Territoriales en Corse, Présidentielle en France

Quelle sera la nouvelle donne ?

L’élection d’Emmanuel Macron à la tête de l’État il y a quatre ans, puis la réélection triomphale de Gilles Simeoni à la tête de la Collectivité de Corse quelques mois plus tard, ont installé une situation politique difficile pour la Corse. Face à l’Exécutif nationaliste, l’État a opposé une fermeture complète. Dans un an il y aura une nouvelle donne, en Corse comme à Paris, qui durera tout le long de la mandature du futur Président de la République. Comment faire pour que cette nouvelle donne soit favorable au peuple corse et à son destin collectif ?

 

Le premier préalable se trouve bien sûr ici en Corse. Quelles que soient les complications entre partis et tendances, qui se traduiront probablement par plusieurs listes au premier tour, il y aura au terme de la campagne électorale qui débute, au moment du vote final de second tour, deux options proposées au choix du peuple corse : continuer sur la voie de l’émancipation, ou bien revenir dans le giron de la normalité hexagonale. Deux candidats symboliseront cet affrontement, Gilles Simeoni et Laurent Marcangeli.

L’État a ouvertement choisi son camp. Mais les récentes gesticulations répressives du Préfet Lelarge à Portu résonnent comme une fin de cycle pour une gouvernance autiste qui n’entend rien aux réalités de la Corse. Rarement depuis Bernard Bonnet un Préfet n’aura autant symbolisé la rupture entre la Corse et l’État. Même Josiane Chevalier avait en son temps montré davantage de sensibilité au contexte local, notamment dans ce dossier dérisoire de Portu. C’est dire ! En fin de carrière, le préfet Lelarge repartira sans laisser de regrets. Visiblement il n’était pas venu en Corse pour ça, et sa feuille de route élyséenne ne lui demandait pas autre chose.

Déjà, le résultat de l’élection de juin provoquera une première conséquence : son rapide départ si Gilles Simeoni est réélu, la poursuite de sa gouvernance orientée au profit de Laurent Marcangeli s’il réussissait à le faire élire à coups de subventions et de ministres en mission propagandiste comme Marlène Schiappa l’autre jour à Bonifaziu, venue s’assurer du ralliement de Jean Charles Orsucci au second tour. Aux Corses de le comprendre, et de voter en conséquence ! Car les résultats de juin auront un grand impact sur le processus historique d’émancipation du Peuple Corse engagé depuis plus d’un demi-siècle.

Au plan hexagonal, dès cet automne, la campagne des Présidentielles sera lancée et la France rentrera dans son rituel rendez-vous démocratique, le seul qui existe vraiment tant la fonction de Chef de l’État écrase toutes les autres dans ce pays plus jacobin que jamais. La France est le seul pays d’Europe où la verticalité du pouvoir est aussi forte, pour gérer les gestes barrière des citoyens face à la pandémie comme pour décider de toute subvention auprès de la moindre intercommunalité par préfet interposé. Rien n’échappe au contrôle des jacobins qui règnent dans les couloirs du pouvoir étatique. Le vote de la loi Molac à l’Assemblée Nationale a été l’exception qui confirme la règle, mais l’État garde encore une carte décisive dans sa manche car il peut en faire traîner les décrets d’application à son bon vouloir. Autant dire qu’avec Jean Michel Blanquer, qui s’est opposé mordicus à ce texte voté par une très large majorité de sénateurs et de députés, ce n’est pas demain la veille !

Il nous faut donc espérer une gouvernance autre à Paris, qui revienne aux principes de dialogue promus en leur temps par François Mitterrand ou Michel Rocard : élargissement des compétences du statut particulier dans une démarche vers l’autonomie, résistance aux censures du Conseil Constitutionnel pour favoriser la reconnaissance du Peuple Corse, mesures d’apaisement sur les prisonniers politiques, etc.

On ne peut donc se désintéresser tout à fait de l’issue finale du scrutin présidentiel. Pour l’instant c’est le brouillard le plus total sur les candidats et leurs programmes, à l’exception des deux actuels favoris des sondages, Marine Le Pen, farouchement bleu-blanc-rouge et tenante d’un régime autoritaire à la birmane, ou Emmanuel Macron dont on mesure désormais le bilan après ses cinq années au pouvoir.

Un(e) troisième homme ou femme sortira-t-il (elle) du paysage politique français à la faveur de la campagne électorale ? Manifestement, comme les sondages l’indiquent régulièrement, les français ne sont pas enclins à jouer un « match-retour » Le Pen-Macron cinq ans plus tard. Il nous faut donc observer et voir. Il y aura peut-être un chemin possible pour une troisième voie, qu’il faudra alors encourager dans l’intérêt de la Corse, sans céder aux promesses sans lendemain d’un quelconque « pacte girondin » purement électoraliste.

Car une situation de dialogue politique réel entre l’État, la Corse et l’Europe sur plusieurs années serait sans nul doute la meilleure option pour l’avenir du peuple corse.

Acte 1 de cette nouvelle séquence : la réélection de Gilles Simeoni et d’une majorité nationaliste le 27 juin prochain.

Forza ! •