Pass vaccinal

Les députés nationalistes corses ont voté contre

Les trois députés nationalistes ont voté contre le Pass vaccinal (adopté à 214 voix pour, 93 voix contre, et donc désormais examiné au Sénat). Jean Félix Acquaviva, député de la seconde circonscription de Haute-Corse, explique dans le texte ci-dessous les raisons de cette position, pour « convaincre et non contraindre. Trouver l’équilibre entre le sanitaire, la justice et la liberté. » À noter qu’à la demande de dérogation au pass vaccinal de nos députés dans les transports en Corse, du fait de « la rupture de légalité » due à la situation d’insularité, le gouvernement a précisé que l’île n’était pas concernée par le Pass vaccinal et que la loi ne changeait donc rien aux déplacements Corse-Continent.

 

« Constat : le variant Omicron est devenu majoritaire. Sa transmission est exponentielle même par le biais de vaccinés. Ses conséquences semblent plus “benignes” même s’il agit aussi à la hausse sur les hospitalisations et les réanimations. Fort heureusement cette hausse n’est pas aussi fortement proportionnelle par rapport aux cas positifs que celle vécue lors de la première vague.

Les différents vaccins protègent en général bien des formes graves, même en l’état d’évolution de variants qui nécessitent de progresser en qualité de protection, et même en l’attente de retours définitifs de la science et d’expériences cliniques sur les préjudices. Il faut donc convaincre de se vacciner autour de nous mais en ayant un discours de vérité, celui du nombre de rappels nécessaires qui risquent d’évoluer dans le temps, et de transparence, celle d’évaluer les préjudices éventuels, leur nombre, leurs causes, de ne rien cacher, et de démontrer que le bénéfice/risque évolue toujours plus en faveur du vaccin pour protéger et se protéger. Et si certains vaccins sont défaillants par rapport à d’autres, le dire aussi avec pédagogie et clarté.

Car ce qui compte fondamentalement dans ce contexte complexe est de convaincre et faire preuve de pédagogie pour atteindre le niveau de cohésion nécessaire pour affronter et vaincre ce type d’épidémie ou de pandémie. Ce n’est pas d’ajouter de la division à l’angoisse et à la peur. Ce n’est pas de trouver des boucs-émissaires, d’isoler ou de vilipender une partie de la population.

 

Toujours convaincre et non contraindre en restreignant les libertés. Car la restriction de libertés entraîne des conséquences économiques, sociales et culturelles graves pour les populations, qui se rajoutent au problème sanitaire.

Car la restriction de libertés ne peut qu’entrainer perte de confiance, et affrontements internes.

Car la restriction de libertés et l’état d’urgence permanent sont une réponse trop facile et dangereuse face à un phénomène de variants qui de toute évidence n’est plus une “urgence” ou “exception” mais devient la règle.

Ce qui commande à la société d’engager une pluralité de moyens et d’organisation pour lutter, protéger, vivre avec le risque, de manière normale et durable. En somme trouver l’équilibre entre le sanitaire, la justice et la liberté.

Le Projet de loi de gestion sanitaire cible expressément et quasi-exclusivement les non-vaccinés. Pour ne pas instaurer l’obligation vaccinale pour tous qui impliquerait la responsabilité juridique et financière de l’État en cas de préjudice causé, il est proposé un “pass vaccinal” excluant d’un certain nombre d’activités, de services, les non-vaccinés même titulaires d’un test de virologie négatif lors de l’accès à ceux-ci.

Le vaccin est présenté dans ce projet de loi comme l’horizon indépassable de lutte contre les variants. Or, s’il préserve en général et en grande majorité des formes graves, il ne permet plus d’empêcher la transmission du variant Omicron par les vaccinés.

En présentant le pass vaccinal comme permettant d’arrêter définitivement la pandémie, on oublie très vite que :

  1. Il y a eu un relâchement important des gestes barrières et des protections par masque à mesure que la vaccination progressait car celle-ci a été présenté à tort comme seule à même de vaincre rapidement la pandémie (ce que vient démentir Omicron) ;
  2. La propagation de ce nouveau variant, comme potentiellement d’autres à venir, nécessite d’autres moyens de lutte complémentaires et une réflexion sur ceux-ci : quand on voit le pourcentage de personnes de plus de 85 ans encore non vaccinées, souvent isolées en milieu rural, ne peut-on pas se poser la question des moyens déployés par le système de santé et les CPAM pour aller les convaincre en les identifiant ? Ne doit-on pas mieux éclairer, garantir et encadrer en protection tous ceux dont les pathologies ne sont pas compatibles avec la vaccination ? Ne doit-on pas cibler précisément et prioritairement les personnes ayant des comorbités par des campagnes de promotion de vaccination ciblées ? Ne doit-on pas revenir à la gratuité des tests eu égard au caractère exponentiel d’Omicron ? Ne doit-on pas permettre le financement rapide de l’équipement en brumisateur des écoles, collèges et lycées mais aussi plus globalement des bâtiments publics ? Ne doit-on pas insister sur les gestes barrières, les masques et le gel hydroalcoolique durant cette période transitoire de pic Omicron ? Ne doit-on pas adapter plus précisément par territoire les jauges par événement, réunions, manifestations ? Ne doit-on pas enfin massifier l’envoi de vaccins et des autres types de protection aux pays plus pauvres, à la fois pour les protéger et endiguer progressivement la propagation de nouveaux variants ? Tout cela en associant toutes les forces politiques et les forces vives des territoires. En particulier en Corse avec la Collectivité de Corse. Et bien évidemment faire preuve de pédagogie et de transparence sur tous les chiffres.

Plus globalement, poser la question du système de santé de manière structurelle et durable en termes de moyens et de perspectives d’intégrer ces phénomènes de pandémie (lits, gouvernance territoriale, formation et ressources humaines…).

Toutes ces obligations de moyens dont doivent se doter les pouvoirs publics et la société ne font que mettre en exergue le caractère intenable du ciblage exclusif des non-vaccinés et des discriminations dont ceux-ci s’apprêtent à faire l’objet, surtout dans les nombreux cas où ils peuvent justifier de ne pas porter le virus.

Car enfin :

 

Comment pourrions-nous accepter sans sourciller qu’un enfant de 12 ans justifiant d’un test PCR négatif, donc non contaminant, puisse ne pas avoir le droit de participer à des activités culturelles ou sociales avec ses camarades, l’isolant de tous ? Cas qui peut avoir des conséquences graves selon la situation familiale et sociale de l’enfant.

Comment pourrions-nous accepter sans sourciller que des personnes, justifiant du même type de PCR négatif, ne puissent plus aller et venir librement dans des services publics de transports, notamment entre l’île et le continent alors que la voiture ne peut être dans ce cadre une alternative ?

Quand des enfants et des adultes sont ciblés et discriminés alors qu’ils prouvent qu’ils ne portent pas le virus, uniquement parce qu’ils rechignent à se vacciner car ils sont en proie au doute, cela ne peut que renforcer la perte de confiance, voire la défiance et l’hostilité à l’encontre des vaccins.

Car enfin, là aussi il convient de se rappeler : il était promis une fin de pandémie en fin 2020, puis pour la fin d’année 2021 dès que les 90 % de vaccinés seraient atteints au niveau français. Or nous y sommes et il n’en est rien avec l’apparition de ce nouveau variant.

La méthode n’est pas bonne car de plus nourrie et irriguée par le contexte électoral qui arrive. Or, éthiquement, politique de santé publique au service de tous et calcul électoral ne peuvent cohabiter.

 

Il faut désengorger les services de réanimation et faire souffler les personnels soignants qui ont tout donné. Il faut protéger les populations en promouvant activement le vaccin, de même que tous les autres moyens de lutte nécessaires, en expliquant et prouvant au plus près leur intérêt. Mais il convient en situation complexe et mouvante, de faire preuve d’éthique, de vérité et de responsabilité.

De vraies questions doivent être traitées, non dans le cadre d’un état d’urgence permanent mais désormais dans le cadre normal d’une recherche d’apaisement et de responsabilité : la question grave de la vaccination des mineurs et de leur non-accès aux activités, légitimement angoissante pour les familles, en fait partie, tout comme celle de la liberté d’aller et venir par exemple. Et l’évaluation de l’efficacité réelle des politiques mises en place dans un laps de temps court devrait être la règle. Tout comme la concertation, voire la co-construction des mesures avec les territoires. En particulier avec la Corse.

Les coups de menton, les vraies-fausses annonces concernant la fin de la pandémie, les rapports de force permanents, les ciblages et mises à l’index doivent cesser.

 

C’est une pluralité de moyens construits de manière collective qui permettra à la société de juguler le caractère dramatique de la pandémie et d’anticiper plus rationnellement la venue probable de nouveaux variants. Cela suppose humilité, écoute, pédagogie, détermination, vérité, transparence et responsabilité. Ce n’est pas un chemin simple. Mais cette crise ne peut être surmontée que dans la cohésion, pas en créant de nouvelles fractures.

Je suis vacciné et pour promouvoir le vaccin, mais en l’état des trop grandes atteintes aux libertés, des angoisses entretenues, et d’une méthode délétère, je suis opposé à ce projet de loi dit du “pass vaccinal”.

Des questions centrales telles que la vaccination des mineurs et la liberté de se déplacer font l’objet de toute mon attention.

J’en appelle encore une fois à la raison. Et en dehors de toute polémique politicienne liée en particulier aux présidentielles qui arrivent, j’invite à ce que nous prenions le chemin de l’éthique de vérité et de responsabilité. » •