Cap'artìculu

À propos de « palabres » et de « gesticulations »

Malgré les déclarations tonitruantes du préfet de Région qui avait qualifié de « palabres » les discussions engagées et de « gesticulations » les votes de l’Assemblée de Corse, la semaine qui a suivi lui a apporté un démenti cinglant. Tant sur le dossier Corsica Ferries que sur la question du sort des prisonniers politiques, les choses bougent enfin.

 

Le premier fait nouveau a été la réunion tenue à l’Assemblée Nationale, avec des députés de tous les groupes, autour de Gilles Simeoni et des quatre députés insulaires, en présence des collectifs de soutien et des Présidents de groupes de l’Assemblée de Corse. La présence de députés poids lourds, y compris de la majorité (LREM, Modem), de la France Insoumise, du groupe communiste et du groupe Libertés et Territoires, a permis de présenter le dossier dans sa réalité la plus choquante, celle d’un État qui bafoue ses propres lois pour satisfaire une vindicte qui n’a pas lieu d’être dans un État de droit.

Dans quelques jours, il y aura une nouvelle décision sur leur énième demande de levée du statut de Détenus Particulièrement Signalés qui permet à l’administration pénitentiaire de les priver de toute possibilité d’aménagement de peine, y compris leur rapprochement en Corse, alors qu’ils ont purgé l’essentiel de la durée de leurs condamnations.

Patrick Mignola, Président du groupe Modem, s’est ainsi exprimé, résumant le sentiment des députés présents : « Je suis un député démocrate et, en tant que démocrate, je considère que l’on doit appliquer la loi. (…) Ces détenus doivent être aujourd’hui rapprochés. Je souhaite que cette décision intervienne rapidement. Ce sera un geste important vis-à-vis des Corses. »

Ces positions vont s’exprimer en séance publique lors des questions au gouvernement. La délibération solennelle et unanime de l’Assemblée de Corse du 22 octobre dernier a lancé un rapport de forces dans lequel, désormais, nous ne sommes pas isolés.

La Commission locale qui émet son avis sur la demande de levée du statut de DPS se réunira dans les prochains jours, et il appartiendra alors au gouvernement de prendre une décision suite à cet avis. D’ici Noël, nous aurons un signal fort. S’il est positif, la visite reportée du Premier Ministre pourrait intervenir sous de bien meilleurs auspices.

L’autre nouvelle positive de la semaine a été la prise en charge par l’État de 50 millions d’euros sur 94 millions, intérêts compris, du montant de la dette Corsica Ferries, à travers le vote, avec avis favorable du gouvernement, de l’amendement au budget déposé par Michel Castellani. Cette décision ne fait pas que soulager les finances de la Collectivité de Corse. Il est le signe tangible de la possibilité d’une reprise d’un dialogue avec l’État.

En effet, la décision intervenue désavoue explicitement le Préfet Pascal Lelarge qui avait annoncé son intention de procéder à l’inscription d’office de ces 94 millions au budget de la Collectivité de Corse, alors que l’Assemblée de Corse, sur proposition de Gilles Simeoni et par le vote des groupes Fà Pòpulu Inseme et Core in Fronte, avait décidé de ne pas le faire. Ce jour-là, les groupes « un soffiu novu » de Laurent Marcangeli et « avanzemu » de Jean Christophe Angelini, avaient préféré s’abstenir. Tout comme ils se sont abstenus de manifester contre les propos du Préfet Lelarge qui avait parlé de « gesticulations ».

La mobilisation engagée par Femu a Corsica rejoint par le STC et Core in Fronte, devant les grilles des deux préfectures d’Aiacciu et de Bastia a cependant porté ses premiers fruits. Une semaine plus tard, la situation est déjà plus favorable.

Manifestement, le pouvoir est partagé vis-à-vis de la Corse entre « faucons » et « colombes ». On a vu de quel côté penchait le Préfet ! Mais il reviendra au final au Président de la République de faire pencher la balance.

Nous serons fixés d’ici peu. •