L’intérieur au creux de la vague

Le déclin de l’intérieur se poursuit. Il y a l’intérieur extrême, en zone de montagne, là où on fait face de plus en plus difficilement à une désertification toujours plus poussée. Chaque épisode météo hors norme, inondation, neige, ou autre, révèle à quel point la situation y est préoccupante en termes de ressources humaines. Et sur le « littoral éloigné », c’est-à-dire loin des pôles urbains, même quand le tourisme y génère de l’activité économique, les emplois sont trop saisonniers pour permettre une véritable dynamique des territoires.

C’est en janvier que ces problèmes sont posés avec le plus de force. Janvier dans l’intérieur, c’est un peu Paris au mois d’août, l’instant de l’année où la population connaît son point le plus bas. Sauf qu’à Paris c’est un signe d’opulence pour une population dont le pouvoir d’achat permet de nombreux départs en vacances, alors que dans notre monde rural cela traduit un point d’extrême faiblesse.

Les anciens d’hier, dans les années 70/80, étaient des actifs qui étaient restés au village pour leur retraite. Leurs enfants, qui basculent désormais à leur tour dans le « troisième âge », ont eu le plus souvent leur vie active à la ville. Ils y ont leurs habitudes, leurs enfants s’y sont mariés, il leur faut s’occuper des petits enfants, etc. : le retour au village n’est plus pour eux qu’un séjour intermittent, pour certaines périodes et les week-ends, ou même de simples vacances d’été.

La population active liée au tourisme préfère très souvent la ville pour passer leur long hiver, sans compter leur légitime droit à des vacances qui, nécessairement, se situent à cette période. Seuls les « travailleurs pauvres » du secteur, six mois de saison, six mois de chômage, restent à demeure.

Ceux qui sont liés à l’agriculture sont peu nombreux, mais ils forment le dernier carré des actifs qui vivent dans leurs villages les douze mois de l’année. Avec quelques fonctionnaires territoriaux, et quelques entreprises locales, notamment du bâtiment, ils sont une ressource humaine encore présente sur le terrain. Mais elle se heurte à un environnement de plus en plus difficile pour former une famille, éduquer ses enfants, mener les démarches administratives, animer la vie sociale et bénéficier d’un « confort de vie » auquel tous les jeunes couples aspirent. Dans une Corse qui voit croître sa population globale, le contraste est encore plus saisissant. Les « arrivants » se concentrent dans les deux pôles urbains autour d’Aiacciu et de Bastia où la construction bat son plein, quelques territoires résistent comme en Balagne ou autour de Portivechju, et les villages en périphérie urbaine maintiennent leurs populations en étant tributaires des emplois de la ville. Sorti de là, la désertification continue son oeuvre et la vie peine à se fixer. Le tableau est plutôt sombre mais il en est ainsi.

Pour la revitalisation de l’intérieur, la plus difficile de nos promesses électorales, il faudra bien imaginer de nouvelles façons de faire. Les nouvelles intercommunalités risquent de générer des logiques de territoire autour de leurs pôles urbains littoraux davantage qu’à partir de leurs espaces ruraux éclatés. Mais il faut profiter de ce nouvel échelon pour impulser des politiques de développement rénovées, plus efficaces que ce que les communes séparément pouvaient faire.

Cette reconquête doit aussi s’appuyer sur des outils aptes à valoriser les atouts de ces territoires. Le Parc Régional est le principal, mais il n’arrive pas à sortir de sa crise financière pour accomplir sa mission. Toutes ces questions doivent être prises à bras-le-corps, et ne pas être abandonnées à un fatalisme qui finira par décourager ceux qui, avec leurs familles, continuent de s’accrocher au terrain avec une énergie farouche.

Par François Alfonsi