Oriol Junqueras, prisonnier politique catalan

« Nous ne devons jamais laisser tomber le drapeau de la négociation politique »

Le quotidien El Punt/Avui a publié ce 8 février, à une semaine du scrutin pour l’élection de la Generalitat de Catalunya, une interview d’Oriol Junqueras en campagne pour son parti ERC.
Élu catalan injustement incarcéré, Oriol a bénéficié d’un aménagement de peine de l’administration pénitentiaire catalane («le troisième grade») qui lui permet de sortir de sa prison en journée, tout en y dormant chaque soir.
La procurature madrilène a fait appel de cette décision devant le Tribunal Suprême qui, selon toute probabilité, l’annulera comme il le fait à chaque fois. Le hasard du calendrier a fait que cette courte période de semi-liberté du dirigeant catalan emprisonné depuis plus de trois ans coïncide avec la campagne électorale en cours. Aussi, il a pu donner cette interview qui nous éclaire sur les perspectives stratégiques du mouvement indépendantiste catalan. En voici les principaux extraits.

 

Crains-tu une offensive de la procurature, ou du Tribunal Suprême, qui aggrave la répression?

La répression ne s’arrête pas, et ne s’arrêtera pas. La justice espagnole est consciente du défi démocratique que nous lui faisons affronter. C’est son principal cauchemar, et elle se défend avec toute la force que lui donnent les moyens de l’appareil d’État. Il n’y a aucun espoir qu’ils aient l’intention de faire baisser la répression, et nous en avons toujours été conscients.
Malgré cela, et pour cela, nous devons nous mobiliser, faire l’effort de convaincre les gens que notre alternative démocratique est la meilleure. Nous pouvons répondre à l’État, et nous avons la prétention de le faire ici, avec une mobilisation démocratique, dans les urnes et en défendant les droits fondamentaux.

ERC est au centre de tous les pactes possibles après le scrutin du 14 février?

Je suis convaincu que nous gagnerons car la proposition d’ERC est la plus utile pour le pays. Je pense que, pour aller de l’avant, il sera nécessaire de tisser un pacte entre ceux qui se réclament de l’autodétermination, d’un referendum pour aller vers la république, et de l’amnistie. Nous chercherons à faire comme dans les villes de LLeida et Tarragona* un gouvernement avec, et grâce, à la capacité de pacte entre tous ceux qui défendent la nécessité d’un referendum d’autodétermination et l’amnistie des prisonniers exilés.

En cas de possibilité d’un accord avec JxCat es-tu partisan de le conclure, ou d’y mettre des conditions pour éviter les divergences?

En une législature, il se produit des situations nouvelles de toute sorte, surtout dans ce moment de pandémie que nous vivons. Tout ce qui permettra d’anticiper sera utile, mais il faudra aussi s’adapter aux circonstances qui surgiront. Nul ne prévoyait une épidémie, ni une crise aussi dure, et, face à cela, des succès ont été obtenus comme maintenir les écoles ouvertes et sûres, chose que plusieurs pays d’Europe n’ont pu faire, mettre à la disposition du système de santé plus de 12.000 professionnels, ouvrir des hôpitaux annexes… Dans bien des domaines, la gestion a été très positive.

Ne crains-tu pas que la table de dialogue avec le gouvernement Sanchez ne devienne une manœuvre de diversion?

Bien sûr que l’État adoptera toutes les attitudes dilatoires possibles, pour autant, nous autres en Catalogne, nous ne devons jamais laisser tomber le drapeau de la négociation politique, parce que c’est indispensable pour former des majorités sociales dans notre pays, et parce que c’est indispensable pour nous ouvrir les portes de la communauté internationale. À l’étranger, il est attendu que les leaders de la Catalogne mettent en avant la volonté de négociation. Sous-estimer le dialogue et renoncer à ce principe en l’abandonnant aux ennemis de la république catalane et de la liberté serait une erreur stratégique monumentale. Si nous la faisions, elle empêcherait que s’ouvrent les portes de la communauté internationale. •

 

* alliance des trois forces indépendantistes, ERC, Junts et CUP, et de En Comu qui est lié à Podemos en Catalogne.