Question à Maryline Taddei, présidente de Cambià Avà

« Nous posons un problème citoyen »

Marilyne Taddei, entourée de membres de l'association Cambià và
Pourquoi cette association ?

J’ai été accidentée le 7 novembre dernier et je suis restée trois mois paralysée sur un fauteuil roulant. Heureusement, mes amis m’ont soutenue et encouragée. De cet accident, nous avons décidé de monter une association, créée le 21 mars 2021 avec pour objectif principal la défense des victimes d’animaux en divagation dans les zones urbanisées.

 

Que vous est-il arrivé ?

Dans une ville qui compte pratiquement 50.000 habitants, je suis sortie de mon domicile, et je me suis faite agressée par un troupeau d’une vingtaine de bovins. Cet accident m’a laissé de nombreuses séquelles. Opérée à trois reprises, une fois en Corse et deux fois sur le Continent, ça va faire huit mois que je suis hospitalisée, je suis actuellement en hospitalisation de jour. J’ai été aux Molini durant deux mois, à la clinique Icos de Marseille durant une semaine, à la clinique Maymard durant 10 jours… j’en ai encore pour de nombreuses années pour pouvoir retrouver une vie normale. J’ai les ligaments broyés, les plateaux tibiaux broyés, je n’ai plus de cartilage. Je dois faire des greffes à Marseille, c’est très lourd. Je n’ai plus de vie ordinaire, je ne conduis plus, je ne peux plus faire mon ménage, je ne peux plus faire mes courses, mais je suis une chanceuse. Il y a eu des morts, il y a eu des blessés qui ont eu des dégâts très graves.

 

Comment arrivez-vous à vous en sortir ?

Ce qui m’est arrivé je l’ai transcendé en quelque chose de positif, parce qu’au départ j’avais la haine, je ne comprenais pas pourquoi ça m’est arrivé à moi, pourquoi je me suis retrouvée avec les deux genoux retournés dans l’impossibilité de marcher. Et puis mes amis m’ont relevée. J’ai bien sûr porté plainte, mais je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose de plus. Avec Cambià Avà, nous voulons d’abord recenser toutes les victimes de Corse, fédérer ces personnes autour de nous, afin de pouvoir les entendre, parce que lorsqu’on est dans ces situations on a besoin de parler, et il n’y a personne pour écouter.

 

Vous avez des contacts avec d’autres victimes ?

Dominique A. qui s’est fait encornée juste après moi, nous a montré ses cicatrices, 138 points. J’ai rencontré aussi Marie-Paule F. qui a été grièvement blessée au bras. Récemment encore un jeune de 20 ans est tombé à moto en plein Bastia, il y a énormément de victimes. Nous avons demandé les statistiques des décédés.

Aujourd’hui j’appelle toutes ces victimes et leurs familles à s’adresser à nous.

 

Vous faites appel aussi aux pouvoirs publics ?

Nous voulons faire cesser cette divagation animale. Pour cela nous sommes prêts à rencontrer toutes les personnes concernées, élus, responsables politiques, présidents d’organismes agricoles, éleveurs… nombreux sont les éleveurs vertueux qui nous ont contacté. Je dénonce l’inaction mais certains essaient d’agir. Nous interpellons toutes personnes désireuses de travailler pour trouver des solutions à cette problématique qui dure depuis des décennies, qui inquiète tout le monde, impacte tout le monde, mais que personne ne prend réellement à bras le corps. Il faut créer ce lien qui permet d’étudier ensemble différentes solutions durables.

 

Vous réfléchissez sur les raisons de cette divagation animale ?

Il y a des problèmes politiques énormes derrière tout ça que nous n’allons pas évoquer aujourd’hui. Nous ne sommes pas là pour résoudre ces problématiques. Nous venons poser un problème citoyen. Il faut que les agriculteurs qui reçoivent des aides fassent en sorte que leurs animaux ne soient pas en maltraitance. Il n’est pas question que ceux qui reçoivent des aides ne prennent pas soin de leurs animaux. Ce sont des discussions politiques que l’on abordera avec les responsables politiques, dans des ateliers, dans des tables-rondes et nous espérons être convoqués pour cela à la CdC rapidement, pour parler avec toutes les formations politiques.

 

Les animaux ne sont-ils pas aussi victimes ?

C’est une question qui me tient énormément à cœur. On nous met parfois en porte-à-faux avec les associations d’animaux. Nous dénonçons la maltraitance sur ces animaux qui ne sont ni nourris, ni abreuvés, qui errent dans toute la Corse à la recherche de nourriture. On vous dira ce sont des animaux sauvages qui agressent les hommes, mais ce n’est pas là la raison. Ces animaux ont besoin d’être parqués, nourris, soignés. Nous sommes respectueux de l’humain, en premier lieu, mais aussi des animaux, des pouvoirs publics, nous sommes ici pour tendre la main à tous ceux qui veulent bien travailler avec nous pour résoudre ce fléau et éviter qu’il n’y ait encore des morts.

 

Vous avez dit vouloir interpeller les candidats à la veille de l’élection territoriale ?

C’est vraiment très important et je parle en femme libre. Je demande à tous les candidats de toutes les formations politiques de Corse que comptent-ils faire contre ce fléau ? Ont-ils prévu quelque chose ? Est-ce qu’ils comptent remédier à cette problématique ? Car aujourd’hui c’est une problématique de sécurité citoyenne. Nous sommes tous des victimes potentielles. •

 

Lire ici l’appel lancé par Cambià Avà et le témoignage de Dumè Moneglia.

Lire ici l’article “En finir avec le fléau de la divagation animale”.