Dialogue avec l’État

Démocratie et peuple corse sont indissociables

Max Simeoni
par Max Simeoni
On pourrait écrire un article, semaine après semaine dans ARRITTI, sur un sujet qui ne trouve pas de porte de sortie : la rencontre du ministre de l’Intérieur et des élus Corses. Je l’ai comparée à un jeu de yo-yo. Monte et descend et pirouette en l’air ! De véritables jongleurs.

 

 

En premier, la piste du cirque Mitterrand-Defferre pour l’inauguration un peu bâclée essuyant les plâtres. Puis celle de Joxe sur laquelle j’ai fait figurer le terme de « peuple corse » dans les attendus introductifs. Celle de Jospin inachevée pour cause d’élections générales, et celle qui est en cours de Cazeneuve qui a vu la suppression des conseils départementaux (ex-conseils généraux). Les clans perdant ainsi leurs corsets qui leur tenaient la taille haute !

L’arrivée récente et rapide des nationalistes corses avec une majorité « absolue » à la CdC est un renversement complet surprenant de la représentation politique de l’échiquier politique local.

 

Certes il y a le paramètre personnel de Gilles Simeoni, avocat homme rodé aux prétoires, aux règlements bien définis. Il hérite aussi du rayonnement populaire d’Edmond son père. S’il a été l’homme d’un rassemblement large, au-delà de la famille nationaliste, il le doit à un de ces tremblement souterrain non perceptible de toute la construction de l’État français jacobin qui ayant perdu son Empire colonial est confronté à une Europe à construire. Un nouvel horizon.

Les dirigeants ont choisi de mettre en premier les pierres d’une Europe économique (charbon/acier, énergie, etc.). Le temps d’y voir plus clairement la situation aux régions frontières et des peuples qui la chevauchent en vue de l’Europe politique en perspective plus rapprochée, et des ressources en énergie dont elle pourrait disposer.

Quant à la Corse, un réservoir d’hommes pour l’Empire colonial et les guerres meurtrières intra-européennes, non développée. Un siècle de loi Douanière (1818-1913), « belle », vidée, elle est destinée par Paris à un tourisme massif, capable de faire rentrer des devises, la monnaie unique, l’Euro, ne verra le jour qu’en l’an 2.000. L’Espagne (hôtel Comprador), l’Italie (autoroutes) ont joué un tourisme maîtrisé par leur État…

 

La situation actuelle de la guerre en Ukraine est, par les mesures économiques prises par l’Occident, dangereuse pour la Corse. La vie plus chère risque de devenir insupportable pour ses habitants les plus démunis. Les autochtones vivant dans le rural sont les pauvres retraités, vieillissant, peu procréateurs, avec des retraites faibles. Cette guerre en Ukraine est pour le peuple corse un accélérateur de son déclin, de sa disparition. 5.000 nouveaux venus chaque année dont beaucoup s’y installent. Le renouvellement de population fonctionne bien, quelques dérogations, quelques aides de-ci de-là, suffiront à éteindre toute velléité de rébellion.

Le peuple corse sera peut-être le seul peuple d’Europe occis par une colonisation réussie… soft !

Y a-t-il une porte de sortie pour qu’il ne finisse pas dans les oubliettes de l’Histoire ? Ne serait-il pas déjà trop tard ?

 

Pour retrouver l’air frais et la liberté, il faut sortir de la nasse des élections locales (CdC) qui donnent une soit disant légitimité de la loi. Quelle est donc cette légitimité parée des attributs de la loi mais entravée au point d’être inefficace pour trouver la porte de sortie, pour faire des réformes structurelles suffisantes, pour sauver d’une noyade lente à moyen terme la partie du peuple corse des autochtones qui y résident ou qui y ont leurs racines.

Il est impératif de sortir de ce piège.

Non, les nationalistes ne sont pas responsables des difficultés, ils les ont hérité du système claniste. Ils n’ont pas démérité. Ils ne pouvaient faire autrement. Leur erreur a été de croire que « majoritaires absolus » l’État jacobin devait traiter avec eux de l’avenir de leur Terre insulaire. Le cérémonial de l’assassinat d’Erignac par un nouveau Président new-look a été un réveil de cauchemar. En congrès, les autonomistes décident de fusionner. Quelques petits mois après, les autonomistes se partagent les postes et les fonctions mais ne fusionnent pas. Une guerre des chefs commence. C’est là une première faute face à l’Elysée qui comprend qu’il a le temps de voir venir.

 

Pour conclure et faire court, les autonomistes empêtrés dans la gestion à court terme (déchets, pollution de l’île et de la mer qui l’entoure (plastiques…) n’ouvre aucun chemin d’espoir. Gilles Simeoni rassure par défaut. Il est estimé certes, mais dans la mesure où il fait de son mieux et personne de nos jours n’a la possibilité de prendre un relais dynamique.

Les autonomistes ont manqué l’occasion en ne fusionnant pas. Ils auraient pu être les instigateurs et les garants d’une démocratie plus aboutie avec laquelle, le combat d’idées aurait profité à leur peuple ! Où la reconnaissance du peuple corse aurait été possible et ses droits accordés. Démocratie et peuple corse sont indissociables.

Où est le manque ? Le trou ?

Pour moi, il manque un sous-sol, une première base. Je donnerai mon point de vue dans les prochains numéro d’Arritti.

À prestu, fratelli di fede ! •