La marche du crabe

Le Congrès de la fusion des trois composantes de Femu a Corsica officialisera le nom, Inseme pè a Corsica, entérinera le projet historique mais les statuts « démocratiques » ne s’appliqueront qu’à la marge après les élections de décembre.

En effet les trois directions des composantes ont déjà fait la liste en la reconduisant sur la base des dernières territoriales. Les jeux sont faits, seulement un petit problème pour « l’ouverture » à faire.

En fait on a continué l’alliance électorale mais a-t-on réglé tous les problèmes qui ont retardé depuis des années cette fusion que le simple bon sens réclamait.

On nous promet que le crabe marchera droit ? Il faut concéder qu’il n’était plus possible à ce stade de faire mieux faute de temps. La commission d’investiture « démocratique » pour les territoriales en 2022 ?

L’avenir reste préoccupant même si l’élection de l’Assemblée Unique à toutes les chances de reconduire la majorité.

 

Aucun des mécanismes qui tuent à petit feu le Peuple Corse n’est stoppé.

La langue Corse n’est plus discréditée, on nous promet le bilinguisme qui ne peut la sauver mais suivant les experts linguistiques de l’Unesco, elle est en voie d’extinction. À lire leur rapport sur les langues régionales, on comprend que dans le cas de la Corse, la coofficialité est un préalable absolument indispensable pour pouvoir mener une politique volontariste déterminée.

Il faut donc changer la Constitution ce qui revient à changer la culture jacobine qui imprègne les élites françaises depuis 1790, administrateurs et élus de droite comme de gauche au-delà des arrivistes politiciens. Qui ne connaît l’Abbé Grégoire pourfendant l’esclavagisme et disant (…l’usage unique et invariable de la langue de la liberté), Jules Ferry instituant l’école obligatoire et chantre de la colonisation au nom de la mission civilisatrice de la France, sans parler de Badinter abolissant la peine de mort mais se glorifiant d’avoir comme Président du Conseil Constitutionnel effacer le vocable Peuple Corse du statut Joxe où Mme Veil instaurant l’interruption de grossesse mais Présidente du Parlement européen recourant aux CRS pour interdire une conférence de presse d’Edmond Simeoni conforme au règlement.

 

La préservation du territoire par « les lois ordinaires ? ». Elles ont laissé l’île sans défense livrée à la spéculation orchestrée par l’État comme le Plan d’aménagement (250 à 350.000 lits à créer en 10 ans) que la publication du rapport de «Hudson Institut » par l’ARC stoppa net, rapport demandé par la Datar et qui devait rester secret. La Corse est depuis livrée à l’argent privé par une politique de résidences secondaires avec des élus locaux à petits budgets cherchant des ressources et/ou sous la pression d’un comportement mafieux qui ne peut aller que crescendo.

Le tout tourisme qualifié de moteur du développement procure des dividendes surtout pour les intérêts extérieurs. Les touristes comme les habitants à demeure consomment plus de 95% des marchandises importées, donc produites hors de l’île, le bâtiment amène ciment, briques, menuiserie d’aluminium et main-d’oeuvre étrangère sous payée le plus souvent. Les insulaires dans le tourisme, quelques-uns s’en sortent, beaucoup se contentent des miettes, des activités marchandes qui surfent sur les flux dominants continentaux. À la libération, deux familles, une de Bastia, l’autre d’Aiacciu, se sont rapidement enrichies comme correspondants de deux monopoles, celui des farines et celui de l’essence.

Le monopole au détriment de la Corse est toujours de règle, il est moins visible, il ne peut plus être comme allant de soi puisque le tourisme « est le moteur du développement de l’économie de l’île », il faut bien qu’il arrose un peu pour que l’illusion perdure.

 

Pour les autres demandes du Padduc, fiscalité patrimoine, etc., ce sera de même. La coofficialité reconnaissant l’égalité de « valeurs » des langues n’est pas admissible pour un jacobin, il tolérera un bilinguisme pour garder sous tutelle la langue dominée. Reconnaître cette égalité, c’est reconnaître un des critères qui fait un Peuple… impossible…

De même reconnaître un lien avec le territoire (statut de résident, ou fiscalité pour le préserver…) c’est commencer à reconnaître des preuves de Peuple et des moyens d’agir comme tel… impossible… Il est indispensable de bien mesurer cette radicale incompatibilité entre le Padduc, cette demande minimale des natios qui a été celle de la majorité des Corses et votée par les institutions à plusieurs reprises. Cela devrait leur faire comprendre qu’il s’agit d’un rapport de force sans compromis possible : soit le Peuple Corse est reconnu dans ses droits, soit il disparaît.

Le temps qui passe joue contre lui s’il perd de l’énergie dans des élections pour des mandats sans prise sur l’essentiel, en se contentant de mesures insuffisantes (bilinguisme sans coofficialité, lois ordinaires pour lutter contre la spéculation immobilière…) Tant que la prise de conscience de cette incompatibilité n’est pas nette dans le Peuple, rien n’est valable.

C’est dire l’importance des conditions de la fusion et de sa suite, il s’agit de l’outil efficace à la hauteur de l’enjeu historique.

 

Le jacobinisme est toujours au pouvoir, même si les partis de la Ve République se sont effondrés entraînant les clans dans la chute, la République est sienne. Le gouvernement a donné des signes clairs : Castaner, « il n’y a pas de place pour l’autonomie dans la Constitution », le Premier Ministre après les trois sur quatre députés natios, « il s’agit d’un vote identitaire » et le Président Macron dans conférence-plaidoyer pour l’Europe donne la signification à peu près en ces termes : « je ne céderai rien de ce qui est un repli sur soi, du communautarisme…»

La majorité hexagonale de Macron et celle insulaire des natios, sont sans opposition pour l’heure l’une comme l’autre.

Macron peut compter sur les restes de clans et/ou sur les « erreurs » des natios qui eux ne peuvent compter que sur les Corses pas assez en ordre pour ce combat historique d’insurrection civique sans violence organisée.