Face à l’épidémie

L’heure de vérité des sociétés

La fatigue et la fierté des soignants, l’estime et le respect des populations : une crise sanitaire comme celle que nous traversons élève les esprits et les sentiments du corps social qui est frappé par l’épidémie. Les sociétés se régénèrent dans les crises.

Confinement consenti et partagé, réseaux sociaux mobilisés, infos en continu, associations d’entraides mobilisées, cagnottes fructueuses, et mille autres témoignages d’une société qui se rapproche et se soutient. En Corse comme ailleurs, le coronavirus Covid-19 a révélé la part la meilleure de la nature humaine.
Passifs en tant que confinés, actifs en tant que « maillon essentiel » d’une chaîne humaine qui ne peut s’arrêter de travailler car il faut subvenir aux besoins vitaux de toute une population qui doit, coûte que coûte, continuer à vivre en sécurité, à s’alimenter et à évacuer ses déchets, à se soigner, à bénéficier d’eau et d’électricité, à être informée, à vivre dans un espace salubre, etc… Les citoyens se sont tous retrouvés dans l’adhésion aux contraintes de la lutte contre l’épidémie. Comme dans un réflexe de survie, ils ont banni les attitudes de panique et d’égoïsme qui sont les poisons qui minent le « vivre ensemble » habituellement.
La société corse n’a pas manqué à ses devoirs de solidarité et de responsabilité. Dans le tunnel de la crise, chacun a pris sa place. Cependant le tribut est déjà lourd et la fin de la période de confinement est encore loin.
Aiacciu a rapidement été répertoriée comme un « cluster » à l’échelle de toute la France, dans le sillage de celui d’Alsace auquel les premiers cas ont été associés, provenant de gens qui avaient participé à un rassemblement évangélique à Mulhouse avant de revenir à leur domicile. On a pu alors regretter la première décision prise par les autorités de limiter à la seule commune d’Aiacciu les mesures décidées, comme la fermeture des écoles. Et on a commencé à entendre, notamment sur les ondes du forum de RCFM, le bon sens étonné des gens : en quoi les écoles de Baleone ou Purticciu pouvaient-elles être moins contagieuses que celles du centre ville ?
Les décisions hasardeuses se sont ensuite succédées. La moindre d’entre elles n’a certainement pas été la décision de maintenir le premier tour de l’élection municipale, ce qui a multiplié par autant de villages et de bureaux de vote les risques de propagation de la maladie. Ainsi la Balagne semble-t-elle payer, quinze jours plus tard, le prix de cette terrible imprudence, de cette décision qui restera symbolique d’un Etat dépassé par l’ampleur de la crise.
La Collectivité de Corse a constamment rué dans les brancards pour faire en sorte que la Corse ne soit pas davantage victime de ces erreurs. Il y a eu la demande insistante par Gilles Simeoni, mais infructueuse malheureusement, de l’annulation des élections municipales. Face au manque de masques et de protections pour les professions exposées au risque, comme dans tant d’autres régions de France qui ont eu à subir l’imprévoyance des autorités, des commandes ont été passées localement pour compléter un approvisionnement insuffisant par l’ARS ; commandes complémentaires passées également pour des tests de dépistage pour mieux connaître, et commencer à soigner plus tôt, les personnes contaminées. Recours également à un protocole médical, celui du Dr Raoult de Marseille, plébiscité par les praticiens corses mais dénigré par les autorités sanitaires nationales : les responsables corses ont inlassablement plaidé et agi pour qu’il soit mis à disposition des malades en Corse. Et on ne manque pas de s’étonner de ce rejet d’un médicament disponible, quand bien même l’on aurait douté de son efficacité, alors qu’il pouvait être prescrit à des malades et améliorer leur espoir de guérison. Et tant d’autres exemples pour faire en sorte de mieux protéger, et de mieux soutenir, une population durement affectée par l’épidémie.
Dans quelques semaines la société corse devra se rétablir dans la plénitude de son fonctionnement, et revenir à une situation de normalité. Mais cette crise lui aura fait prendre conscience qu’elle ne sera jamais aussi forte qu’en se regroupant et en étant solidaire.

François Alfonsi.