Ecunumìa

« Contribuer au débat économique de la Corse »

Jean-Toussaint Battestini, étudiant en économie à l’Université Paris Dauphine, nous présente Kyrn’Economics, un nouveau blog dédié à la production d’articles sur l’économie de la Corse dont le lancement est prévu pour janvier 2022. Entretien.

 

Comment avez-vous eu l’idée d’un blog sur l’économie corse ?

L’idée d’un blog spécialisé sur l’économie de la Corse date du début de mon entrée à l’université. L’idée s’est ensuite développée au fur et à mesure de l’avancement dans mon parcours universitaire. Avec les années, mon collègue et moi avons acquis des compétences en économie et nous nous sommes dit qu’il serait dommage de ne pas mettre à profit ce que nous avons appris sur les bancs de l’université pour contribuer, à notre modeste échelle, au débat économique et à l’avancement des questions et les débats en lien avec l’économie de la Corse. C’est donc un travail réfléchi sur plusieurs mois à la fois sur les sujets que nous voulons aborder ainsi que la façon de les aborder. En réalité, quand on pense à la Corse, il y a beaucoup à dire, aussi bien sur l’économie des transports que sur l’analyse de l’activité touristique. On peut aussi penser à approfondir certaines propositions économiques formulées par le personnel politique insulaire. Par exemple, la question du statut de résident a toujours été abordée du point de vue juridique. Kyrn’Economics veut aller plus loin et étudier économiquement la faisabilité et les effets micro-économiques d’une telle proposition sur le prix du foncier, sur les mécanismes d’ajustement et sur l’efficacité du statut de résident à l’étranger. En bref, avec Kyrn’Economics, nous voulons participer à la vulgarisation des questions économiques propres à la Corse, et alimenter le débat sur le développement économique de la Corse.

 

Comment fonctionnera Kyrn’Economics ?

Kyrn’Economics essayera de publier 2 à 3 fois dans le mois des articles sur divers thèmes en lien avec l’économie de la Corse. Nos articles traitent et traiteront principalement des questions économiques de fond comme les conséquences du vieillissement de la population corse, le problème de manque de concurrence économique, le rôle de la Corse dans l’intégration économique européenne.

Sur la méthode, nous voulons avoir une approche semi-académique à la fois en nous référant à la littérature scientifique et en faisant appel à la théorie économique.  L’économie, ce n’est pas que de la théorie, nous voulons aussi faire appel aux logiciels de traitement de données pour étayer nos propos. Notre valeur ajoutée, c’est à la fois de synthétiser les résultats de la littérature académique d’économie qui peuvent se ramener à la situation de la Corse et analyser les données existantes sur la Corse pour présenter certains faits stylisés sur l’économie insulaire.

Avant publication, nous faisons appliquons à notre échelle le peer-reviewing, c’est-à-dire la méthode qui consiste à faire relire sa production écrite par un pair pour vérifier qu’il n’y a pas de contre-sens ou de problème de fond qui nécessiterait de retravailler l’article en question. C’est donc une question de rigueur mais aussi pour assurer la qualité de nos articles.

Aussi, tous nos articles seront aussi bien publiés en français qu’en italien.

 

Pourquoi ces deux langues ?

Nous avons choisi de publier nos articles dans ces deux langues car nous estimons qu’il est important de pouvoir ouvrir le débat économique Corse à notre voisin le plus proche après la France continentale, qui est l’Italie. Nous partageons certains enjeux de développement économique, je pense à la question de la régulation du tourisme de masse, au soutien des petites et très petites entreprises qui sont souvent des entreprises familiales comme en Italie, mais je pense aussi à la Sardaigne qui se situe à 12 km de Bonifacio et avec laquelle nous essayons de construire des liens économiques et culturels plus fort qu’aujourd’hui. Nous estimons que parler de sujets économiques de fond et pouvoir s’adresser à ce potentiel lectorat peut permettre de créer des ponts entre la Corse et l’Italie. Nous envisageons aussi de publier une traduction en corse des articles de Kyrn’Economics sur le site de la Rivista Tempi. Les traductions seront disponibles d’ici à mars sur le site de la revue. Enfin, nous envisageons une fois que Kyrn’Economics sera bien amorcé de faire en parallèle des activités de production d’articles une veille économique qui pourrait profiter à la fois aux pouvoirs publics mais aussi aux entreprises insulaires qui n’ont pas forcément le temps ou l’énergie de dédier leur temps à des activités de veille économique.

 

Quel en est le but ?

Le but de Kyrn’Economics est clair. L’usage de données, la référence à des travaux scientifiques publiés et validés par les pairs et la présentation de toutes les sources utilisées, intégrés dans des contenus relativement courts doivent permettre au politique, au chercheur, au citoyen, de vérifier aisément nos propos et s’il veut y apporter une contradiction, de le faire sur le terrain des idées. L’entrée par la science économique, motivée par la nécessité d’une approche scientifique et rationnelle du développement économique insulaire, nous semble être une solution qui, sans être optimale présente l’avantage de mettre à distance les oppositions de principe et les idées préconçues. On entend souvent quand on parle de l’économie de la Corse que « en Corse, il n’y a rien à faire » ou bien « en dehors du tourisme, on ne peut pas développer quelque chose ici ». Il est clair qu’on ne va pas devenir une puissance industrielle ou agricole dans les 20 ans. En revanche, il est possible d’explorer des pistes qui permettent de dépasser le triptyque Fonction publique-Tourisme.

 

Quels seront les sujets des premiers articles ?

Le lancement de Kyrn’Economics est prévu pour début janvier, pour profiter du début de la nouvelle année pour nous faire entendre. Actuellement, nous avons déjà écrit 10 articles qui sont en cours de relecture et de traduction et qui devraient être publiés successivement d’ici janvier. Plusieurs thèmes seront abordés comme l’économie des transports, l’économie sociale et solidaire, la question de la production de statistiques en Corse, le statut de résident et l’accessibilité aux services de proximité pour les Corses. L’idée est de proposer dès le lancement de notre revue un contenu assez large pour pouvoir attirer l’attention d’un maximum de personnes et les fidéliser.

 

Est-ce que ce blog a une vocation de think tank pour les pouvoirs publics insulaires ?

Si Kyrn’Economics tient à rester une initiative non-partisane, nous ne sommes pas pour autant a-politique, puisque notre présence dans le débat public, bien qu’on souhaite y apporter des éléments scientifiques, est par essence politique. Cependant, Kyrn’Economics n’est affiliée à aucun parti politique et ne répond pas des logiques des cycles électoraux. On tient à notre indépendance car ça nous permet de parler à tous, au-delà du clivage politique. En revanche, il est vrai qu’avec cette initiative nous espérons atteindre les pouvoirs publics insulaires que ce soit au niveau communal, intercommunal et régional pour que nos productions servent au personnel public pour enrichir certaines propositions en lien avec le développement économique de la Corse. C’est dans ce sens où nous avons des allures de think tank. Kyrn’Economics reste à disposition des pouvoirs publics pour travailler ensemble à l’analyse des faits économiques insulaires. •

Propos recueillis par Pauline Boutet-Santelli.