Juliette Ponzevera, conseillère territoriale Femu a Corsica

« Créer les conditions d’un développement maitrisé, durable et serein »

Élue à l’Assemblée de Corse depuis 2015, Juliette Ponzevera est connue pour son implication dans le domaine social et auprès des jeunes. Elle a l’âme militante et s’est imposée à l’occasion des élections législatives de juin 2017 où elle suppléait Michel Castellani. Autant de tâches qu’elle assume avec sérieux et détermination. Interview.

 

Conseillère à l’Assemblée de Corse, votre sentiment après ces cinq années passées au coeur de l’institution majeure de Corse ?

Ces cinq années ont été très denses et m’ont beaucoup apporté aussi bien aux plans personnel et humain qu’au plan politique. J’ai eu l’honneur de travailler aux côtés d’élus expérimentés qui m’ont beaucoup appris. J’ai également découvert le monde institutionnel, notamment en participant depuis janvier 2018 à la mise en route de la nouvelle Collectivité de Corse, créée suite à la fusion des Conseils départementaux et de la Collectivité Territoriale de Corse. Globalement, je pense que depuis 2015 la Corse est entrée dans une nouvelle ère politique, en tournant définitivement le dos à un système dont elle n’a que trop souffert et en réaffirmant à plusieurs reprises sa volonté de placer l’équité, la transparence, l’éthique et la notion de projet au coeur des politiques publiques, en désignant des élus qui incarnent ces valeurs.

 

La Corse est plongée depuis trois mois dans une crise sans précédent. Votre ressenti sur la période ?

La crise sanitaire que nous connaissons est lourde de conséquences à de nombreux niveaux et sera suivie d’une crise économique et sociale importante que nous devrons surmonter collectivement. Cette période est également une opportunité dans de nombreux domaines et je me réjouis de voir des nouvelles solidarités se créer. Cette crise nous engage plus que jamais à repenser notre modèle de société, en travaillant au développement d’une agriculture de qualité et de production, à la mise en place de circuits courts, ainsi qu’à un tourisme durable et vertueux. J’ai aussi observé une réelle prise de conscience sur la question environnementale, celle-ci est plus que nécessaire pour bâtir la Corse que nous voulons. Enfin, je pense que cette crise a démontré que les solutions ne pouvaient venir que des territoires et non pas des bureaux parisiens. Les mesures mises en place par l’Etat en Corse ne sont pas à la hauteur et confirme la nécessité impérieuse de disposer au plus vite d’une autonomie législative, règlementaire et fiscale qui permettra de prendre en compte nos spécificités réelles, notamment aux plans géographique, économique et social.

 

Très impliquée dans votre région du Nebbiu, quelles actions avez-vous menées pendant l’épidémie ?

Pendant cette période de crise, j’ai été très sollicitée en tant qu’élue territoriale pour répondre à des urgences sociales et économiques.

J’ai orienté et accompagné de nombreux habitants et professionnels du Nebbiu et de la Conca d’Oru dans leurs démarches administratives, à travers notamment la présentation des dispositifs d’aides de la Collectivité de Corse, comme le dispositif Aiutu in Casa, s’inscrivant dans le plan Vince contr’à u Covid-19 du Conseil exécutif de Corse. J’ai aussi effectué plusieurs visites au centre Covid d’Olettta, dans les EHPAD, au centre de secours et d’incendie de San Fiurenzu et auprès des professionnels de santé du territoire. Je tiens à saluer tous ceux qui dans ma région et partout en Corse ont été en première ligne durant les semaines difficiles que nous venons de vivre.

Au-delà de mon mandat d’élue territoriale, j’ai aussi travaillé en lien étroit avec le député Michel Castellani, dont je suis la suppléante, en sollicitant l’avis des acteurs économiques, sociaux, agricoles, culturels et associatifs du territoire sur les mesures à mettre en oeuvre, afin que les propositions et positions de nos députés à Paris collent au mieux aux besoins, aux attentes et à la réalité du terrain.

 

Vous avez tenté l’aventure municipale, comment avez-vous vécu cette expérience ?

Je remercie bien sûr mes colistiers et soutiens pour leur engagement sans faille à mes côtés, ainsi que les électeurs qui nous ont accordé leur confiance et qui ont validé notre projet. Je suis très fière d’avoir présenté une candidature féminine dans un territoire où la place des femmes en politique ne va pas de soi, particulièrement dans les communes où la parité n’est pas une obligation. San Fiurenzu était privé d’opposition depuis de nombreuses années, aujourd’hui en proposant une alternative crédible, nous avons fait vivre la démocratie dans notre village et c’est déjà une première victoire. Nous avons désormais un groupe d’opposition qui défendra sa vision de San Fiurenzu et l’intérêt général.

Notre groupe s’inscrit véritablement dans une logique d’opposition constructive en étant force de proposition. Nous avons d’ailleurs pu le démontrer en mettant au débat du prochain conseil municipal des mesures concrètes qui pourront permettre de relancer l’activité économique et touristique, et répondre ainsi de manière efficace aux attentes des artisans, des commerçants et des professionnels du tourisme de San Fiurenzu.

Votre regard d’élue sur la suite ?

Nous vivons une période particulière qui appelle plus que jamais à la solidarité et à la défense de l’intérêt général. Beaucoup de chantiers ont déjà été engagés mais le chemin est encore long. Nous sommes désormais à l’heure des choix de société, de nombreux documents stratégiques pour la Corse seront bientôt révisés et l’État devra lui aussi se positionner réellement. De notre côté, je suis certaine que nous ne raterons pas ce virage essentiel. Par ailleurs, je ne peux que déplorer l’attitude recentralisatrice du gouvernement qui est aux antipodes de notre projet politique pour la Corse. Il est indispensable que notre Île ne soit plus considérée par le gouvernement français comme un territoire métropolitain lambda, afin d’entamer un véritable dialogue qui permettrait d’aboutir à une nouvelle avancée institutionnelle majeure et de sortir définitivement par le haut de cette situation de blocage autour de la question Corse. Cela permettra, d’une part, de prendre en compte les aspirations d’émancipation du peuple Corse, exprimées de manière démocratique, et d’autre part, de créer enfin les conditions d’un développement maitrisé, durable et serein de notre territoire.