Cap'artìculu

À l’heure du réchauffement climatique

par François Alfonsi

 

En matière de réchauffement climatique, les scénarios anticipés deviennent les cauchemars actuels. Les deux méga-feux qui dévastent aujourd’hui la forêt de pins des Landes évoquent ceux qui l’an dernier ont sévi en Grèce, en Sardaigne, en Anatolie, en Croatie, dans le Var ou en Kabylie. Et nous ne sommes qu’au début de l’été, alors que la sécheresse fait rage, épuise la végétation et assèche les cours d’eau.

 

 

Ce que les incendies réalisent dans le sud de l’Europe, la fonte des glaces l’accomplit dans les plus hautes montagnes et dans le grand Nord, où les glaciers s’effondrent ou disparaissent. Puis, phénomène proportionnel à la surchauffe des mers durant l’été, les épisodes orageux s’annoncent à nouveau dévastateurs pour cet automne. L’engrenage destructeur du réchauffement climatique est à l’œuvre au vu et au su désormais de tous ceux qui ouvrent un tant soit peu les yeux.

En Corse, chacun retient son souffle et la crainte est bien là. Les vagues de chaleur les plus brûlantes nous ont jusqu’à présent épargné mais, inévitablement, une d’entre elles nous touchera prochainement. Face à ces phénomènes extrêmes, la montée en puissance des moyens de prévention et de lutte est manifestement débordée. Dans les Landes, immense forêt quadrillée de pare-feu, équipée de nombreux point d’eau, on observe impuissants à la progression des flammes qui se propagent par-dessus les trouées censées les arrêter.

La forêt corse est bien loin d’un tel niveau de prévention. Son étage inférieur de pins maritimes est envahi par le maquis. La mémoire de certains grands incendies, à Calinzana-Bunifatu, Aullène-Valle Malla ou Ghisoni est encore vive de vallons entiers envahis par les flammes. Les efforts des dernières décennies ont conduit à des progrès réels, dont les bilans annuels attestent. Mais chacun sent bien que les conditions extrêmes qui s’annoncent risquent de tout remettre en question.

 

Après la déprise agricole qui a rendu l’essentiel du territoire rural vulnérable aux incendies, la déprise forestière a suivi, réduisant la filière sylvicole à quelques entreprises résiduelles et ramenant l’exploitation forestière à quelques milliers de tonnes alimentant pour l’essentiel une filière énergie-bois elle-même en stagnation. Pourtant les énergies renouvelables sont le moyen numéro un pour lutter contre le réchauffement climatique, et la Corse peine à mettre en œuvre ce qui a été affiché comme sa priorité politique depuis plusieurs « plans » décidés successivement par l’Assemblée de Corse.

Mais pas une éolienne n’est sortie de terre depuis trente ans ; l’énergie solaire a progressé mais sans atteindre son potentiel qui dans l’île est très important. Les dispositifs prévus pour la rénovation énergétique des bâtiments sont insuffisants, et le carcan des normes non adaptées à l’île tue dans l’œuf bien des projets, notamment par la mise à l’écart des entreprises locales qui ne peuvent faire face à la surenchère de certifications dont la pertinence dans un marché de 300.000 habitants est inexistante.

Il faut faire le bilan de ces carences. Il permettra au passage de démontrer à quel point l’absence d’autonomie, y compris réglementaire, entrave notre fonctionnement.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre : cette priorité doit devenir une obsession, un marqueur de toute politique publique, en Corse comme ailleurs, et en Corse même plus qu’ailleurs.

L’accélération des phénomènes climatiques ne nous laisse pas le choix. •