Viulenze

Monde de brutes

L’année 2021 s’est terminée avec un nouveau record de féminicides en France… 113 femmes assassinées dans des circonstances horribles (102 en 2020). Depuis plusieurs années, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint, de son compagnon ou ex-compagnon. Les mesures prises restent insuffisantes, le nombre de femmes victimes de violences physiques ou sexuelles est estimé à 220.000, alors que seulement 1200 ordonnances de protection ont été délivrées en 2021 et 379 bracelets anti-rapprochement posés. Le concept de femme-objet, cultivé dans notre société, est le principal responsable de ces drames épouvantables. Trop d’hommes se construisent depuis tout petit avec la certitude que la femme leur appartient, n’existe que pour leur seul plaisir, est à leur service et doit leur obéir. Même soumises, elles sont rabaissées, méprisées, maltraitées… plongées dans un enfer quotidien.

 

L’année 2022 a commencé d’une toute aussi horrible manière. Dès le premier janvier, trois féminicides étaient à déplorer. Quand donc sortirons-nous de ce monde de brutes ?

À Labry (Meurthe et Moselle), une femme de 56 ans a été assassinée de plusieurs coups de couteau par son compagnon qui a tenté de se suicider avant d’être interpellé par la police.

À Chacé (Maine et Loire), une jeune militaire de 27 ans a été tuée de plusieurs coups de couteau par son compagnon également militaire.

À Nice (Alpes Maritimes), une femme de 46 ans est morte sous les coups de son ex-mari qui s’est rendu à la police. Le corps a été découvert dans le coffre d’une voiture.

À Algrange (Moselle), le 31 décembre, l’année a bien failli se terminer par un nouveau meurtre. Une femme d’une vingtaine d’année et son fils de trois ans ont été grièvement blessés par arme à feu dans le salon de coiffure de celle-ci. Son ex-compagnon est suspecté. Il a tenté de se suicidé et son pronostic vital est engagé. L’enfant est entre la vie et la mort.

Les enfants sont le plus souvent tout autant victimes que leur maman de ces brutalités.

 

Toutes ces violences révélées ne sont que la partie la plus visible de ce fléau social. Nombre de victimes souffrent en silence de violences physiques mais aussi psychologiques, sexuelles ou sociales, elles meurent parfois par suicide ou épuisement, ou dans des morts suspectes non comptabilisées dans les macabres statistiques des violences faites aux femmes.

Pour le collectif NousToutes.org « le féminicide n’est que la partie visible d’un continuum de violences qui commence par les stéréotypes, les préjugés, les insultes, le harcèlement, les violences psychologiques, les coups et le viol… Ces violences découlent d’un système patriarcal qui banalise, minimise, voire encourage les violences sexistes et sexuelles. »

Aussi la réponse des pouvoirs publics ne peut être suffisante. 30 % des auteurs de féminicides ont déjà été condamnés pour des faits de violence, leur suivi est insuffisant, 29 % des plaintes ne sont pas transmises au procureur par la police, 80 % des plaintes sont classées sans suite. Même décalage concernant les violences sexuelles. 93.000 femmes sont victimes de viol ou tentative de viol chaque année. 9 sur 10 connaissent leur agresseur. Elles ne sont pourtant pas protégées des récidives.

Un homme violent comparaissant ce 3 janvier devant la Cour criminelle de l’Hérault pour avoir incité son ami, déficient mental, à violer sa femme, s’est vu confié la garde de leurs deux enfants ! Il comparait libre après avoir fait 6 mois de préventive. À Chacé, l’assassin de la jeune soldate avait déjà été visé par deux plaintes pour violence à l’encontre de la victime…

Ce 4 janvier, on apprenait qu’après le meurtre de Merignac en mai dernier, où Chahinez Daoud avait été brûlée vive malgré ses nombreuses plaintes, faute d’avoir été prévenue de la libération de son assassin, six policiers dont l’actuel Directeur départemental de la Sécurité publique font l’objet d’un Conseil disciplinaire suite au rapport de l’IGPN.

 

La lutte contre les violences faites aux femmes doit être une priorité de nos sociétés. Il faut adapter les lois, prévoir des mesures préventives plus fortes, comme la généralisation et le contrôle strict du bracelet électronique, la prise au sérieux et l’accompagnement des victimes, la formation des personnels de police à la compréhension des victimes et à la prévention des récidives, la constitution de corps d’intervention spécialisés. Ne plus laisser ces femmes seules face à leur bourreau. •

Fabiana Giovannini.

 

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