Peuple Corse

Après les urnes électoralistes, des urnes funéraires ?

par Max Simeoni
La campagne électorale a d’ores et déjà débuté. Les débris des partis traditionnels ont commencé à se regrouper. La Droite a son leader, Laurent Marcangeli. Il espère battre la majorité « absolue » des nationalistes et les remplacer à la tête de la CdC. La Gauche est moins souriante, elle est à la recherche d’une formation de combat dans l’offensive générale anti natios du début de l’été. Core in Fronte aura sa liste conduite par PF. Benedetti au premier tour, tour qui fera office de primaire pour tous les acteurs à un second tour qui paraît certain. En effet, des résultats dépendront les possibilités des regroupements nécessaires pour gagner l’élection au deuxième tour avec l’apport ou non d’un éventuel groupe charnière nouveau.

 

Première leçon selon moi, si les partis traditionnels éclatés, et laminés par l’irruption des natios ont du mal à recoller chacun leurs morceaux, leurs dirigeants et les militants sont boostés par l’impérieuse nécessité d’avoir à combattre cette majorité pour avoir un avenir ou rester quantité négligeable. Ils sont prêts à toutes les contorsions pour survivre. S’ils renoncent d’autres prendraient place… sur leurs dos

Les natios ont le problème d’une coalition à reconduire. Le scénario de 2017 pour l’élection de l’Assemblée unique avec la suppression des Conseils départementaux (ex-Conseils Généraux) a changé. En raison de cet échelon de « proximité » qui a disparu, le vide a été comblé par les Communautés de Communes (les ComCom), la raison invoquée étant de voir les Maires discuter ensemble dans chacune des Régions de leurs problèmes. Mais les investissements ou les priorités ne sont pas perçus de même façon par une petite commune ou une grande plus peuplée, par celle qui est en montagne ou sur le littoral. Le poids démographique des villes fera le pouvoir politique. Cab et Capa puis Portivechju, Bonifaziu, Calvi, Isula Rossa, Ghisonaccia et les bourgades du piedmont.

Autrement dit, 7 ou 8 ComCom remplaçant deux ex-Conseils généraux dans la même logique, je dirais du clientélisme, pour accéder à un mandat parlementaire à Paris.

 

Les natios sont perturbés et perplexes. Ils ont plusieurs problèmes. Le maintien tel quel de la coalition de 2017 est difficile. Il faudrait faire une ouverture un peu plus large. Dans ce cas, le problème du rang sur la liste devient plus aiguë. Ceux déjà élus vont-ils céder du rang pour accueillir les nouveaux venus ? Et la parité homme/femmes ne facilite pas le dosage.

Faire des primaires au premier tour peut donner des migraines à ceux qui craignent la barre des 5 ou 7 % à franchir pour le second tour. Le front Droite ou Gauche contre les natios indispensable dans l’immédiat pour les deux courants est en marche avec l’appui du pouvoir de l’État républicain. Le préfet actuel joue à fond l’éviction des natios du pouvoir local. Il le dit carrément même quand il dit vouloir discuter avec l’Exécutif local, avec Gilles Simeoni. Tarif résident ? Il déclare qu’il est ici chez lui comme tous ceux qui y demeurent. Non, il y est en service commandé. Un préfet, il l’a dit par ailleurs, ne reste que deux ans. Exact, il est au service d’un État jacobin qui le déplace comme un pion pour son seul besoin. Pasqua ministre avait dit à haute voix qu’un préfet est là pour faire ce qu’on lui dit de faire.

 

Cet engagement préfectoral sans ambiguïté est un signal clair. Le préfet va au charbon. Il encourage les maires. La venue récemment du Président Macron   à la Conférence des États européens de Méditerranée à Aiacciu et le saut sur sa lancée à Bonifaziu pour une venue du ministre du tourisme a été suivie d’une pluie de millions pour améliorer les infrastructures. « Le téléphérique est un signe de modernité » dixit préfet ! Il se taira peut-être au premier jour de la campagne officielle, c’est à dire 15 jours avant le scrutin.

Cette agitation aggravée par le Covid19 perturbe le jeu de tous les acteurs. La campagne a débuté par le haut où deux camps s’affrontent : L. Marcangeli et le pouvoir jacobin de l’État face à une coalition nationaliste mal soudée. Le cas de figure qui s’impose à tous les compétiteurs, celui de chacun d’avoir à mobiliser le maximum d’électeurs et de trouver des appuis dans son Parti. Il y a un front externe et une bataille interne. Le charisme aura sans doute peu d’occasions de se manifester. Pas de meetings d’importance, pas de salles pleines à craquer, peu d’estrades, poignées de mains et accolades interdites, pas de tapes sur le dos, la distanciation étant de rigueur…

 

Des journaux, des tracts, des affichages certes, mais internet surtout.

Internet est un moyen impossible à contrôler. Il diffuse partout informations, désinformations, intox, manips, canulars caricatures, sans filtres, à la vitesse de la lumière sans laisser le temps de réfléchir. Le virus gêne pour ne pas dire empêche les conditions d’un vrai débat démocratique. Il va falloir être imaginatif et créatif pour se faire comprendre par suffisamment de citoyens.

Dans une situation normale, les autonomistes regroupés en 2017 dans les six mois après leur congrès de Corti pouvaient devenir l’organisation donnant des garanties de démocratie à toutes les tendances natios, n’ayant plus le problème de la lutte clandestine du FLNC. Toute avancée de la démocratie est une chance de plus pour la cause commune du Peuple Corse. Mais l’erreur a été pour tous les natios grisés par leur victoire électorale de verser dans un électoralisme qui les a stérilisés.

 

C’est pourtant clair. La priorité pour le sauvetage de notre Peuple est d’obtenir sa reconnaissance légale et des moyens pour le sauver, donc l’Autonomie interne pour légiférer et adapter les lois de Paris et les directives de Bruxelles, ou pour tenir le coup devant la mondialisation financière. C’est clair que les statuts particuliers accordés jusqu’à nos jours ne permettent pas de modifications structurelles, mais donnent des pouvoirs de gestion dans un cadre imposé et donc mettent les natios dans l’usure accélérée.

Ils ne font que gérer une situation de dépendance totale que les plus de 30 % du PIB du tout tourisme éclaire sans contestation possible. Ce genre de tourisme voulu par l’État jacobin colonialiste, le Schéma d’Aménagement de la Corse pour la période de 1971 à 1984 a été conçu après le rapport secret de l’Hudson Institut en 1971 à la demande de la Datar. Il s’agissait de rentabiliser l’île négligée jusqu’à la fin de l’Empire colonial (Accord d’Evian en 1962, l’île vidée ne comptait que 160.000 habitants), par un tourisme massif et l’arrivée d’allogènes ce qui se poursuit allègrement. En fait on cautionne un statut mortel par l’électoralisme seul.

Pour le sauver, la priorité exige la reconnaissance de ce Peuple, de ses droits et les moyens de sortir de la dépendance coloniale pour maîtriser au mieux en temps réel son destin.

On n’a que faire des excitations de listes autour d’urnes funéraires.

Il faut dès que possible une organisation au sein du Peuple pour le but d’urgence historique. Pour le moment la transe électoraliste ne le permet pas, elle retarde. Reste à espérer qu’elle ne précède pas la fin de vie. Allez voter mais en pensant à l’essentiel qui reste à faire. •