Aiò, ùn ci hè più riposu !

Une telle victoire électorale, qui pouvait la pouvoir ? Ni les partis locaux, stupéfaits d’avoir coulé à pic avec les dirigeants de leurs sièges sociaux à Paris, ni le nouveau Gouvernement d’un Président émergé à leur place, ni même les natios largement favoris, surpris par le raz de marée qui les a propulsés si haut…

 

Une victoire d’ampleur étonnante pour tous, acteurs ou observateurs.

Mais une victoire seulement électorale ; il ne faut pas se leurrer, la victoire politique historique, scellée dans le marbre de la loi d’une autonomie et de la reconnaissance du Peuple Corse, il va falloir l’arracher. Dans combien de temps ? Dieu seul le sait ! Mais on sait qu’elle ne nécessitera aucune pose, aucune faiblesse.

 

La donne est claire. Claire pour le pouvoir qui a fixé le rendez-vous après le 2e tour et qui a tout fait entre temps pour délimiter le champ acceptable de la discussion selon lui et pour tenter d’endiguer la poussée nationaliste. Un cadre placé avant et confirmé après : pas de coofficialité, pas de statut de résident, ni de fiscalité patrimoniale… rien du minimum Padduc voté par l’Assemblée de Corse antérieure…

Claire aussi pour les partis locaux naufragés, réduits à attendre un secours de Paris, ne pouvant pas tous, du soir au lendemain aller baiser l’anneau de Jupiter.

Claire pour les natios qui ont vu après une longue période de 50 ans, leurs « idées » diffusées, passées de l’interdiction, (interdit de chanter en langue corse en public, les jeunes ignorent ces débuts chaotiques), à l’accord mou pour sa promotion.

L’effondrement du système des partis hexagonaux et des clans laisse pour le moment après lui, Macron à l’Elysée et les natios à l’Assemblée Unique.

Cette élection est la première du genre dans l’histoire électorale de l’île. Elle délivre quelques messages populaires simples selon moi : « on ne peut pas continuer, il faut changer…», «on fait confiance aux natios, les seuls qui tiennent debout…» «on tricote, on tripote en attendant des jours meilleurs ».

 

Les natios ont trois petites années pour enclencher la vitesse dans des conditions particulièrement difficiles. On attend beaucoup d’eux, plus qu’ils ne peuvent. Les besoins journaliers de la gestion sont énormes ne serait-ce que tenir à flots tous les secteurs sans qu’ils ne s’aggravent avec les moyens insuffisants du cadre des lois actuelles qui resteront telles tant que la négociation pour l’Assemblée unique ne les auront pas définies.

On sait déjà que le pouvoir évitera tout ce qui pourrait aller dans le sens d’une réelle autonomie aujourd’hui ou demain.

On va discuter dans le cadre de la République… Mais elle est jacobine et notre Padduc, cette petite fenêtre ouverte pour une autonomie future qu’on espérait assez proche doit rester fermée.

Incompatibilité de nature. Pas question de modifier la Constitution dans ce sens. Elle a été modifiée (27 fois a dit notre député), des ajustements ni plus ni moins pour renforcer son fondement jacobin. Le thème de la « régionalisation » lancé par De Gaule en 1969 (discours dit de « foire de Lyon ») a été repris par la gauche et la droite au pouvoir pour endormir les velléités des régions. L’État joue en permanence le coup de Liber Bou : « Je peux calmer vos appréhensions, remplir votre programme de développement, le gouvernement m’en a donné délégation…» puis devant les difficultés, il a fini par s’écrier : « 200.000 corses ne feront pas changer la Constitution ! »

Les jacobins sont majoritaires dans tous les partis hexagonaux, ils sont comme des croyants intégristes, qui ne peuvent pas renoncer à leur foi, non démocrates car incapables de tolérer les différences, et prêts à tout pour combattre les hérétiques. Il faut les vaincre, ils ne sont pas à convaincre. Les vaincre politiquement sans l’adhésion profonde du Peuple Corse n’est guère possible.

 

Il faut qu’il comprenne bien les causes du danger qu’il court, du laminage auquel la République des jacobins le soumet. Sa culture et sa langue dans le folklore s’éteignent lentement bercées par la rengaine « les régions dans leur diversité sont une richesse de la France ». Tu parles ! Un peu sous la pression cette chère République dit que le français est sa seule langue et pas question de coofficialité. L’article de 2 a modifié la Constitution récemment, eh oui, (« le français est la langue de la République »).

Soi-disant pour endiguer l’anglais, en réalité pour faire barrage à la Charte des langues minoritaires du Conseil de l’Europe que la France n’a pas ratifiée même promise par le candidat Hollande en campagne électorale. Le Conseil Constitutionnel l’a utilisé à cette fin uniquement, jamais contre l’anglais.

Quant au Peuple Corse, c’est une obscénité pour des oreilles jacobines.

J’ai déjà cité la réponse de Badinter à un journaliste qui lui demandait ce qu’il considérait de remarquable qu’il ait fait lors de sa Présidence du Conseil Constitutionnel : « d’avoir empêché Peuple Corse », sa reconnaissance imposée à Joxe lors des discussions pour le statut. Badinter qui a attaché son nom à la suppression de la peine de mort est un humaniste certes mais un jacobin peu soucieux de la mort programmée du Peuple Corse, le considérant comme un danger pour sa République. C’est dire quel peut être l’aveuglement naturel d’un jacobin.

 

Même refus pour la préservation de la terre corse, berceau de ce Peuple. Le refus est général, pour tout ce qui peut donner un quelconque droit à un lien entre Peuple et terre, à tout ce qui peut échapper au contrôle républicain jacobin. Les natios sont l’ennemi intérieur, à traiter hors les lois, au moyen de barbouses si besoin. Rien à attendre, rien à convaincre, seul le rapport de force politique peut les amener un jour à composition.

Discuter oui, pour faire comprendre notre détermination pour que notre Peuple survive sur sa terre, accepter les miettes offertes en disant qu’elles ne sauraient suffire, que nous ne pouvons pas accepter d’être enfermés nous et nos enfants dans le dilemme de ne plus être corses pour être français, que nous sommes prêts à être les deux et que nous sommes persuadés que cela ne peut que servir la France et l’Europe.

Pour résister à l’usure faute de moyens, en situation de gestionnaires que nous sommes devenus, il nous faut gagner et garder toujours plus de confiance de corses. Cela passe par des actions concrètes et fraternelles pour ceux d’entre nous les plus mal en point. Pas de la charité, un simple devoir de dignité, d’humilité et de discrétion.

Cela passe par la transparence démocratique pour faire comprendre les difficultés et faire participer et adhérer aux choix faits.

 

L’île a des cartes incomparables pour son avenir mais il faut du temps. Exemples : une terre où tous les sports, toutes les activités de la nature seraient offertes aux jeunes du continent et du monde. La mer : nautisme, ski, plongée, surf, etc., la montagne : randonnée, marche, trail, escalade… l’air : pilotage, parachute, parapente… bref toute les activités dans le respect de l’environnement, une vaste école de l’éducation et de la pratique écologique.

Qui peut dire mieux que la Corse, offrir par exemple à Pâque du ski sur neige à Vergiu, une descente en vol plané à Portu et du ski nautique l’après-midi… chaque parcelle du territoire peut tirer son épingle du jeu. Rentable à coup sûr et une transition écologique d’avant garde. Un autre exemple capital car il touche à la racine de l’économie: l’énergie à bon marché qui pourrait repeupler l’intérieur par la filière bois. Celui de la vallée de Güssing dans les Alpes autrichiennes. Je l’ai vu. Vous pouvez le voir ici ou .   Il y a 4 ou 5 ans leurs techniciens étaient disposés à venir pour évaluer nos possibilités. Il faudra un jour sortir de la dépendance des seuls fonds publics pour le développement et permettre à l’épargne Corse de s’investir dans l’île.

Le plus dur reste à faire, un paese dà fà… Il faut d’abord faire la cohésion du Peuple, raffermir sa volonté, pratiquer une solidarité réelle puis sortir peu à peu de la dépendance pour enfin sinon « étonner un jour le monde », nous sauver du cimetière des Peuples disparus.

Aiò un ci hè più riposu !

Max Simeoni.