Gilets jaunes

L’incendie social n’est pas éteint !

Emmanuel Macron est face à la propagation de la contestation sociale des « gilets jaunes » comme un pompier qui ne sait comment éteindre le feu qu’il a lui-même attisé. Dans un environnement rendu favorable par dix-huit mois d’une gouvernance dédiée aux « premiers de cordée », la contestation court partout, comme les flammes le font poussées par le vent sur un sol desséché. Puis, ça et là, la rue s’embrase soudain avec violence.

 

Il y a deux semaines le gros de l’incendie était place de l’Etoile et sur les Champs Elysées, au cœur de la capitale. Ce samedi, à force de moyens de lutte contre les manifestants incendiaires, le pouvoir a réussi à y limiter la casse, mais les flammes de la colère se sont alors déplacées dans d’autres quartiers, et, plus encore, dans les grandes villes : Bordeaux, Marseille, Saint Etienne, etc… désertées par les forces de l’ordre presque toutes concentrées à Paris.
Et dès ce lundi, à chaque rond-point ou devant les radars qui sont leurs points de ralliement, les « gilets jaunes » sont réapparus, menaçant les gouvernants de nouveaux effets de leur colère mal éteinte.
Emmanuel Macron est désormais en première ligne. Son discours du 10 décembre a lâché du lest et d’ores et déjà cédé sur la « ligne Maginot » des 3% de déficit public car, tout en annonçant la fin des augmentations des taxes sur les carburants et des mesures en faveur du coût de la vie des smicards et des petits retraités, il a refusé de rétablir les recettes qui avaient été supprimées pour contenter les « premiers de cordée » durant les premiers mois de son mandat. Son budget 2019 va ressembler bientôt à celui de l’Italie !
Cela suffira-t-il à calmer la colère sociale qui s’exprime en France depuis un mois ? Rien n’est moins sûr, et la vieille formule des syndicats quand ils veulent négocier au mieux leur avantage, « le compte n’y est pas », sera certainement la rengaine de leaders improvisés sur les ronds-points, devant les micros de journalistes qui ne savent plus à qui les tendre. Rendez-vous samedi prochain pour savoir ce qu’il en est vraiment dans l’immédiat, et, surtout, à l’après « trêve de Noël » qui, inévitablement, marquera une pause. Si l’incendie social repart en Janvier, l’échec serait alors rédhibitoire pour Emmanuel Macron.
Car la base sociale de ce mouvement est tellement composite et populaire qu’elle représente une menace politique sans précédent pour les gouvernants et leur « establishment ». C’est un peu une « majorité silencieuse » à l’envers : ceux qui hier servaient de masse de manœuvre aux dirigeants pour faire taire les « contestataires », comme cela s’est fait en mai 68, sont aujourd’hui en première ligne de la contestation. Ils soutiennent, dans des proportions totalement inédites si on en croit les sondages, les lanceurs de pavés et les incendiaires de barricades, qui, quand on les arrête boules de pétanque à la main, n’ont pour ainsi dire jamais les profils fantasmés par les médias, à quand l’ultra-droite, à quand l’extrême gauche.
Cette révolte du « pays profond », retraités en tête, omniprésents dans les mobilisations, menace de devenir un tsunami politique. Si les braises ne sont pas éteintes réellement par le pouvoir, elles pourraient rallumer un feu impossible à maîtriser.
Or Emmanuel Macron a choisi d’avancer sur une ligne de crête très étroite, car il veut calmer la colère sans rien céder sur l’essentiel de son programme économique qui passe par l’allègement de l’impôt pour les chefs d’entreprise et les investisseurs boursiers. Il a mis sa légitimité en jeu.
Ca passe ou ça casse.

François Alfonsi.