Ripressione

Maître Dupond-Moretti sera-t-il le prochain Nicolas Hulot du gouvernement ?

Sa nomination au Ministère de la Justice a suscité interrogations, critiques, mais surtout espoir en Corse car Maître Dupond-Moretti est avant tout connu comme l’avocat des acquitements, et l’avocat de dossiers de prisonniers politiques parmi les plus difficiles. C’est lui notamment qui a obtenu en 2006 l’acquitement de Jean Castela* condamné en première instance à 30 ans de réclusion alors qu’il était innocent. Il renforçait également la défense d’Yvan Colonna lors de son troisième procès qui s’est conclu toujours sur une condamnation à perpétuité mais cette fois sans peine incompressible, ce qui laisse toujours planer le doute sur sa culpabilité.

 

Le Garde des Sceaux aujourd’hui est dans un dilemme. Restera-t-il l’avocat épris du Droit, le décortiqueur des dossiers lourds pour y démontrer les incohérences et les scandales judiciaires en puissance, le coureur de fond des prétoires qui rejette tout renoncement d’emblée pour se faire l’avocat des causes perdues? Ou bien finira-t-il comme Nicolas Hulot, désabusé et impuissant face aux consignes politiques qui lui demandent de fermer les yeux au nom de la sacro-sainte République?

«Je ne veux plus me mentir»… «Je me suis surpris à des moments à abaisser mon seuil d’exigence» avait dit très amer Nicolas Hulot alors qu’il annonçait son départ du gouvernement au mois d’août 2018. «On s’évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques… Nous faisons des petits pas… mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse est non» avait-il expliqué, ajoutant, en parlant du Président de la République, «j’espère qu’il tirera les leçons. J’espère que ce geste sera utile, pour que chacun se pose la question de sa responsabilité.»
Malheureusement, Emmanuel Macron et son gouvernement n’ont tiré aucune leçon. Ce geste courageux et rare de la part d’un ministre fidèle à ses valeurs lui ont même valu les reproches d’une partie de l’opinion publique déçue, ou bien prompte à juger sans savoir. Nicolas Hulot avait pourtant parler de sa «souffrance», de sa solitude, du poids des lobbies, et, sans soutien politique du Président de la République, se sentant trahi, il avait conclu «c’est le moment d’arrêter».
Aujourd’hui, l’Histoire lui donne raison. Les bonnes résolutions de l’Accord de Paris, les travaux engagés avec la Convention Climat, les promesses et les discours restent sans suites concrètes et Emmanuel Macron joue les écolos sans faire de l’écologie véritable pendant que la situation climatique s’aggrave.
L’état de la planète exige une action offensive, une véritable révolution dans les mentalités. Chacun le sait. Surtout au niveau des décideurs. Mais les intérêts économiques continuent de s’imposer au détriment de l’avenir de l’humanité.

Avocat d’Yvan Colonna dont il a renforcé la défense lors de son troisième procès plaidant l’acquitement pour un homme qui a toujours et continue de crier son innocence, Maître Dupond-Moretti a préconisé la réforme du système judiciaire français, plaidant pour l’impartialité des juges, redonnant droit à la défense souvent baffouée dans des instructions à charge. Il a toujours défendu la séparation du judiciaire face au politique, et particulièrement au poids de l’Exécutif. Aujourd’hui, Ministre de la Justice, il n’est pas possible que ses convictions soient balayées et qu’il ne souffre pas de la décision prise par le Premier Ministre de lui ôter la prérogative du maintien ou non du statut de DPS. D’autant que c’est encore pour exercer une injustice lourde en refusant la levée de ce statut.
Les trois détenus politiques les plus honnis par la nomenclatura française ont droit à leur rapprochement, ont droit à leur remise en liberté conditionnelle, pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri depuis 2017, pour Yvan Colonna dès 2021. La levée du statut de DPS est une exigence pour autoriser leur rapprochement. C’est aussi une évidence, au vue de la situation dans l’île, de leur comportement exemplaire en prison, et surtout au vu de l’abus de pouvoir que représente l’application de ce statut pour une décision politique au service d’une vengeance d’État totalement contraire au droit.
La nomination de Maître Dupond-Moretti au Ministère de la Justice pouvait apparaître comme un signe d’appaisement avec Paris… depuis, hélas, elle apparaît de plus en plus comme un nouveau subterfuge d’Emmanuel Macron.
Le Garde des Sceaux sera-t-il le prochain Nicolas Hulot du gouvernement? •

Fabiana Giovannini.

* acquité en même temps que Vincent Andriuzzi qui était défendu par Me Patrick Maisonneuve.