé.

Autre carence de l’État que la CdC a participé à résorber : les masques et matériels de protection, jusqu’à mobiliser ses propres laboratoires d’analyses, qui effectuent habituellement le contrôle de la qualité des eaux potables, pour fabriquer du gel hydro-alcoolique au rythme de 300 litres par jour.

Avec l’aide de la diaspora, et notamment d’un opérateur corse exerçant en Chine, la CdC a réussi à concrétiser un marché d’importation de deux millions de masques, dont plus de la moitié ont été livrés mi-avril, au moment le plus crucial de la pénurie au niveau des services de l’État. Le stock approvisionné par la CdC permettra de faire face à plusieurs mois de besoin des milieux hospitaliers.

Mais il faudra encore faire davantage: les seuls besoins pour fournir les personnels de la CdC sont estimés à 188.000 masques par mois.

Moins «médiatiques » que la question des masques, mais tout aussi nécessaires, ont été les mesures d’accompagnement social mises en place comme «Aiutu in casa » qui permet aux foyers ne pouvant faire face à une échéance de loyer ou EDF de bénéficier d’une aide ponctuelle de 150 €, d’aider les établissements scolaires à donner les outils informatiques, nécessaires pour ne pas décrocher, aux élèves les plus démunis, d’accorder une prime exceptionnelle de 1.200€ aux stagiaires en formation dans les filières médico-sociales, très impliquées pour aider leurs établissements d’accueil au plus fort moment de la crise, ainsi qu’aux internes des hôpitaux.

 

Sur le front économique. Les inquiétudes sont grandes pour l’économie. En France, 32% de la richesse n’était plus produite chaque jour de confinement, chaque mois 3 % de déficit annuel de PIB. Mais, dans le contexte de l’économie corse, les impacts vont plus loin, particulièrement pour les secteurs du tourisme et des transports, qui emploient 56% des salariés insulaires, et qui sont impactés à 80%. L’arrêt total des activités du bâtiment a impacté 20 % des emplois sur l’île. Dans l’agro-alimentaire, les carnets de commande ont chuté de 90% pendant que les stocks ont gonflé de 30% du fait des invendus.

Pour le tourisme, on comptait au 5 avril 5% des établissements ouverts, et 83% de demandes de report, et le plus souvent d’annulation, des réservations pour la saison à venir.

Face à ce cataclysme économique annoncé, la CdC a engagé immédiatement un plan de 30 M€ pour proposer des solutions complémentaires là où les mesures générales décidées par l’État (chômage partiel, report d’impôts et de charges, etc., presque 400 millions d’euros pour la Corse selon le 1er ministre en visio-conférence avec les élus corses le 22 avril dernier) ne suffisent pas.

Certaines démarches ont consisté à coordonner les acteurs économiques pour qu’ils organisent l’entraide. Ainsi, les Grandes et Moyennes Surfaces ont été engagées à donner la meilleure place aux produits agricoles corses dans leurs rayons. Les industriels de la filière laitière ont cessé toute importation de lait pour pouvoir absorber la production des producteurs fermiers qui ne peuvent plus écouler leur marchandise, car leurs clients, souvent des restaurateurs, sont fermés. La CdC a pris en charge les écarts de prix que ce dispositif

générait.

Pour les viticulteurs, la production 2019 restera largement invendue pour cause d’absence de débouchés cet été. La CdC les aidera à s’équiper de nouvelles cuves pour pouvoir faire face aux besoins des vendanges 2020, et pouvoir stocker leur production pour l’écouler les années suivantes.

Le marché des agneaux et cabris s’est effondré avec l’annulation des festivités de Pâques : la Collectivité de Corse s’est portée acquéreur d’une partie de la production.

Les pêcheurs, dont la production trouve ses plus grands débouchés dans la restauration, sont nombreux à laisser leur embarcation à terre: ils seront aidés à hauteur de 30% de leur chiffre d’affaire perdu.

Les titulaires des marchés des lignes de transport interrompues pour raison de confinement seront quand même défrayés à hauteur de 50% des conventions passées pour assurer leur trafic.

Voilà plusieurs exemples de ce que la CdC a pu apporter, en complément des aides d’État pour faire en sorte que le tissu économique de la Corse ne soit pas détruit par la période actuelle. Il reste beaucoup à faire car la crise économique ne fait que commencer, et nul ne sait si le retour à la normale pourra véritablement intervenir pour des activités telles que le tourisme avant la fin de la saison.

La relance de l’économie est conditionnée par un redémarrage de la demande. Mais cela sera fait au rythme des progrès sur le plan sanitaire, sans garantie sur les délais. Encore faudra-t-il faire en sorte que les consommateurs trouvent des producteurs encore capables de leur proposer des produits.

C’est une stratégie coordonnée structuration de l’offre/relance de la demande qu’il faut organiser, malgré les incertitudes puisque le risque existe d’une seconde vague épidémique qui remettrait encore tout en cause si elle intervenait.

Et cette reconstruction de l’économie corse devra être aussi l’occasion de la réorienter, pour qu’elle soit plus résiliente au plan écologique et social, pour qu’elle veille à relocaliser la production, pour assurer aussi la transition numérique.

Le rapport conclut : « la crise qui vient doit inciter l’ensemble des acteurs à surmonter les blocages actuels et à initier une nouvelle voie, confirmant irréversiblement le caractère pionnier et massif de l’engagement de l’île dans la révolution écologique. »

S’y ajoute, le « Plan de sortie progressive et maîtrisée du confinement pour la Corse» adopté le 7 mai dernier, qui propose, tout en restant très vigilant sur l’enjeu sanitaire, d’ouvrir la possibilité d’une saison touristique sur laquelle repose les frêles équilibres des secteurs clés de l’économie insulaire (lire en pages 6 et 7).

 

 François Alfonsi.

*présenté dans notre numéro 2650.

 

Un budget très impacté par la crise

Le rapport de l’Exécutif a fait également un point détaillé des impacts budgétaires de la crise pour la Collectivité de Corse. Car la CdC dispose de plusieurs ressources conséquentes dont le rendement dépend de l’activité économique.

Il s’agit tout d’abord de la taxe sur les transports : toutes les liaisons entre la Corse et l’extérieur étant interrompues, cette recette disparaît mécaniquement.

Autre ressource affectée : les taxes sur les ventes de tabac qui sont pour beaucoup liées à l’activité touristique. Idem pour la taxe TICPE (ex-TIPP) fondée sur la vente des carburants, et quelques autres produits fiscaux plus faibles en montant.

Malgré des ratios de solvabilité rétablis après quatre années de rigueur budgétaire qui ont permis de redresser les finances de la Collectivité, l’impact sera sévère d’autant que la crise risque d’accroître la charge des emprunts toxiques légués par l’ancienne mandature au gré des variations des taux de change avec le franc suisse dont l’évolution va devenir probablement erratique, faisant flamber encore les taux d’intérêt de cette dette et donc la charge sur le budget de fonctionnement, amputant d’autant l’épargne brute dégagée par le Collectivité de Corse dans ses comptes annuels.

Les pertes de recettes attendues iront donc de 86 millions d’euros à 115 M€, selon le scénario, optimiste (crise concentrée sur 2020) ou pessimiste (redémarrage demandant plusieurs années).

S’y ajoute aussi un vieux contentieux Corsica Ferries, datant d’une vingtaine d’années, très lourd financièrement, dont la facture finale, pouvant aller jusqu’à 85 millions d’euros, sera à honorer dans les mois à venir.

Si la CdC garde des mages de manoeuvres dans un tel contexte c’est grâce à l’orientation politique d’une grande rigueur mise en place dès 2015, qui a commencé à porter ses fruits. Fort heureusement, car sans cela il n’aurait pas été possible de faire face à l’heure du coronavirus