Cap'artìculu

2022, année décisive ?

par François Alfonsi
L’année 2021 a été importante. L’année 2022 sera-t-elle décisive ? Atteint par une nouvelle et importante vague épidémique, Capu d’Annu a connu un rituel amoindri. Il faut s’attendre à une année lourde d’enjeux majeurs.

 

L’ampleur de la crise sanitaire en ce début d’année vient doucher les espoirs mis dans la généralisation de la vaccination volontaire telle qu’elle a été largement incitée par les pouvoirs publics. Chaque fois les pronostics sont déjoués, comme celui d’une immunité collective qui serait atteinte dès l’instant qu’une grande partie de la population est vaccinée. Car trop de personnes restent sans être vaccinées, car le vaccin n’est pas aussi durable que prévu, surtout face aux mutations successives du virus, tandis que les effets contagieux des nouveaux variants réussissent à infecter massivement la part non vaccinée de la population, tout en n’épargnant pas complétement ceux qui ont accompli un schéma vaccinal complet. Statistiquement, ils s’en sortent mieux et la vaccination démontre des effets bénéfiques incontestables. Mais la crise sanitaire continue de sévir malgré tout.

En Corse, la vaccination est inférieure de 10 % par rapport au continent. Le résultat est mécanique : la Corse est parmi les régions les plus infectées. Dans la torpeur de l’hiver, les effets économiques apparaissent moindres. Mais le cycle économique du tourisme va revenir très vite, réservations, avant-saison, travaux de rénovation, qui seront différés ou non selon les incertitudes des toutes prochaines semaines. Selon qu’elle dure ou qu’elle retombe, avant peut-être de repartir avec un nouveau variant, la vague épidémique fait peser une lourde chape d’incertitudes sur l’année qui commence.

 

L’incertitude est aussi le lot de l’actualité politique insulaire. À la Saint-Sylvestre, on espérait une décision favorable pour Pierre Alessandri, Alain Ferrrandi et Yvan Colonna de la part de la commission devant statuer sur le statut des Détenus Particulièrement Signalés. Sa réunion a été purement et simplement annulée ! On devine que la lutte d’influence est lourde de rivalités masquées au sein de l’appareil d’État. L’exploitation médiatique d’une éventuelle décision favorable attendue par la totalité des forces politiques corses, qui permettrait de rapprocher les détenus politiques corses à Borgu, a déjà commencé par un article du Canard Enchaîné publié pour intimider un pouvoir politique en quête de réélection présidentielle. Elle a été contrée par une tribune publiée dans Le Monde par des députés de toutes les obédiences politiques, dont plusieurs présidents des groupes de l’Assemblée Nationale. La suspension de la réunion attendue de la commission DPS s’explique certainement par un bras de fer souterrain au sein de l’appareil d’État. Une nouvelle pression venue de Corse sera probablement indispensable pour arriver à rétablir le droit et la justice dans ce dossier. Les semaines à venir seront décisives.

De ce « sésame » dépendra sans doute l’ouverture d’une phase de dialogue politique entre la Corse et l’État. Elle est nécessaire car les cinq années passées de la Présidence Macron ont hypothéqué l’opportunité historique créée par les victoires successives nationalistes en Corse, en vue d’arriver à une « solution négociée » telle que la Corse la revendique depuis les évènements d’Aleria il y a 45 ans. Le Président Macron l’a bloquée délibérément au début et tout le long de son mandat, jalonné par les discours début 2017 (premier déplacement en Corse) et courant 2019 (réunion de Cuzzà dans le cadre du grand débat lancé au moment de la crise des gilets jaunes). Le maintien en place d’un personnel préfectoral ouvertement hostile à Gilles Simeoni au Palais Lantivy participe de cette stratégie de pourrissement. Les cinq années à venir ne pourraient être gaspillées à leur tour sans faire risquer de grands dommages pour la Corse. L’élection présidentielle, et les élections législatives qui suivront juste après, seront donc très importantes.

 

La France est en train de mener un débat politique qui intrigue et inquiète l’Europe entière. Dans aucun pays d’Europe les forces extrêmes n’occupent une telle place alors que rien n’en explique la cause : ni le passé récent d’une dictature comme dans les pays de l’est, ni une crise économique majeure, ni une menace extérieure réelle et pas même un afflux migratoire exceptionnel comme en avaient connu l’Italie et l’Allemagne durant la guerre en Irak et en Syrie. Cette « vague spontanée » de l’extrême droite française représente une menace pour l’Europe. Il nous reste moins de quatre mois pour espérer son reflux.

Cet été, nous aurons un paysage politique renouvelé dont la composition est très incertaine. Entamer un processus de dialogue avec l’État avant les échéances d’avril et juin est la meilleure façon d’en conjurer les risques. Un changement d’attitude est encore possible mais le temps est compté pour une Présidence qui sera très bientôt rattrapée par la campagne électorale. •