Mossoul

La coalition piétine face à Daech

Dans le centre de Mossoul, la bataille semble interminable. La coalition anti-Daech a pris pied en venant de l’Est, avec deux armées distinctes, l’armée officielle irakienne et les peshmergas kurdes. Après une première progression rapide grâce aux bombardements alliés, l’avance s’est ralentie, puis stoppée. Pendant ce temps, le forcing de Bachar El Assad et de son allié russe contre l’Armée Syrienne Libre de ses opposants politiques lui a permis de reprendre Alep. Mais il a été jusqu’à dégarnir le front anti-Daech qui a pu ainsi reprendre le site stratégique de Palmyre.

 

À Mossoul, comme à Alep ou Palmyre, la première leçon est immédiate : seule la conjonction de la maîtrise du ciel et de troupes aguerries au sol permet de remporter les batailles. À Alep, grâce à l’aviation russe, Bachar Al Assad et son armée l’ont emporté. Mais les Russes n’ont pas la même puissance de feu que la coalition regroupée par les USA, ni financièrement – chaque bombe larguée coûte un bras !-, ni militairement car  il faut une flotte aérienne très importante pour tenir deux fronts à la fois. D’où la chute de Palmyre.

À Mossoul, l’explication des atermoiements de l’offensive est inverse. Elle ne tient pas à la limitation des moyens aériens : les USA et leurs alliés, français ou autres, ont largement de quoi suivre. Par contre les moyens terrestres piétinent car l’armée irakienne a épuisé ses premières troupes qui ont fait reculer les bataillons djihadistes. La relève est insuffisante, l’armée irakienne, humiliée par Daech il y a deux ans, manque de soldats prêts à combattre. Or la décision politique concédée à Bagdad, et aussi à Ankara, a été de limiter le rôle des peshmergas kurdes en dehors de la ville. Ainsi, pour contenir la revendication politique kurde, on a créé les conditions qui expliquent l’enlisement de l’offensive sur Mossoul.

On touche du doigt les limites des stratégies des puissances locales pour qui Daech n’est en fait qu’un volet du conflit. L’ennemi premier, pour Bachar El Assad, c’est son opposition démocratique, pour Ankara c’est l’armée kurde de Syrie proche du PKK dont un succès à Raqqa renforcerait sa demande de reconnaissance internationale y compris en Turquie, et pour Bagdad ce sont les peshmergas de l’armée kurde d’Irak dont la progression sur le terrain à Mossoul renforcerait les revendications territoriales sur les zones pétrolifères, notamment à Kirkouk.

À ce jeu de cache-cache, Daech sort bien sûr conforté. Certes la partie n’est pas perdue pour ceux qui le combattent, et la pression terroriste oblige la communauté internationale à de nouveaux engagements pour venir à bout d’un califat qui envoie ses commandos en France, en Allemagne, aux USA pour punir la coalition qui agit contre lui, et en Turquie pour tenir en respect le pays voisin par où passe, à travers une pègre forcément impliquée au sein du pouvoir dictatorial qui s’est mis en place, l’essentiel de son «marché noir », pétrole et œuvres d’art pour se financer, armes pour tenir le terrain, et recrutement des candidats au djihad venus d’Europe, du pays Ouigour en Chine, du Caucase, d’Ouzbekistan ou d’ailleurs.

Demain, les USA seront conduits par les options politiques de Donald Trump. Son rapprochement avec Poutine est désormais la polémique principale qui entoure son arrivée au pouvoir. Barack Obama, qui sera le leader de l’opposition à Trump, a commencé à faire monter les enchères en dénonçant avec force l’ingérence des services secrets russes dans l’élection américaine. L’embarras de la nouvelle administration Trump est manifeste, car le « nouveau tsar » reste, pour les Républicains tout particulièrement, un rival historique capable de mener des actions militaires sur tous les théâtres d’opérations : Moyen Orient, Europe de l’Est, etc.

Les jeux de cache-cache entre grandes puissances dans le dossier de la guerre contre Daech ne font que commencer ! Avec en arrière-plan, encore et toujours, la maîtrise des ressources d’un continent stratégique pour l’économie mondiale.

 François Alfonsi.