Langues régionales

Une réforme constitutionnelle ou rien !

Depuis le vote, contre l’avis de Jean Michel Blanquer, de la loi Molac au Parlement, le dossier des langues régionales est au premier rang du débat politique alors que la campagne électorale des régionales bat son plein, et que débute celle des présidentielles et des législatives 2022. Comment cela peut-il se terminer ?

 

Les intentions linguicides de Jean Michel Blanquer ne sont plus à démontrer. La saisine du Conseil Constitutionnel a été largement calculée, et très certainement consciemment concertée pour arriver à la décision de censure qui est tombée contre l’enseignement immersif. Avec l’intention non avouée, mais bien réelle, de tuer le « modèle Eskolim », celui qui assure le succès de Seaska, Diwan, Bressola, Calendreta et ABCM, et qui a été choisi par Scola Corsa. Ce qui n’a pas été calculé par le Ministre et son mentor de l’Élysée, c’est la bronca que cette décision provoquerait, en pleine campagne électorale.

Premier impact visible en Bretagne : la liste LREM y a dévissé de 5 points en trois semaines, et est désormais hors-jeu pour espérer gagner cette région, alors que tous les espoirs leur semblaient permis. Le Président sortant, qui compte Paul Molac sur sa liste, et l’alliance EELV-UDB, ont tous les deux progressé proportionnellement à ce dévissage.

Dans l’entre-temps, Emmanuel Macron, qui a très certainement été dès le départ favorable à l’offensive Blanquer, fait machine arrière, sous la pression notamment de François Bayrou qui a exprimé une vraie colère contre la manœuvre de ses « amis » qui consiste à anéantir le statut des écoles immersives fondé sur une politique qu’il avait initiée alors qu’il était Ministre de l’Éducation Nationale, en 1994. C’est alors que les enseignants des associations pratiquant l’enseignement immersif ont pu être rémunérés par contrat directement par l’Éducation Nationale. Sans cette mesure, les composantes d’Eskolim n’auraient pu se développer. Et c’est ce dispositif que la censure du Conseil Constitutionnel veut abattre, alors que la loi Molac lui apportait une reconnaissance majeure.

Mais la machine uniformisatrice jacobine est en train de buter sur un problème majeur du fait d’opinions publiques qui sont vent debout contre leur machiavélisme totalitaire. Bretons, Basques, Corses, Alsaciens, Occitans, Catalans et d’autres encore veulent préserver leur patrimoine culturel, et le reste des français, à l’exception de quelques chevènementistes arriérés, y est aussi favorable.

 

Politiquement, pour Emmanuel Macron, c’est une opération « perdant-perdant », et par une déclaration sur son compte Facebook, il a assuré que cette décision serait sans conséquence pour chacun des réseaux concernés. Le premier ministre Castex, qui subventionne un collège Bressola dans la commune de Prades dont il est le maire, reprend la main, désigne deux députés LREM parmi les plus engagés lors du vote de la loi Molac, le breton Yannick Kerlogot et le catalan Christophe Euzet, et leur donne mission pour régler le problème. Les deux députés ont rencontré Scola Corsa et les autres composantes d’Eskolim (voir courrier ci-contre).

Depuis, le Conseil Constitutionnel navigue à vue. Craignant qu’une réforme constitutionnelle survienne qui viendrait invalider sa décision, il essaie de lui donner une interprétation amoindrie dans un commentaire publié sur son site officiel. Il affirme ainsi le 16 juin que sa « décision ne s’applique qu’à l’enseignement public ». Mais 48h plus tard le même « commentaire » est modifié du tout au tout et dévient : la « décision ne s’applique qu’au service public de l’éducation ». Service public qui inclue les écoles sous contrat puisque les enseignants sont pris en charge par l’Éducation Nationale.

Comment évoluera ce bras de fer entre les défenseurs des langues régionales et « l’État profond » qui veut éteindre la filière immersive qui en permet la transmission ?

Pour Que Vivent Nos Langues continue sa mobilisation, et, dans le contexte de la campagne électorale en cours et celle à venir, il peut faire monter le rapport de forces en s’appuyant sur la très grande majorité des sénateurs et députés qui ont voté avec Paul Molac.

Quant à Scola Corsa, elle poursuit sa route. Ce sera un sujet majeur, demain, dans les relations entre l’État et la Corse. •

François Alfonsi.