On célèbre…

On célèbre le 11 novembre 1918. Il a été la célébration d’une victoire. De nos jours, c’est plutôt un devoir de mémoire envers «ceux qui se sont sacrifiés pour qu’aujourd’hui nous soyons libres». Une hécatombe.

 

La presse à l’occasion du 11 novembre a cité Charles Peguy qui invoquait l’hon- neur et la gloire de ceux qui sont morts du côté des justes. Est-ce si simple ? D’un côté tous les bons, de l’autre les mauvais, responsables des horreurs de la guerre ? Ou n’est-ce pas la volonté de puissance, de domination des États-Nations qui ont provoqué ces catastrophes?

Les États maritimes, France et Grande Bretagne, en compétition pour étendre leurs empires coloniaux mais d’accord pour barrer l’Allemagne qui, « encerclée », a fini par faire exploser le continent européen. Les deux guerres mondiales ont affaibli tous ses États et face à la montée en puissance des États-Continents, comme les USA et l’Union Soviétique, la construction d’une Europe politique est devenue une nécessité de survie. Les valeurs universelles des droits des peuples et les droits de l’Homme continuent à être allègrement bafoués. Si avec les arsenaux nucléaires les grands affrontements ne sont plus envisageables, tous seraient perdants, « radioactifs » avec seulement deux dizaines de bombes H… Les rapports de force continuent, « guerres économiques », contrôles des matières premières et des voies de communication. Ils entretiennent des conflits divers, une guerre larvée. La logique de guerre malgré les beaux discours est à l’œuvre, des victimes innocentes civiles plus nombreuses que les « combattants » comme toujours, la désinformation, les manipulations, le renseignement, l’espionnage, la torture, sont monnaie courante. Bref, il importe de gagner, de ne pas perdre et tous les coups rentables, souvent les plus tordus, font partie de la panoplie… Il convient de diaboliser le danger, c’est-à-dire « l’autre » et de se vêtir de lin blanc.

La leçon du sang versé pour rien n’est pas encore tirée. Il faudrait un gouvernement mondial pour imposer les valeurs universelles : liberté, solidarité, dignité, démocratie… Ce n’est pas encore à l’ordre du jour, même si les discours nous en gavent. On a, nous Corses, quelques raisons d’être un peu fiers. Notre petit peuple a eu la première constitution écrite avec séparation des pouvoirs. Sous l’égide de Pasquale Paoli, il a décrété le droit des peuples à l’heure des monarques absolus de droit divin. Il a combattu la première puissance mondiale du siècle. Il a perdu la bataille à Ponte Novu, mais il a prouvé qu’il était digne d’être libre. Toute l’intelligentsia de l’époque l’a reconnu. Le rouleau compresseur du colonialisme l’a laminé. Il a vidé le réservoir d’hommes pour ses besoins puis il utilise son territoire dans son intérêt géostratégique et financier. Il a lavé son cerveau, il l’a persuadé qu’il était miséreux sans espoir et protégé par la générosité d’une République universelle jacobine. L’auto-colonialisme a envahi son cœur et son esprit et sa fin inconsciente paraissait proche.

Il y a 50 ans, une lueur natio est apparue et s’est renforcée jusqu’à ce qu’elle devienne majoritaire dans le statut spécial actuel. Le 3e ou le 4e accordé, octroyé sous la poussée constante. Tamanta strada ! Iè ! ma quella chì resta à fà hè assai più longa. Démographie vieillissante, immigration massive en pourcentage de la population autochtone, rendent l’accueil difficile. On peut imaginer qu’il s’agit volens nolens de céder la place. Langue corse en voie de disparition selon l’Unesco car, entre autre, la transmission d’une génération à l’autre (« naturelle ») n’est plus assurée. Le peuple corse n’existe pas dans la loi, il ne dispose d’aucun moyen pour agir selon son destin. Le système politique central à Paris et ses relais politiques insulaires sont en crise. Crise poli- tique, économique, sociale et immigration des ex-colonies incontrôlable… Les discours à gauche comme à droite sont incantatoires mais incrédibles en cette période électorale majeure (présidentielle et législative). Que promettent-ils aux Corses qui ont élu une majorité natio à la CTC encore relative, mais pré- sente, active ? Le système clan et jacobin est obligé de faire avec. La gauche au pouvoir incertain a dit un non catégorique à la coofficialité, au statut de résidence, à un pouvoir fiscal réel. Posture d’un jacobinisme sclérosé. Les candidats de droite en « primaires » ont défilé mais sans apporter davantage de garantie malgré la sympathie qu’ils affichent pour la « spécificité » de la Corse.

Pas de coofficialité, donc pas de politique sérieuse pour recorsiser l’espace de la société. Or elle est un préalable. Il suffit de lire le rapport de l’Unesco de 2002/2003 sur les langues minoritaires pour en être convaincu. Un bilinguisme sans un droit fondamental, s’il est accordé simplement à titre « dérogatoire », il reste entièrement téléguidé par l’État, il n’est qu’un aménagement de l’enclos où la langue est enfermée, végète et périclite. Pas de statut de résidence contraire à « l’égalitarisme jacobin », laissera la terre insulaire dans la spéculation immobilière, à l’encan… Pas de réel pouvoir fiscal, les jacobins le disent discriminatoire, certains relais locaux le qualifie de « poujadisme », en conséquence, pas de relance de la production, ni de développement durable. Dépendance et domination extérieures peuvent continuer sous des formes camouflées, « dérogatoires », rendues obsolètes avec le temps, autant de monnaies de singes inefficaces pour tartiner des aides, des subventions, au nom de la solidarité des institutions républicaines pour camoufler la volonté de pérenniser un système mortifère. Les réponses aux trois tests par les candidats (coofficialité, résidence, fiscalité), tests non séparables, ont le mérite d’éclairer la longue route qui reste à faire pour atteindre le but : la reconnaissance du peuple corse et les moyens d’avoir prise sur son destin. Si pò sperà chì a corsa sarà più veloce, u tempu stòricu hè misuratu. 
Esse fieri d’esse Corsu, và bè ! Ma ci vole per vince meritalu inseme, à sta siconda partita doppu quella di Ponte Novu.

Max Simeoni