Les 18 premiers mois de mandat au Parlement européen de François Alfonsi

« Toutes les restrictions sur les libertés sont inacceptables »

Le 18 décembre, l’eurodéputé François Alfonsi présentait à la presse un document résumant ses 18 premiers mois de mandat au Parlement européen. Ce bilan est joint à l’envoi de nos abonnés*. Il y fait le point sur les dossiers les plus chauds de cette mandature, crise sanitaire, crise économique, question des îles, Catalogne, langues en danger, protection des minorités, dossiers internationaux (Nagorno Karabakh, Kurdistan…), démocratie et droits des peuples, question des prisonniers, diplôme européen de Scàndula…
Avec Arritti, il revient plus précisément sur les dossiers qui touchent à la Corse.

 

Dans votre document, vous dîtes «bien des verrous ont sauté suite à la crise sanitaire», l’Europe est un recours pour les États face aux sommes considérables qu’il va falloir mobiliser face à la récession économique…
Chaque État séparément est incapable de surmonter seul la crise économique mondiale générée par cette pandémie. Un premier ballon d’oxygène a été donné avec 540 milliards destinés à alimenter les caisses des États pour faire face aux urgences sociales. C’est une première pour l’Europe. Pour financer l’après-Covid face à des tissus économiques dévastés par la crise, la création de «coronabonds» sous la forme d’obligations souscrites à hauteur de 750 milliards d’euros est un autre verrou qui a sauté d’une importance considérable aussi pour l’avenir de l’Europe.

Pour la Corse, notamment, vous misez sur la reconnaissance des îles pour faire face à la crise?
Poser la question des îles au niveau de l’Europe est capitale pour la Corse par rapport à la France, mais aussi pour les Baléares par rapport à l’Espagne, la Sardaigne et la Sicile par rapport à l’Italie, la Crête par rapport à la Grèce, etc. Nous menons une action collective entre députés insulaires qui nous permet de mettre en place un instrument de lobbying au sein d’un intergroupe qui s’appelle Searica et regroupe toutes les régions maritimes. J’en suis le vice-président en charge des îles. Cela vient appuyer le travail de la Commission des îles de la CRPM** présidée par Gilles Simeoni. Madame Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, nous suit sur l’impact de cette crise pour les îles du fait de leur dépendance à l’égard du tourisme ou des transports. Le commissaire en charge du plan de relance, Paolo Gentiloni, nous a reçu et a annoncé la vigilance de la Commission pour que le plan de relance français de 100 milliards, dont 40 sont apportés par l’Europe, accorde une attention particulière aux îles. Même chose sur certains fonds, comme les fonds structurels sur la transition énergétique, qui devront comprendre un fléchage bien identifié en faveur des îles.

Les îles sont plus vulnérables par rapport aux autres régions?
Quand la crise provoque une récession de 10% en France, elle est presque du double pour la Corse. Partout où le territoire est insulaire, les produits intérieurs bruts sont beaucoup plus impactés par la crise. Nous avons des économies très fragiles et très vulnérables par rapport aux économies continentales. Nous essayons au niveau des députés insulaires de mettre en place un grand débat au sein du parlement. Nous avons déjà un avis favorable de la Commission. Il y aura ainsi tout un processus pendant les trois prochaines années de la mandature pour donner un statut aux îles dans le cadre de la conférence sur le futur de l’Europe qui va s’ouvrir dans les mois à venir.

Prochaine étape de ce processus?
La rencontre que nous avons programmé le 19 janvier avec la Commissaire à la Concurrence, Madame Vestager, qui est le numéro 2 de la Commission et gère le problème des aides d’État. Pour la Corse il est très important d’avoir de ce côté-là un maximum de souplesse et d’écoute.

Retrouverons-nous le diplôme européen de Scàndula?
C’est l’objectif. Le 4 décembre dernier, la décision de retrait du diplôme européen est accompagnée d’une demande de la Convention de Berne de «prendre en considération les nouvelles informations transmises en vue de renouveler le diplôme en cas de preuves suffisantes d’amélioration». Il faut saisir cette opportunité et pour cela deux acteurs essentiels: l’État que j’ai interpellé par le biais de la secrétaire d’État à la Biodiversité, Madame Abba pour une modification du décret de création de la réserve naturelle de Scàndula prenant en compte les nouvelles contraintes. Et le Parc naturel régional de la Corse et l’Office de l’Environnement pour apporter toutes les preuves d’amélioration.

La question des langues est une de vos priorité à travers l’action que vous pouvez mener avec la Fédération Régions & Peuples Solidaires ou la démarche du Collectif Pour que Vivent Nos langues face à la réforme Blanquer?
La convergence entre mon mandat européen et l’élection de députés nationalistes corses à l’Assemblée nationale, nous a rapproché du député breton, Paul Molac, avec qui nous militons au sein de la Fédération R&PS. Cela a permis, avec l’implication notamment de Jean Félix Acquaviva, de créer un groupe au sein de l’Assemblée nationale. Et c’est dans les locaux du Parlement européen que nous avons pu réunir toutes les associations et tous les acteurs des langues régionales en France, Basques, Bretons, Corses, Catalans, Occitans, Alsaciens, Savoisiens… Nous avons manifesté ensemble à Paris contre la réforme Blanquer au sein d’un même Collectif, Pour Que Vivent Nos Langues. Cette impulsion donnée avec les moyens du Parlement européen a conduit également Paul Molac à rebondir par le biais d’une proposition de loi à l’Assemblée nationale qui a rencontré l’opposition totale du Ministre Blanquer. Nous avons poursuivi la bataille au Sénat grâce au groupe nouvellement formé avec l’élection de Paulu Santu Parigi et de députés écologistes et c’est ainsi que très majoritairement le Sénat a désavoué le ministre. C’est l’exemple précis qu’avec la convergence de nos moyens, nous pesons davantage sur les débats. Prochaine étape: l’examen en seconde lecture de cette proposition de loi.

Vous êtes très impliqué sur la question de la Catalogne, et plus généralement sur la question du respect des droits par les États membres, comment le Parlement européen intervient-il sur ces questions?
La Présidente Von der Leyen a mis en place un rapport annuel de l’Union européenne sur la réalité de l’état de droit dans tous les États membres. La Hongrie ou la Pologne sont particulièrement surveillés notamment sur la question de l’immigration ou de l’indépendance de la justice. On aimerait que soit posé aussi le problème de l’Espagne par rapport au dossier de la Catalogne et des responsables politiques injustement emprisonnés, mais tous les pays sont concernés. Ainsi la France va être observé sur la façon dont elle respecte les textes européens, notamment sur la liberté de la presse. C’est un des fondamentaux des vigilances de l’Europe en terme d’état de droit, et l’article 24 de la loi sur la Sécurité Globale fait partie certainement de ce qui sera expertisé dans ce rapport à la rentrée de septembre. Toutes les restrictions sur la liberté de la presse et sur les libertés en général sont inacceptables. Quand on laisse passer les dérives de l’Espagne par rapport à la Catalogne, on expose la France aux mêmes types de dérives en Corse. Il faut donc être très vigilants. Chaque fois que la démocratie est baffouée en Europe, cela pose un problème pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne et c’est pourquoi nous sommes particulièrement impliqués sur les atteintes aux droits. •

 

* Pour les ventes en kiosque, vous pouvez le réclamer gratuitement à notre rédaction (arritti2@wanadoo.fr).
** Conférence des Régions Périphériques Maritimes.

 

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