Se libérer du carcan idéologique jacobin

Le Corse-Matin de la semaine écoulée s’est largement fait l’écho du débat à l’Assemblée de Corse relatif à la construction immobilière proliférante. L’inquiétude a été unanime et conclue par une motion. Il a été décidé de prendre des mesures pour arrêter ce fléau. Efficaces ? On peut en douter. En effet, il y aura toujours des conséquences néfastes tant que l’on restera prisonniers du carcan idéologique jacobin de la République.

 

L’histoire du rattachement depuis la conquête par les armes (1769 Ponte Novu) est la preuve indiscutable que le carcan idéologique jacobin de la République est néfaste :

-1818, dix neuf ans après la Révolution Française de 89, la République nous impose la loi douanière. Elle va durer 95 ans jusqu’en 1913 la veille de la Grande Guerre de 14 (12.000 tués, des milliers de « grands blessés »…).

– De la fin de la guerre 14-18 à celle de 39-45 et jusqu’en 1960 à la fin de la décolonisation (Accords de Genève 1960 pour l’Indochine après Dien Bien Phu et d’Evian 1962 pour l’Algérie), le projet de l’Europe à construire entre Occident et URSS est la perspective de l’avenir.

– Les technocrates et les politiques parisiens envisagent pour l’Île, la Somivac pour moderniser l’agriculture qui servira à accueillir les rapatriés dans l’urgence, en leur attribuant 90 % des lots (déclaration de Michel Rocard).

Quant au tourisme derrière la Setco, le rapport de l’Hudson Institut de 1971 que la Datar tenait secret mais publié par l’ARC, dévoile la sinistre intention du choix d’un développement touristique rapide et massif pour noyer les réactions « locales » (250.000 lits à créer en 10 ans avec la venue de 70.000 employés). Il s’agit ni plus ni moins que du coup de grâce à donner au Peuple Corse déjà affaibli par le rôle de réservoir d’hommes pour la République.

Un véritable génocide hypocritement présenté comme l’enrichissement pour tous les Corses.

Une terre vidée pour les guerres et l’Empire colonial (160.000 habitants en 1962 selon l’Insee) a inspiré ce Plan de développement machiavélique des décideurs jacobins.

– L’État républicain n’en parle plus, il semble l’avoir abandonné, il n’en est rien. Il l’étale dans le temps et use de la fiscalité pour parvenir à ses fins. Les 30% de dégrèvement des charges pour les constructions à valeur locative ont eu en Corse un résultat étonnant : l’Île détient de loin en quelques années le record des résidences secondaires… place ments juteux pour ceux qui sont amateurs d’horizons bleus et les bobos argentés… par le crédit et les prêts bancaires.

 

«Quand le bâtiment va, tout va ! » dit-on. Dans l’île tout va bien, tout est en place pour un développement surtout profitables à des circuits de productions et à renforcer la dépendance.

En plus des résidents, plus de touristes, plus de clients qui consomment à plus de 97% les produits de l’extérieur. L’Île est un marché captif, un terminus de distribution qui ramasse la mise, avec en outre « l’Enveloppe de l’Aide de Continuité Territoriale ». Elle profite aussi paraît-il aux exportateurs locaux. Peut-être, mais quand vous avez deux plateformes et que vous donner le même soutien aux deux, vous maintenez le différentiel c’est-à-dire le rapport global de domination et le tour est joué au nom de l’égalitarisme républicain. L’Enveloppe devait soulager le Caddie de la ménagère, or la vie est «plus chère» et le PIB bien bas.

Que peuvent espérer les 60.000 pauvres à moins de 900 euros par mois et la foule nombreuse de précaires de 1.000/1.200 euros mensuels ?

 

Ce capital patrimoine nature qu’on nous envie, pour ceux de ma génération, il avait une valeur vitale. Il était notre vie, on baignait dedans et on le portait en nous en exil au point de vouloir être enterré dans notre terre. Je suis allé bien souvent en accueillir sur les quais ou à l’aéroport pour leurs derniers retours. L’attachement à l’Île reste fort pour les Corses mais la facilité des déplacements de nos jours ne donne pas ce sentiment de vie enracinée avec la même émotion. Et pourtant ce capital peut être encore un refuge face aux bouleversements du monde, climatiques ou autres, une assurance.

Mais il peut être l’objet d’un projet ambitieux en partant de la conviction qu’il faut le préserver, le développer sans l’abîmer par la recherche du gain individuel exclusivement. En cherchant à faire un développement écologique durable, notre communauté peut initier un modèle de civilisation et ce n’est pas se payer de mots, où le progrès matériel se concilie avec la solidarité et la beauté de la nature, cette poule aux oeufs d’or.

Nous avons été, par amour de notre terre, sur le terrain avant les partis politiques écologiques : l’Argentella, les boues rouges, la ligne carbo-sarde, le Schéma d’Aménagement de l’île…

 

Il nous faut les moyens d’un développement maitrisé, l’autonomie pour être efficace, l’autonomie pour le Peuple Corse reconnu seul capable d’empêcher son trésor d’être dénaturé, laid. Pour qu’il ne reste beau en partie seulement dans quelques enclaves de riches.

Il est urgent de construire un mouvement de terrain où tous ceux qui aiment le beau, la solidarité, la justice et les progrès des techniques pour servir puissent s’y consacrer avec passion, lucidité et détermination.

Ne perdons pas notre énergie et notre temps à courir uniquement après des mandats pour des pouvoirs illusoires dans les conditions actuelles institutionnelles.

La terre et son Peuple ne méritent pas cette faillite de la part des siens.

Bonnes vacances et beaux rêves qui préparent à l’action.

Max Simeoni.