Cap'artìculu

2021 : une année importante

par François Alfonsi
L’année 2021 se termine dans l’épidémie du Covid comme elle avait commencé. Elle n’en a pas moins été une année importante pour la Corse.

 

Cette épidémie du Covid oblige les gouvernants à l’humilité. En Corse, au tout début il y a eu la polémique – déjà – entre l’Exécutif de la Collectivité de Corse et le préfet Lelarge, tout juste nommé, sur le pass sanitaire que Gilles Simeoni voulait instaurer, avant l’été 2020, pour sécuriser la Corse en profitant de sa situation insulaire qui oblige à y arriver en bateau et en avion, ce qui permet donc d’organiser facilement des contrôles systématiques.

Ce n’est que six mois plus tard que le préfet a enfin cédé à une idée qui n’était pas la sienne. Par la suite, le pass sanitaire a été généralisé dans toute l’Europe, et la Corse a perdu six mois par l’obstination d’un État par définition hostile à un traitement différencié de la Corse, même quand son insularité lui confère un statut par nature spécifique. Le Covid a apporté ainsi sa contribution à l’argumentaire en faveur de l’autonomie de la Corse !

Ce faux pas préfectoral a sans doute été encouragé par la consigne qui était la sienne de se mettre ouvertement en opposition avec Gilles Simeoni et sa majorité nationaliste en vue de la campagne des élections territoriales de juin 2021. Les électeurs ont malgré cela renouvelé la confiance du peuple corse à Gilles Simeoni à la tête de l’Exécutif, avec le soutien d’une majorité absolue. Mais, durant toute la campagne, le représentant de l’État a mis son énergie pour soutenir le challenger déclaré, Laurent Marcangeli, adoubé par Emmanuel Macron. Au final, Gilles Simeoni, seul, fait dix points de plus que lui, et le mouvement nationaliste, réparti sur trois listes, rassemble deux fois plus de suffrages que celui de la liste soutenue par l’État.

Dès lors que la démocratie avait parlé de façon aussi claire et incontestable, l’État allait-il revoir sa position et accepter un véritable dialogue à propos de l’avenir de la Corse ? Beaucoup l’ont cru, et une rumeur insistante annonçait même le départ du préfet durant l’été. Septembre est arrivé et la préfecture a continué d’œuvrer, en durcissant même son attitude, dans les actes et dans les paroles.

 

Le dossier qui a fait « déborder le vase » est celui de l’amende due à la Corsica Ferries, à laquelle la Collectivité de Corse a été condamnée, mais dont la responsabilité à la base était incontestablement celle de l’État. « Je ne paierai pas une somme que le peuple corse ne doit pas », a dit Gilles Simeoni ; « assez de gesticulations » a dit le préfet, « je procéderai par inscription d’office au budget de la Collectivité de Corse » ; « on accepte de prendre en charge 50 millions d’euros sur les 94 millions réclamés » a-t-on fini par concéder au sommet de l’État. La Collectivité de Corse a remporté un premier bras de fer, bien que les groupes « Un soffiu novu » et « Avanzemu » aient fait faux bond.

L’autre bras de fer est celui des Détenus Particulièrement Signalés, Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna, que l’administration pénitentiaire veut condamner à vie en leur maintenant, ad vitam aeternam et sans motif, ce statut disciplinaire qui interdit tout aménagement de peine, y compris leur rapprochement dans la prison de Borgu.

Le dossier a fait l’unanimité à l’Assemblée de Corse. Il a rebondi à l’Assemblée Nationale, de nombreux députés s’associant aux députés corses pour appuyer la demande de respect de la loi à leur égard. On sent la décision favorable possible, mais on ressent aussi des résistances inouïes au sein de l’appareil d’État. Il faudra là encore une décision politique pour trancher, qui pourrait intervenir durant les fêtes à venir. Ou ne pas intervenir.

 

Cette année 2021 a été ainsi l’objet d’un rapport de forces continu entre la Corse et l’État, sans concession, et sans issue définitive à ce jour. Le contexte de l’élection présidentielle qui s’ouvre va créer des conditions contradictoires, meilleures pour ouvrir un dialogue sur le fond, mais dangereuses en raison des risques d’instrumentalisation dans la campagne électorale.

Cependant les résultats de l’élection de juin ont durablement renforcé la position des partisans de l’autonomie de la Corse, ici, et à Paris où des soutiens se sont manifestés plus nombreux et plus forts.

À l’issue de cette année difficile, nous sortons renforcés. Mais la route est encore longue. •