Collecte séparée des déchets alimentaires

L’excellence milanaise !

Seconde ville la plus importante d’Italie après Rome, 1,4M d’habitants, une densité de population de 7500 habitants au km2, plus de 80 % de la population résidant dans des immeubles collectifs type HLM, et quelques 700.000 touristes qui fréquentaient chaque année la ville, Milan cumulait les difficultés pour installer le tri des biodéchets. Et pourtant, c’est le choix politique qui a été fait en 2011. 10 ans plus tard, la ville est une référence mondiale en matière de collecte des déchets alimentaires : 110 kgs de biodéchets par an et par habitant, un taux global de déchets collectés de 62,6 % et 9000 tonnes de C02 économisé !

 

Aucune politique de lutte contre le réchauffement climatique ne peut se passer d’un traitement des ordures qui tend vers le zéro déchet. En finir avec l’incinération ou la mise en décharge passe obligatoirement par une politique de réduction à la source et de collecte séparée. L’Europe est très en retard. Aussi, elle a rendu obligatoire la collecte et le traitement des biodéchets à partir du 1er janvier 2024. Il est donc grand temps de s’y mettre !

Des exemples phares, notamment en Italie, démontrent que c’est possible.

 

En 2011, Milan recycle 35 % de ses déchets et seulement 28 kgs de biodéchets par habitant. Pour progresser, la ville décide de réorganiser la collecte des biodéchets, pour un traitement en compostage et méthanisation. Le moins que l’on puisse dire c’est que la société responsable de la collecte et du nettoyage des rues (AMSA) n’a pas chômé ! Elle planifie la mise en œuvre de la collecte en quatre secteurs de 320.000 habitants, et démarre progressivement en novembre 2012. En 18 mois, tous les foyers de la ville sont couverts ! En 2017, elle étend la collecte aux marchés et couvre les 94 marchés de la ville dès 2018. En 2019, 2000 tonnes de déchets alimentaires issus des marchés ont été compostés et le tri des déchets à presque doublé. Comment ?

 

Une très large et continue campagne d’information et de formation des usagers a été conduite, sur plusieurs supports, logo, slogans, dépliants, application gratuite pour smartphone, site internet, mobilisation de la presse, réunions publiques, courriers, et même un numéro gratuit à la disposition des habitants. « La collecte sélective est obligatoire » explique l’AMSA, « et pour encourager les citoyens réticents, on a mis en place un mécanisme d’amendes visant à diminuer la contamination et à maximiser le recyclage. Une équipe d’inspecteurs spécialisés effectuent des vérifications visuelles rapides sur un vaste échantillon d’immeubles le matin tôt, une heure avant la collecte. Ils appliquent des amendes s’ils constatent la présence d’impuretés comme le plastique. Des actions de sensibilisation sont menées dans les secteurs où la qualité des déchets collectés est inférieure à la moyenne. »

 

Pour les ménages, un bac spécial de 10 litres (avec système de ventilation pour maîtriser les odeurs) est fourni à chaque ménage, avec un rouleau de sacs compostables, les usagers pouvant se fournir ensuite dans les supermarchés (l’Italie interdit les sacs plastiques). Chaque immeuble dispose d’un bac de 120 litres. Les gardiens d’immeubles sont chargés de les sortir deux fois par semaine sur le trottoir pour que les gens y déposent leur sac. Un véhicule mono-opérateur alimenté au biodiésel ou au méthane assure l’enlèvement des sacs très tôt le matin pour ne pas déranger la circulation dans la journée.

En banlieue, les véhicules sont plus grand avec un système de compactage.

 

Pour les activités commerciales, cantines, bars et restaurants, la collecte se fait avec fourniture de bacs de 120 litres et enlèvement quotidien du lundi au dimanche.

 

Pour les marchés, des sacs compostables spéciaux sont fournis et l’enlèvement se fait à la fermeture du marché.

Pour chaque public, les déchets sont inspectés puis transportés vers deux stations de transfert avant d’être envoyés le même jour à l’usine de traitement de Montello où ils sont triés, déchiquetés et transformés en compost. L’usine qui peut traiter jusqu’à 200.000 tonnes de déchets, produit du biogaz et du compost en les mêlant aux déchets verts de la ville. En 2020 elle a traité 130.000 tonnes de biodéchets, produit 11,2M de m3 de biogaz (utilisables par les véhicules de collecte) et 26.000 tonnes de compost (dont 20 % distribués gratuitement aux ménages ou aux agriculteurs, le reste étant vendu).

 

Résultats : la collecte des biodéchets est passée de 28 à 95 kgs par habitant en 2015 pour atteindre 110 kgs en 2019, près de six fois la moyenne de l’Union Européenne (18,84 kgs) !

Avec moins de 5 % de taux d’impuretés, la qualité du tri est très satisfaisante, entraîne moins de manipulation en aval, et produit un bon compost utilisable pour la production bio !

« Ce système a contribué à détourner de grandes quantités de déchets alimentaires des sites d’enfouissement ou de l’incinération, réduisant les frais d’élimination de la ville… Entre 2011 et 2019, 94.000 tonnes de déchets alimentaires ont été détournées de l’élimination soit une économie de 30 euros par tonnes » explique l’AMSA : 282.000 € d’économie pour la ville !

« Les résultats montrent non seulement qu’avec un plan bien conçu, un taux de collecte élevé peut-être atteint dans une ville densément peuplée, mais aussi qu’en se concentrant sur le gaspillage alimentaire, l’ensemble du système de gestion des déchets bénéficie des résultats. En effet, après la mise en place du système de gestion des déchets alimentaires, la collecte séparée a rapidement dépassé les objectifs de recyclage de 50 % fixée par l’Union européenne en 2020 pour atteindre 62,6 % en 2019. Un tel système a entraîné des économies et d’excellents résultats environnementaux. »

Milan en quatre ans l’a fait, avec tant d’autres villes ou régions européennes, franchement, pourquoi pas nous ? •

Fabiana Giovannini.

 

Sources : Zéro Waste Europe, étude de cas réalisée avec le soutien d’AMSA. Octobre 2021.