Primaires à droite

L’opinion indocile

La primaire de la droite a balayé les plans de bien des prétendants au pouvoir. Nicolas Sarkozy est out, Alain Juppé est out, et le candidat désormais favori pour l’élection présidentielle de mai prochain, François Fillon, est l’archétype de la droite « décomplexée », comprendre en fait totalement réactionnaire. Sur la Corse comme sur le reste.

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La primaire de la droite a fait mieux que prévu en mobilisant très largement. 10% du corps électoral a fait l’effort d’aller dans des bureaux de vote improvisés pour y déposer deux euros et glisser un bulletin dans l’urne. En Corse aussi, la participation a été du même ordre, marquant le « retour en forme » d’une droite qui, aux dernières territoriales, n’avait pris qu’une troisième place et s’était divisée au premier tour entre deux listes, une conduite par José Rossi, l’autre par Camille de Rocca Serra. Ce dernier, rangé derrière François Fillon, a gagné le gros lot de la primaire. Laurent Marcangeli, rallié à Alain Juppé sur la foi des sondages, a lui perdu la partie, y compris à Aiacciu, face à une droite corse rangée majoritairement derrière Nicolas Sarkozy, à qui ils ont assuré sa seule victoire régionale en France. Mais, bien évidemment, la suite du dossier corse se jouera au delà de ces primaires. Remarquons d’abord l’absence totale de la thématique « régionaliste » dans les débats de la droite. Même lors de leur venue en Corse, les candidats ont fait un service ultra-minimum, à l’exception de Nicolas Sarkozy qui s’était engagé pour l’inscription de la Corse dans la Constitution, une des mesures du tryptique « co- officialité-statut de résident-reconnaissance constitutionnelle » adopté par une très large majorité de l’Assemblée de Corse. Pour les autres c’est non, non et non, et ils ont entraîné leurs soutiens, Laurent Marcangeli comme Camille de Rocca Serra, dans des contorsions malaisées pour justifier, au nom d’une « attitude raisonnable », un discours de très forte hostilité à l’évolution de la Corse vers son autonomie. Même le parcours engagé en faveur de la Collectivité Unique est menacé d’un report destiné à entraver son aboutissement.

Que reste-t-il des chances d’une autre hypothèse que la victoire annoncée de la droite à l’élection présidentielle? Le penchant de l’opinion à déjouer les pronostics est dans l’air du temps, pas seulement en France, on l’a vu avec la victoire de Trump aux USA. Donc rien ne peut être considéré comme définitivement plié. Le Front National est sans doute assez contrarié de la victoire de la droite réactionnaire qui peut séduire une partie de son électorat traditionnaliste. Désormais il est obligé de battre la campagne. Mais pour la Corse, rien à espérer de ce côté là, bien au contraire.

La gauche va enfin pouvoir occuper le terrain avec sa propre primaire. Elle aura quand même du mal à rivaliser avec celle de la droite à qui l’argument d’une pré-sélection du futur gagnant a assuré un franc succès de premier tour autour de l’idée de faire barrage à Nicolas Sarkozy. Mais le clivage réactivé par la victoire de Fillon entre « progressistes » et « réactionnaires » va donner un peu plus de sens à la candidature qui, finalement, émergera de la primaire à gauche. Les candidatures isolées comme Emmanuel Macron s’imaginent sans doute aussi profiter de l’indocilité de l’opinion, mais leur sort sera lié à un fiasco, il est vrai tout à fait possible, de cette primaire à gauche.

Y aura-t-il au final un candidat pour porter un discours différent sur la Corse ? Rien ne le laisse penser, et l’ambiance qui prévalait en Corse lors des présidentielles de 1981, quand François Mitterrand avait promis – puis mis en œuvre – le statut particulier et l’amnistie des prisonniers politiques, ne risque pas de ressurgir.

Face au pouvoir qui sortira des urnes en mai prochain, les nationalistes devront donc avant tout conforter leurs positions. Pour cela, nous connaîtrons un premier scrutin décisif avec les élections législatives qui seront organisées immédiatement après l’élection du nouveau Président de la République. Dès maintenant, il faut s’y préparer.

François Alfonsi