Refus de la remise en liberté d’Alain Ferrandi

Une haine des Corses à perpétuité ?

« On place le peuple et les élus corses sous contrôle judiciaire. » Cette remarque de Maître Françoise Davideau, avocate d’Alain Ferrandi qui répondait ce dimanche à une interview de notre confrère Corse-Matin, suffit seule à résumer le sentiment et le fossé qu’inspirent cette affaire. Quand donc prendra fin cette haine des Corses de la part de l’État ?

 

L’octroi déjà tardif de la liberté conditionnelle pour Alain Ferrandi par le Tribunal d’application des peines, le 24 février dernier, a été contesté par le Parquet anti-terroriste et vient d’être rejeté par la Cour d’Appel. Cet acharnement à bafouer le droit concernant les membres du commando dit « Erignac » est insupportable et bloque inexorablement les relations avec Paris. Le gouvernement applique un traitement inique, indigne du pays dit « des droits de l’homme », parfaitement en infraction avec sa propre règle et toutes les législations internationales.

Après l’assassinat d’Yvan Colonna en prison, dans des circonstances atroces et troublantes, mettant en cause le système judiciaire et surtout le gouvernement par son obstination à ne pas vouloir lui accorder le droit au rapprochement qui l’aurait sans doute mis à l’abri de ce type de menace ; après l’appel du Parquet encore à l’encontre de la demande de mise en liberté de Pierre Alessandri ; cette décision de rejeter la demande d’Alain Ferrandi résonne comme une nouvelle agression. Yvan est mort, il n’a eu droit à aucune justice. Ni pendant son procès, ni pendant sa détention, ni après sa mort. Et l’État continue à bafouer le droit avec la situation judiciaire de Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Jusqu’à quand devrons nous supporter un tel traitement ?

 

24 ans d’emprisonnement, Alain Ferrandi, comme Pierre Alessandri, ont droit à la mise en liberté conditionnelle depuis quatre ans. Ils ont attendu avec leur famille la levée du statut de Détenu particulièrement signalé, et donc leur rapprochement, durant 20 années, alors qu’ils avaient droit à cette mesure depuis leur condamnation définitive en 2003. Cette levée du statut de DPS ne leur a été octroyée qu’après l’agression sauvage contre Yvan Colonna, les manifestations massives qui ont suivi, et la poussée de colère de toute une jeunesse. Le prétexte invoqué pour « trouble grave à l’ordre public » est tout aussi provocateur. « Nous parlons d’une décision à caractère politique prononcée par des institutions judiciaires, confie Maître Davideau à Corse-Matin dans son édition du 29 mai,  Alain Ferrandi, via ce rejet d’ordre strictement politique, se retrouve otage de discussions devant se dérouler avec le pouvoir central et de mouvements qui pourraient surgir en Corse du fait d’une impossible réconciliation entre l’État et les élus de l’île. Cela signifie que ces derniers et le peuple de Corse sont quasiment désignés comme responsables, pour cause d’émeutes, de la détention d’Alain Ferrandi. Et, donc, sont encouragés à se taire. Autant dire que c’est assez extravagant ».

« La décision délivrée par l’ordre judiciaire, qui se mêle des affaires de l’exécutif sans même que l’on sache quelle est la réelle position de l’exécutif à ce jour, a de quoi interpeller. En réalité, cette décision place clairement le peuple et les élus de Corse sous contrôle judiciaire au motif qu’être nationaliste serait un délit. Et que s’exprimer en serait un autre » poursuit Maître Davideau qui a formulé un pourvoi en Cour de cassation, et entendait également déposer une requête devant le Tribunal d’application des peines pour obtenir une mise en liberté conditionnelle sous le régime du bracelet électronique pour Alain Ferrandi. Malheureusement ce sont des procédures longues, encore, et qui aggrave la situation du détenu. Le témoignage de Maître Davideau sur le comportement du Parquet est significatif de la haine qui perdure dans ce dossier dont l’État ne parvient pas à guérir : « L’audience à laquelle j’ai plaidé était tout à fait ubuesque. J’ai eu l’impression de me retrouver dans des juridictions d’un mauvais Costa-Gavras ou dans un climat d’exception total. Avec un contradictoire non respecté, un avocat général vitupérant d’entrée, concluant ses réquisitions sur un ton sardonique en assurant que Borgu n’était pas une prison mais déjà une conditionnelle en soi. Et s’interrogeant à haute voix pour savoir si le détenu ne voulait pas en plus les félicitations du jury ». Chjìbba ! Que dire ? « 2 mars : Yvan Colonna assassiné en prison. 13 mai : Pierre Alessandri libéré par le tribunal mais maintenu en prison par un appel suspensif. 24 mai : Alain Ferrandi maintenu en prison par la Cour d’appel. ‘‘La vengeance déguisée en justice c’est notre plus affreuse grimace’’ F. Mauriac » a commenté le Président du Conseil Exécutif de Corse, Gilles Simeoni.

Cette obstination de l’État à entretenir le conflit ne peut produire rien de bon. •

ARRITTI.