Edouard Philippe

L’État partial

Le premier ministre a plusieurs fois repoussé son déplacement en Corse. Et, à 24 heures de sa venue, le plus grand flou continuait de dominer. Une certitude : l’Etat maintient une ligne dure de refus d’un dialogue fondé sur une base politique, celle de la reconnaissance du peuple corse.

 

Mais il veut aller plus loin, et passer du refus du dialogue au refus des interlocuteurs alors qu’ils ont été démocratiquement élus par le peuple corse. Pas de passage à l’Assemblée de Corse dans son programme, et il rencontrera Gilles Simeoni et Jean Guy Talamoni entre deux portes, tout en assurant la promotion de ses principaux « hommes liges» : le maire de Prupîà, Paul Marie Bartoli, qui avait porté le message de la « Corse anti-nationaliste » lors de la « grande messe » de Macron à Cuzzà, et l’inévitable Laurent Marcangeli, le maire d’Aiacciu.

Le programme de ce voyage est déjà un programme politique en soi, celui de l’Etat partial qui met les moyens de tous les citoyens au service de ceux qui servent ses vues politiques.
Ce sont les moyens financiers d’abord. Le PEI de Lionel Jospin était issu du « processus de Matignon » au nom de la « remise à niveau » de la Corse face à ses retards accumulés. Les dossiers ainsi financés ont été programmés par des décisions communes Etat/CTC. Il est question de prolonger le PEI par un programme complémentaire, mais avec une évolution de taille : seul l’Etat déciderait désormais des dossiers retenus, sans associer la CdC.

Les moyens réglementaires ensuite, qui sont actionnés pour entraver l’action de la Collectivité. Ainsi il a été pris la décision de lancer une enquête judiciaire contre le marché passé par l’Exécutif pour le déploiement de la fibre optique en Corse. Saisi par une procédure en référé, la justice a débouté l’Etat, démontrant le caractère partisan de l’assignation décidée par la Préfète. Mais la décision du juge des référés importe peu : en maintenant son recours sur le fond l’Etat sait qu’il peut « tuer » le projet en installant une insécurité juridique qui bloquera les financeurs. Peu importe quand la justice tranchera, l’important c’est d’exercer un pouvoir de nuisance contre la majorité nationaliste qui déplait tant à Paris. Edouard Phiippe annoncera-t-il que l’Etat prend acte de la décision de justice et retire sa procédure ? A vingt-quatre heures de la visite officielle, ce n’est toujours pas acquis !

Les moyens symboliques sont eux aussi appelés en renfort. Ainsi la cérémonie de « revue des troupes » avant la saison des feux d’été a-t-elle été tenue sous la seule égide de la Préfète qui a dénié aux deux Présidents des Services Incendies et Secours 2A et 2B la possibilité de saluer les pompiers lors de la cérémonie, alors que telle était la tradition bien établie depuis des lustres.

Dans ce contexte de « guérilla préfectorale » contre son action, l’Exécutif avance son bilan : des finances de la Collectivité Unique saines malgré l’héritage, une procédure de DSP consolidée grâce à la sortie de conflit réussie de la grève lancée par les marins de la Méridionale, etc…

Après notre succès des Européennes, avant la séquence qui va enchaîner municipales et territoriales à douze mois d’intervalle, l’Etat montre qu’il veut peser sur ces deux prochains scrutins. Il a ses favoris qu’il visite avec assiduité, et ses adversaires qu’il combat de façon inéquitable, en usant de moyens qui montrent qu’il a renoncé à toute neutralité.

Gilles Simeoni a réuni cinq cents militants de Femu a Corsica à Bastia pour exprimer, à la veille de la venue du premier ministre, que nous sommes prêts au combat si l’Etat veut continuer sur cette voie. Puisque sa priorité est de lutter contre la majorité qui gouverne les institutions de la Corse, il faut réussir à la consolider encore davantage. Et imposer ainsi à l’agenda politique la seule chose qui compte : la reconnaissance du peuple corse et de ses droits.

François Alfonsi.

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