Suspendu

Toute la vie politique est suspendue à l’élection de l’exécutif de la Ve République, son président. Elle va conditionner les législatives qui vont suivre de peu et qui normalement doit lui donner une majorité à la chambre des députés pour qu’il puisse gouverner.

Les quelques cohabitations que le régime a connues, étaient en fait des dérives politiciennes de l’esprit de la Constitution voulue par De Gaulle. « Le régime des partis » de la IVe ont dû introniser le Général pour éviter une guerre civile en pleine déconfiture de la « Pacification » en Algérie, la dernière colonie. La Ve République voulait bipolariser en droite/gauche l’ensemble du corps électoral et réduire à néant les jeux politiciens des petits partis charnières qui cultivaient l’instabilité au profit de leurs petits chefs.

Le Gaullisme n’a été possible que dans deux crises majeures, la Libération en 45 et après Mai 58 et la fin de la guerre d’Algérie en 1962 par les accords d’Évian.

 

La politicaillerie a repris le terrain, le bipartisme a explosé. Primaires ou non, les cohortes des prétendants à la magistrature suprême le prouvent. Fillon en morceaux, la droite avec…

La primaire de gauche sort un candidat surprise qui est mal soutenu, il marche à petits pas sur un parterre semé de peaux de bananes. Le vide pour encore plus d’électrons libres… On ne voit pas d’assises solides pour un gouvernement de la France. Faut-il souhaiter une crise majeure pour voir surgir des hommes providentiels comme en 45 ou en 58 ?

Tous voulaient le retrait de François Hollande au plus bas dans les sondages qui nuisait à leurs élections législatives ou régionales. De Gaulle a répondu à un de ses fidèles qui l’incitait à prévoir un successeur : « Soyez sans inquiétude, il y aura pléthore ! » C’est plus vrai que jamais, un vrai feu d’artifice !

Ce tableau de crise électorale n’est qu’une minuscule facette d’une crise économique, financière, sociétale qui agite la planète entière.

Qu’est-ce qu’on peut attendre des jeux électoraux insulaires ?

 

Comme au sommet de la pyramide, on a une profusion de candidats à la candidature législative, chacun d’entre eux ayant misé son cheval : Juppé, Sarkozy, Fillon…

Camille a gagné, l’espace d’un matin la fleur s’est fanée. L’incertitude n’a jamais été aussi grande, elle est pour l’heure totale. Il faut paraître uni pour voir venir et attacher son char ou se placer pour la course suivante avec des coupe-jarrets comme dans les arènes de Rome. Paris ne marque plus le Nord, désorientés, déboussolés, ils seraient presqu’à plaindre.

Il faudra toujours des élus de proximité… les chamboulements départementaux de la loi NOTRe sont pour eux des secousses telluriques, rien de sûr pour s’accrocher. Alors inquiéter, capacité de nuisance à suggérer ?

Rassurer pour se faire coopter ?

Les deux tour à tour, les deux à la fois selon… Se faire craindre pour se faire respecter, se faire aimer pour se faire supporter… Pour une logique d’un rassembleur : quel prix à payer aux recruteurs de voix de proximité. L’étiquette restant celle d’un débat d’idées, comme de bien entendu.

Et si finalement on se regroupait sur la base de deux ou trois dossiers insulaires pour ne pas être suspendu comme pendu à des cordes centrales parisiennes anciennes et usées ou plus récentes mais fragiles. Un début d’une nouvelle démarche en cordée. Nécessité fait loi. Dans un naufrage, un même radeau pour tenir sur l’eau le temps de voir la terre.

 

Quid du projet des natios, celui du changement des rapports avec l’État central jacobin et la notion de Peuple corse nié. Un peuple avec ses droits universels. Nos élus gèrent avec les lois actuelles. Ils n’ont aucune prise juridique pour placer un levier d’action pour leur projet « historique ». Dans la période électorale actuelle maximalisée, les thèmes de l’incompatibilité du système républicain jacobin et de la reconnaissance juridique du Peuple corse ne sont pas porteurs car il faut ratisser large pour le score électoral. La déshérence des partis classiques hexagonaux et de leurs relais clanistes leur créent un contexte favorable mais peu en concordance avec leur revendication de fond. Le score électoral dès lors peut être aussi illusoire et si on s’en contente il freine la dynamique de fond nécessaire au projet «historique ».

Pour moi il est clair que la représentativité dans un statut « particulier » mais inadéquat est une impasse. Pour en sortir il faut une organisation sur le terrain ouverte à tous les problèmes catégoriels, dialoguant avec tous les acteurs, soutenant toutes les revendications légitimes pour peu à peu faire comprendre que la solution d’avenir est dans le projet des natios à réaliser en commun, c’est à dire une révolution démocratique transparente de solidarité et de justice toujours plus poussée. Il faut faire comprendre que la coofficialité n’est pas un caprice de doctrinaire, que le bilinguisme est un pis-aller sans garantie, que la demande de reconnaissance du Peuple corse par la loi ne peut pas être discriminatoire mais ce qu’il l’est est sa négation, que la Corse n’est pas pauvre mais qu’elle n’a pas eu de développement parce que la République n’a eu besoin que des hommes pour son Empire et aujourd’hui l’île riche de ses sites immobiliers spéculatifs, des touristes en nombre et des autochtones consommateurs de produits alimentaires et autres, venus de l’extérieur. Les labels octroyés sont avant tout des publicités pour une industrie touristique non maîtrisée par les indigènes et même si quelques-uns en vivent ils ne servent pas de support suffisant pour structurer une économie autocentrée.