La libération démocratique de l’Algérie

La libération nationale de 1962 a marqué à jamais l’Histoire de l’Algérie. La libération démocratique qui est en cours laissera elle aussi une trace ineffaçable. La liesse infatigable des foules manifestantes d’Alger, et de toutes les villes d’Algérie, ne peut qu’impressionner. Il y flotte ce parfum indescriptible de la libération d’un peuple, mélange d’une force immense et d’une fraternité retrouvée.

 

La libération nationale de l’Algérie dans les années 60 s’est accompagnée de l’arrivée au pouvoir du FLN, le parti-héros de la lutte armée contre la France. Dans ces années de guerre froide, le « modèle révolutionnaire » est encore celui du parti unique, que les vainqueurs de la France adoptèrent naturellement, inscrivant leur pays dans le camp « antiimpérialiste », alors que fait encore rage la guerre au Viet Nam, alors que l’on vit les suites de la révolution cubaine, et tant d’autres situations aujourd’hui radicalement différentes.

Cette logique du « parti unique » issu de l’esprit révolutionnaire de l’époque a rencontré en Algérie un autre mode de gouvernance ancré dans la société au fil des décennies de l’occupation française, le jacobinisme. Les « wilayas » de la résistance devinrent autant de « préfectures » pensées exactement comme le modèle français d’un centralisme forcené.

Et enfin, au sommet de l’État, intervint un facteur majeur : la rente pétrolière, source de tous les revenus ou presque, et son contrôle absolu par une oligarchie issue de la résistance, puis de la lutte entre ses factions rivales pour monopoliser les postes ministériels, contrôler les instances dirigeantes de la société pétrolière d’État Sonatrach, et maîtriser l’appareil militaire et policier.

La première résistance à ce modèle d’un État devenu dictatorial a été celui du peuple kabyle, fier de sa culture berbère/ amazigh, et conscient d’avoir joué un rôle essentiel dans la libération nationale, durant les années de la résistance et des maquis. Exclus du sommet de l’État en raison de leurs velléités autonomistes, les kabyles ont été les premiers réfractaires aux dérives du nouveau pouvoir algérien, contre la corruption et le clientélisme, contre des orientations économiques qui ont laissé des territoires entiers, dont la Kabylie, à l’abandon, contre la négation de leur peuple et de leur culture.

 

Le « printemps berbère » au début des années 2000 a été brisé par la répression, mais la floraison actuelle de drapeaux berbères dans la foule, à Alger comme à Tizi-Ouzou, montre bien que l’Algérie nouvelle ne pourra plus être celle d’un centralisme instrumentalisé pour capter la rente pétrolière, le modèle qui aujourd’hui est en train de s’effondrer.

En fait, si l’on veut nourrir de bons espoirs dans l’avenir démocratique de l’Algérie qui est forte d’une conscience politique exceptionnelle au sein des couches populaires, il faudra encourager une coopération constructive de l’Union Européenne pour accompagner ces évolutions.

Car l’Europe a tout à gagner si la démocratie l’emporte définitivement en Algérie.

Le Parlement Européen sera en première ligne car il dispose d’outils déjà impliqués dans les relations avec le Maghreb, et il a défini une politique de coopération qui met en avant les droits de l’Homme, dont il s’efforce depuis de longues années à en assurer le développement. Ces démarches politiques sont ingrates qui se sont heurtées au mur de la raison d’État durant d’interminables années et qui apparaissaient vaines aux yeux des opinions publiques. Mais quand ce mur se fissure et finit par tomber, elles permettent d’agir aussitôt et cette mise en place déjà opérationnelle est importante car la lutte contre le retour d’une nouvelle forme de dictature sera une « lutte contre la montre ».

Traditionnellement, l’État de droit que la  démocratie promeut s’articule autour d’un  triptyque: l’indépendance de la justice,  vaste programme dans ce pays gangréné  par la corruption, la liberté de la presse et  d’opinion, qui est une réalité historique  favorable en Algérie, malgré les pressions  énormes de l’État tout au long de  ces cinquante dernières années, et la  liberté de la femme, question centrale  dans un pays qui a été en prise avec  l’obscurantisme islamiste et qui n’y a pas  cédé.

 

Mais il est un quatrième volet qui, dans la question algérienne, sera fondamental : la liberté pour les peuples, pour la diversité culturelle et linguistique, contre le modèle unique arabisant qui a été imposé par l’État au lendemain de la Révolution de 1962. Le combat des amazighs devra être soutenu fortement dans les mois qui viennent.

Quand j’étais parlementaire européen s’était créé à l’initiative de quelques députés le « friendship berbère » pour soutenir, en Algérie et dans toute l’Afrique du Nord, les peuples de culture berbère/  amazigh. C’est incontestablement le moment d’en relancer l’activité !

François Alfonsi.

 

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