Big Pharma

Le cartel gagnant

Alors que débute un nouveau « tunnel de confinement » de plusieurs semaines, un an après celui qui paralysa l’Europe au printemps 2020, la grande course au vaccin s’accélère. C’est une course contre la montre, « l’immunité collective » devant, d’ici deux ou trois mois, avoir eu raison de l’épidémie. Des décombres économiques surgiront alors de grands gagnants, plus puissants que jamais.

 

Au premier rang, il y a les majors d’internet dont l’emprise a été démultipliée par les confinements successifs, qui ont contribué à développer le télétravail et toute une économie dématérialisée qui ignore la chaîne contagieuse. Leur puissance était déjà énorme avant la crise sanitaire. Elle est devenue phénoménale, concentrant les capitaux et supplantant l’économie traditionnelle des magnats de la finance et de l’énergie.

Et il y a aussi, tout autant, ceux que l’on surnomme « Big Pharma », deux ou trois dizaines de multinationales du médicament, qui disposent d’un pouvoir de lobbying immense, et qui ont imposé leurs choix et leurs conditions à la faveur de cette crise sanitaire.

La maladie propagée par le Covid-19 appelait des soins, pour en limiter l’impact sanitaire, et une campagne de vaccination, pour éradiquer le virus.

Les malades du Covid-19 sont le plus souvent exempts de symptômes, ou souffrent de symptômes atténués qui se soulagent avec peu de choses en restant chez soi. En France, les statistiques indiquent que sur les cinq millions de personnes contaminées qui ont été détectées, moins d’une sur dix, 350.000, ont été hospitalisées car elles développaient des formes graves. Parmi elles, un gros quart, près de 100.000 désormais, sont décédées.

Durant tout le début de la pandémie, une grande polémique médicale a alimenté les médias autour du Professeur Raoult de Marseille, et de nombreux autres médecins, qui voulaient concentrer leurs études sur les moyens médicamenteux possibles pour empêcher leurs patients de basculer d’un état grave justifiant leur hospitalisation, en raison d’une forte charge active du virus, à un état critique du fait de l’accélération de réactions en chaîne, provoquant leur détresse respiratoire, et conduisant très souvent au décès.

Ainsi est née la polémique sur « l’hydrochloroquine », mise en avant par le Professeur Raoult, avec une efficacité contestée. D’autres molécules de même nature ont été mises en exergue ailleurs dans le monde, en Inde par exemple, dont les effets réels sont controversés. Toutes ont un point commun : ce sont des molécules anciennes qui ne produisent aucune retombée économique remarquable pour ceux qui les produisent.

Y a-t-il parmi tout cet arsenal de médicaments anciens largement diffusés et donc accessibles partout dans le monde à un faible coût, une « molécule miracle » qui aurait pu sauver beaucoup des patients hospitalisés en les traitant avant l’aggravation finale de leur état ? On le saura sans doute un jour. Mais il est une certitude : cette recherche fondamentale n’était pas la priorité de « Big Pharma » dont les instruments de lobbying se sont déchaînés pour discréditer ceux qui mettaient cette priorité en avant.

La « course au vaccin », par contre, était infiniment plus profitable. Ne mégotons pas les félicitations que l’on doit à ceux qui ont mis au point dans des délais records (1 an contre 10 ans ordinairement), particulièrement avec la technologie innovante de l’ARN messager, des vaccins qui sont désormais administrés par milliards de doses sur toute la planète ; même si cette performance des chercheurs vient de start-up européennes (BioNTech) et américaines (Moderna) qui ont développé des recherches alors que les majors de « Big Pharma », elles, licenciaient leurs chercheurs. Le vrai talent de « Big Pharma » a été de flairer les bons filons technologiques (Pfizer ou AstraZeneka par exemple, quand Sanofi ou Bayer ont échoué), puis de mettre leur machinerie industrielle et financière au service de la production de masse des vaccins.

Leur performance technique est remarquable, mais elle n’est pas à la hauteur cependant de la performance de leur lobbying économique et financier. Car le « cartel Big Pharma » a usé de tous les moyens pour financiariser au mieux ses interventions.

Ils ont commencé par capter sans contrepartie de colossales subventions pour la recherche aux États-Unis et en Europe. Puis, le vaccin commençant à être produit, ils ont profité des contextes politiques locaux comme en Israël à qui ils ont donné la priorité des doses, au triple du prix négocié avec la Commission Européenne. Benyamin Netanyahu a ainsi pu assurer sa réélection à la Knesset. Même chose avec Boris Johnson au Royaume Uni qui était en quête d’une campagne médiatique pour atténuer les effets désastreux du Brexit le 31 décembre. Tous les moyens lui en ont été donné, à prix d’or, par « Big Pharma ».

Ceux qui ont voulu négocier les prix, comme l’Union Européenne, sont punis par des sous-livraisons au quart des contrats signés. S’il n’y avait la puissance de feu que permet l’Union Européenne, – l’embargo décidé contre la production d’une usine située aux Pays Bas a permis de faire reculer Big Pharma pour les 27 pays européens – le retour à l’économie normale y aurait été bien plus long à venir qu’ailleurs dans le monde, entraînant des conséquences économiques de long terme, peut-être irréparables.

Mais tout cela ne fait que commencer. Il faudra à intervalles réguliers vacciner à nouveau pour empêcher l’épidémie de repartir. Laissera-t-on le cartel Big Pharma continuer de mettre le monde en coupe réglée ? Une vaste campagne est lancée pour obtenir que ces vaccins, obtenus grâce à un effort financier sans précédent des finances publiques, soient versés dans le domaine public et libérés de leurs brevets. C’est une condition sine qua non pour les rendre accessibles aux populations des pays pauvres.

Il faut la soutenir et faire plier le cartel « Big Pharma »*. •

 

* Signez la pétition européenne : https://noprofitonpandemic.eu/fr/