Réchauffement climatique

Décréter l’état d’urgence

Malgré les cris d’alarme des climatologues et du GIEC, les pesanteurs sociétales ont imposé leur tempo, beaucoup trop lent, alors que la réalité du changement climatique est encore plus forte que prévu. Elle bouscule désormais tous les calendriers internationaux. La lutte contre le réchauffement de la planète est une question d’urgence !

 

Les inondations dévastatrices qui ont meurtri l’Allemagne et la Wallonie dans le bassin de la Meuse, au cœur de l’Europe urbanisée et industrielle, auront des effets politiques de long terme. En touchant une zone centrale de l’espace européen, elles ont bousculé bien des certitudes. On pensait par exemple que les réfugiés climatiques viendraient du Sahel ou d’autres contrées éloignées, et que les pays bénéficiant des climats tempérés d’Europe seraient épargnés par les grandes catastrophes. Et voilà qu’on découvre que les environs de Liège, Cologne ou Erfurt comptent leurs morts par centaines, que des victimes par milliers y ont subitement tout perdu, maison, voiture, cadre de vie, outil de travail, etc. Certes l’Europe est riche et ils n’auront pas à s’exiler pour survivre. Mais la menace agitée par les experts, qui apparaissait théorique et lointaine, est devenue soudainement concrète et immédiate pour toute une opinion publique jusqu’ici trop insouciante.

La « goutte froide » est un phénomène météorologique qui fige en position stationnaire un front froid d’altitude sur lequel vient buter un air toujours plus chaud, et donc plus chargé d’humidité, ce qui provoque des pluies stationnaires, longues et diluviennes. Ce phénomène intervient régulièrement, et il sera de plus en plus fréquent et de plus en plus puissant dans les années à venir si rien n’est fait pour limiter l’augmentation des températures qui accroit la teneur en humidité des masses d’air, et donc la force des précipitations lorsque le choc thermique survient. Le réchauffement climatique a aussi eu d’autres effets terrifiants sur d’autres continents. En Amérique du Nord, entre Canada et USA, on a vu une agglomération entière s’enflammer comme une boîte d’allumettes sous l’effet de températures extrêmes sous un « dôme de chaleur » !

À la vue de ces images, venues d’Allemagne, de Belgique ou du Canada, nos concitoyens ont compris qu’ils étaient tous concernés, pas seulement ceux des montagnes abruptes et peu peuplées, ou des déserts surchauffés. Mais aussi ceux des zones les plus développées de la planète. Tous appellent leurs dirigeants à une action climatique d’urgence bien plus forte.

Or les États renâclent à se mettre réellement en action. Cette inertie se mesure à travers de chiffres qui apparaissent abstraits, mais qui ont des significations bien concrètes.

La clé de voûte est le niveau de réchauffement de la planète tolérable par rapport à la température qui prévalait avant l’ère industrielle, au milieu du XIXe siècle. Les accords de Paris ont fixé de limiter cette croissance des températures à un « objectif de 2°C, si possible 1,5°C » à la fin du siècle, sur la foi des études d’impact alors disponibles. Mais, depuis, le progrès des connaissances, et l’observation des effets du réchauffement déjà constaté depuis 1850, de l’ordre de 1,2°C, amène à réviser ces prévisions, et à retenir 1,5°C comme seul objectif soutenable. Or la trajectoire actuelle conduirait à +4°C ! Ceux qui ont connu les inondations de la dernière semaine comprennent désormais vers quel enfer cela conduit l’Humanité.

Pour en rester à +2°C, il faut que l’Europe diminue le volume de ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990 à compter de 2030. Pour se limiter à 1,5 %, il faudrait élever cet objectif à 65 %.

Pour l’objectif 55 %, la Commission Européenne vient de faire connaître son plan : taxation du carbone, fermeture accélérée des unités les plus émettrices, fin de l’automobile à moteur thermique dès 2035. Il soulève déjà une levée de boucliers !

De son côté la France est beaucoup moins avancée. Le gouvernement est en train de faire adopter sa « loi climat » qui ne retient qu’un objectif de réduction de 40 % des émissions d’ici 2030, alors que l’Europe demande 55 %. La différence entre les deux objectifs est énorme, et pourtant on entend déjà toutes les résistances qui s’organisent, contre le développement des éoliennes, pour défendre l’industrie automobile, pour défendre une politique agricole industrielle alors qu’elle émet 25 % des gaz à effet de serre, etc.

Le choc émotionnel des catastrophes climatiques récentes vient rebattre les cartes politiques. Mais nous sommes encore tellement loin d’afficher, et a fortiori d’atteindre, les objectifs minimums pour la survie de la planète !

L’état d’urgence contre le réchauffement climatique doit rapidement être déclaré, comme cela a pu être fait dans une certaine mesure contre la pandémie Covid-19. La prochaine réunion au sommet, la COP 26, cinq ans après la COP 21 qui avait accouché des Accords de Paris, aura lieu du 1er au 12 novembre 2021 à Glasgow.

Espérons qu’elle sera à la hauteur des enjeux pour l’Humanité. •