Elezzioni

Les autres enseignements du scrutin

Bonne participation.

C’est habituel en Corse, l’île se distingue une fois de plus du Continent avec près de 20 points supplémentaires en moyenne de participation (57,08 %). Les Corses aiment les joutes électorales et ce scrutin était à enjeux, plus encore qu’en 2017 (+4,93 % de participation). Il faut y voir aussi la marque identitaire : avec les municipales, le scrutin territorial est l’élection phare de proximité et le peuple corse tient à s’y exprimer.

 

Nationalisme en nette progression.

Probablement la surprise de ce premier tour, pour ses pourfendeurs comme pour ses soutiens : le nationalisme corse poursuit sa progression : en voix (+15.372 par rapport au premier tour de 2017) et en pourcentage (+5,65 %). Certainement l’effet de la concurrence qui a créé une émulation et mobilisé les troupes malgré les conditions difficiles de campagne dues à la crise sanitaire.

On le disait « déçu » des « natios », le peuple corse confirme ses choix affichés depuis 2015. Au gouvernement d’entendre enfin le message. Mais aussi aux nationalistes d’être à la hauteur des attentes exprimées !

 

Gauche out !

L’électorat traditionnel de gauche s’est éclaté entre les communistes, Ecologìa Solidaria, la liste Marcangeli, les listes nationalistes, et la liste Corse terre de progrès de Jean Charles Orsucci qui est le grand perdant du scrutin. Autant dire un électorat complètement perdu qui n’aura pas de représentation politique durant les sept prochaines années. Ce n’est pas une bonne chose.

 

Le bonapartisme a définitivement vécu.

Les discours démago et hostiles de son leader n’ont pas plu jusque dans les rangs de la droite. Laurent Marcangeli a perdu son pari. Il n’inspire pas confiance et paie probablement les messages confus entre le soutien affiché du gouvernement Macron et son relai préfectoral, et celui de l’ancien premier ministre Edouard Philippe. Au-delà, c’est la confirmation de la fin du bonapartisme en Corse. Et ça, c’est bien ! Avec 4 points de moins que Gilles Simeoni, Laurent Marcangeli n’a que peu d’espoir et pour ainsi dire pas de réserves si ce n’est d’éventuels abstentionnistes.

 

Pas d’extrême-droite en Corse !

Autre bonne nouvelle du scrutin qui ne surprend personne, les scores RN aux présidentielles illustrent un vote contestataire que l’on ne retrouve pas dans les scrutins importants au niveau de la région. Là encore, c’est une particularité corse !

 

L’écologie est nationaliste.

Malgré un bon programme et une situation inédite (alliance écolo et gauche socialisante), Ecologia Solidaria n’est pas parvenu aux 5 points synonymes de rattrapage possible au second tour. C’est une mauvaise nouvelle à l’heure où la planète entière est en lutte pour sa survie. Les messages fondamentaux prônés par cette liste méritaient mieux. Avec 5038 voix et 3,75 % Agnès Simonpietri et ses colistiers sont déçus mais ont initié une démarche nouvelle en Corse. Jusqu’ici c’est le nationalisme depuis ses premières heures qui incarnait le discours écologiste en Corse, avant même d’ailleurs que n’existe en France le mouvement vert. Ce sont d’ailleurs des écologistes à l’âme nationaliste, comme Norbert Laredo et I Verdi Corsi, qui ont porté le mouvement pendant des années. La liste Ecología Solidaria a aussi souffert de la division nationaliste et donc de la mobilisation redoublée face aux enjeux de cette course à l’échalote. Elle faute peut-être aussi par sa difficulté à rassembler le monde associatif soucieux de son indépendance d’action. Elle aura été également « plombée » par le sondage (créditée de 8 %) qui a amené probablement certains électeurs prêts à la soutenir à revenir à un « vote utile » eu égard aux faibles écarts des listes qui faisaient la course en tête. De quoi une fois de plus s’interroger sur le trouble anti-démocratique créé par ces sondages en pleine campagne électorale.

 

Le succès de Core in Fronte.

Ce n’est pas une surprise, ce parti nationaliste est en progression depuis 2015 et son leader Paul Félix Benedetti retrouvera l’Assemblée de Corse. C’est le fruit d’années de travail obstiné qu’il faut saluer : son message, bien que parfois démagogique, passe bien dans l’opinion nationaliste. Il bénéficie aussi des nombreuses déceptions de ces six premières années de la majorité nationaliste aux responsabilités. L’électorat n’ayant pas voulu s’abstenir c’est reporté naturellement sur la liste qui portait la critique des insuffisances. C’est aussi peut-être le fait de l’évolution de l’électorat : aujourd’hui le nationalisme (mis à part la persistance bien fragilisée de la droite), n’a que le nationalisme comme véritable adversaire. Les nuances « plus à gauche », « plus libérales », « plus écologistes » se retrouvent en son sein, et c’est le signe d’une nation en construction.

 

L’échec de Corsica Lìbera.

Contrairement à ce que pourraient penser certains nationalistes concurrents, c’est la très mauvaise nouvelle de ce scrutin. Pour à peine une centaine de voix, l’électorat incarné par la liste Talamoni ne sera pas au second tour, sauf à être rattrapée par une autre liste nationaliste. Mauvaise nouvelle parce que la tendance représentée a renoncé à la violence clandestine en 2014 pour miser sur la progression institutionnelle. Et cette évolution politique a engendré le début de la progression de l’ensemble du nationalisme depuis. Il ne faudrait pas l’oublier. Cette mise hors-jeu est donc amère. Malgré un bon travail (parfois transgressif, c’est peut-être ce qui lui a été reproché y compris par l’électorat) du président de l’Assemblée de Corse, Corsica Lìbera a perdu 1062 voix par rapport à 2015.

Son recul profite à Core in Fronte qui n’a pas encore à payer l’usure du pouvoir. Cependant, ensemble, les deux listes font progresser considérablement l’indépendantisme. Sachant que bon nombre d’indépendantistes se retrouvent dans les deux autres listes Simeoni et Angelini, c’est une leçon à retenir, notamment pour Paris. Près de 58 % de l’électorat et au moins 15,8 % d’indépendantistes : les évolutions institutionnelles sont incontournables. •